Certes, une commande de trois paquebots confirme le savoir faire des chantiers navals français qui viennent de mettre à l’eau le plus grand paquebot jamais construit. Certes, ayant pris la tête du projet « Airbus » on a réussi a damer le pion à Boeing et souvent à le dépasser en nombre de commandes ou de ventes. Certes, courant 2015, un paquet de Rafale ont été commandés. Même si les clients sont l’Egypte et le Qatar… ne boudons pas notre plaisir : conçus il y a plus de 40 années, fabriqués depuis, presque, 30 années, la France a eu un mal fou à en vendre et tous les contrats mirifiques (Brésil, Inde, etc.,) annoncés à grands coups de tambour quand un de nos présidents se déplaçait dans un pays prospecté ont fini en queue de poisson.
Qu’importe. S’il y a une leçon à tirer, elle est claire : la France n’aurait-elle pas sacrifié des pans entiers de son industrie elle serait encore aujourd‘hui une des premières économies du monde. Mais pourquoi sommes-nous arrivés dans la situation où plus de 75% des marchandises techniques commercialisées en France viennent de l’étranger ? Et, à part les tentatives comiques pour changer la face des choses (A. Montebourg, « marinières ») y a-t-il moyen de redorer notre blason et faire du pays une terre de richesse industrielle ? Y a-t-il moyen de ne plus être classé au 26ème rang pour le PIB par habitant en PPA (Parité du pouvoir d'achat) ?
Commençons par le commencement : pour créer quelque chose il faut des hommes, des idées et de l’argent. Les hommes ? Population instruite, 16% disposent d’un diplôme d’études supérieures dépassant le bac+2. C’est vrai, la France ne se trouve pas parmi les 10 premiers pays au monde, elle fait beaucoup moins bien que le Canada (51%) ou Israël (46%) ou le Japon (45%) les trois premiers classés au palmarès mondial, mais les hommes sont là. Et, pour les ingénieurs, pas tellement loin du champion mondial (Israël, 140 pour 10.000 habitants), on en a en France environ 100/10.000 habitants. Des idées ? Souvenons-nous du « La France n’a pas de pétrole mais elle a des idées » (Giscard d’Estaing, 1976). Et effectivement, depuis la période entre deux guerres (Moulinex, par exemple) et, ensuite, pendant les 30 glorieuses, le pays secrétait des idées, en veux-tu, en voilà. Toutes ne se transformaient pas en succès industriels/économiques (« télé couleur SECAM » Henri de France ou « plan calcul » ou « Concorde ») mais toutes assuraient au pays une position de premier plan dans la compétition mondiale. Reste l’argent.
L’investissement public en France, depuis la fin des 30 glorieuses se traîne à environ 2,1% du PIB. Comparez avec la Finlande (environ 4%) ou, de nouveau, avec Israël (environ 6%). La France n’a-t-elle donc pas d’argent ?
Si on regarde à la loupe, on comprend vite que trois secteurs ont absorbé l’essentiel des disponibilités de la France, secteurs dont la charge a évolué d’une manière divergente par rapport à l’augmentation du PIB (la moyenne sur les 40 dernières années est d’environ 1% l’an !). Quels trois secteurs ?
Tout d’abord le coût de l’Etat. Quand l’Allemagne finance 50 fonctionnaires pour 1.000 habitants, la France en finance environ 90 (sans tenir compte des « emplois aidés » dont la plus grande partie se trouve dans les administrations, associations, etc., à l’exclusion de l’économie marchande). Tant et si bien que, globalement, quand « le coût de l’Etat » est de 100 en France il n’est que 80 en Allemagne. Avec des salaires (les enseignants, par exemple) qui sont, en moyenne 15% supérieurs en Allemagne. Mais plus de fonctionnaires, quand leur coût diverge par rapport à l’augmentation du PIB, veut dire emprunter (s’endetter) pour payer des frais de fonctionnement ce qui, par ricochet, réduit les disponibilités pour des investissements publics. Et l’endettement… qui était inférieur à 30% du PIB à l’arrivée du premier gouvernement socialiste (1981 – Mitterrand) va se trouver à environ 97% à la fin du dernier (on espère) gouvernement socialiste (Hollande). La « boursouflure » de l’Etat français trouve ses racines dans la disparition des industries créatrices de richesses : maintenir le chômage à environ 10% de la population active, s’est traduit par des dépenses de fonctionnement de l’état.
