Il y a exactement 170 ans Karl Marx et Friedrich Engels écrivaient « Un spectre hante l'Europe : le spectre du communisme. Toutes les puissances de la vieille Europe se sont unies en une Sainte-Alliance pour traquer ce spectre : le pape et le tsar, Metternich et Guizot , les radicaux de France et les policiers d'Allemagne » (Le Manifeste du Parti Communiste, 1847). Aujourd’hui, un autre spectre hante l’Europe : le populisme. Et on voit Monsieur Hollande, Madame Merkel et la superstructure de Bruxelles, affolés car de l’autre côté de l’Océan le même populisme vient de conquérir le pouvoir dans l’état le plus puissant du monde.
Tant que ledit populisme affectait l’Autriche ou, en partie, les Pays Bas et l’Allemagne, les élites qui gouvernent (avec le succès que l’on connaît) l’Europe se contentaient de morigéner ceux qui se laissaient convaincre que ce n’était pas bien et qu’en réalité, les lendemains promis par l’Etat providence et la vulgate semi-socialiste allaient être heureux pour le restant de l’histoire. Naturellement, elles demandaient à être crues sur parole car il n’y avait personne de plus brillant ou qui leur soit supérieur. Ergo la justesse de leurs vues, en toutes choses, ne pouvait pas être mise en doute. Et quand le peuple faisait savoir sa désapprobation d’un quelconque accord (Pays Bas, France, référendum 2005) puisqu’elles ne pouvaient pas changer le peuple (Brecht), elles s’asseyaient sur son avis et concoctaient un traité (Lisbonne 2007) qui n’était plus soumis à référendum.
D’aucuns considéraient qu’il s’agissait d’une pensée unique qui tôt ou tard risquait d’être mise en cause par tous ceux qui, nonobstant ce que l’on leur promettait, ne voyaient rien venir.
Et puis, plus de 60 millions de citoyens américains on décidé de « renverser la table » en choisissant comme président un bonhomme d’une honnêteté relative, habitué des plus mauvais sentiments à l’adresse de divers groupes sociaux et dont les mérites vantés quant à l’accumulation de sa fortune demandaient vérification.
Que s’est-il passé ? Ridiculisé par la « droite » et par la « gauche », méprisé par tous ceux qui ont 30 ans (ou plus) d’émargement aux budgets des états, méprisé par tous ceux qui se considèrent au-dessus de la mêlée, par les vedettes de Hollywood ou les intellectuels de Harvard, Stanford et/ou Princeton, le bonhomme a été élu président. Au bout de quinze mois de campagne électorale pendant lesquels on a dit pis que pendre