Ensuite « l’Etat providence » et sa volonté implacable de donner tout, à tout le monde, tout de suite. Naturellement, par souci de « justice », donner aux pauvres. Mais les pauvres sont de plus en plus nombreux ce qui fait que tous les RSI, RSA, allocations familiales, etc., -les dépenses sociales- consomment un pourcentage important du PIB et il reste moins d’argent pour les investissements publics. Et parmi les postes les plus importants de ces dépenses sociales il y a le « coût de la santé ». Entre 12 et 14% du PIB en France, de l’ordre de 10-11% en Allemagne pour une espérance de vie quasi-identique (81 ans vs 80,3 pour les hommes). Le delta entre les deux totaux est de l’ordre de 10 milliards d’euros, autant d’argent non disponible pour l’investissement public.
Et naturellement, le coût de la « différence » du « vivre ensemble », bref, le coût de l’échec de la politique d’intégration sur les 40 dernières années. Coût qui se mesure par la différence entre la contribution au PIB des populations en question et leur consommation de PIB. Il y a plus de 25 ans, Maurice Allais (Prix Nobel d’économie) écrivait «… lorsqu'un nouveau travailleur immigré entre en France, il est nécessaire de réaliser certaines infrastructures de logements, d'hôpitaux, d'écoles, de réseaux de transport, d'installations industrielles, etc. Il estimait que ces dépenses publiques représentaient "une épargne supplémentaire égale à quatre fois le salaire annuel de ce travailleur". Et de poursuivre "si ce travailleur arrive avec sa femme et trois enfants, l'épargne nécessaire sera égale à vingt fois son salaire annuel, ce qui manifestement représente une charge très difficile à supporter".» De multiples études (universitaires pour la majorité, le Rapport Milloz-1990, Christian Saint-Etienne, Jacques Bichot, Gérard Lafay, ou Hernig Birg et l’Institut Max-Planck en Allemagne, etc.,) s’accordent à dire qu’il s’agit, pour la France, de quelque 35% du déficit budgétaire soit environ 30 milliards d’euros. Autant d’argent non disponible pour l’investissement public.
Les trois aspects évoqués expliquent, pour l’essentiel, les raisons de la décomposition actuelle de ce qui a été la 4ème puissance économique du monde. Mais ce qui empêche notre pays de revenir à ce qu’il était c’est l’incapacité de « vivre ensemble » au plans éducation & culture (le pays étant en voie de « halalisation » G. Kepel – Quatre-vingt-treize, 2012) mais aussi, mais surtout, l’incapacité des élites (de droite et de gauche) qui gouvernent la France depuis 40 ans de faire accepter au peuple l’économie de marché –d’évidence incompatible avec l’Etat providence. Regardez ce que l’on fait aujourd’hui : on est au 36ème dessous mais on distribue larga manu de l’argent -dont nous ne disposons pas : aux agriculteurs, aux camionneurs, aux enseignants, aux cheminots – il suffit de bloquer un dépôt de carburants et les vannes des subsides gouvernementaux s’ouvrent à grande vitesse. Car il suffit que « Staline » (Ph. Martinez) fasse donner les troupes de la CGT pour que le pays soit mis à feu et à sang. Mais il faut sauver l’Euro Foot…. Panem et circenses …
Alors ? Il y a-t-il moyen d’échapper à l’inexorable décomposition qui, par une spirale descendante, risque de conduire non seulement à la disparition de l’économie de la France mais de la France tout court ? Selon la deuxième loi de la thermodynamique, il n'y a pas de processus réversible dans la nature. Rien ne peut revenir exactement à son état d'origine. Le dernier homme providentiel (De Gaulle) avait remis la France sur les rails du progrès. Ses épigones, de droite mais surtout de gauche, ont détruit systématiquement ce qu’il a fait et, à part de s’accrocher au pouvoir (n’est-ce-pas Monsieur Hollande ?) s’illustrent par l’imposture d’occuper les fonctions qu’ils occupent.
Pauvre France …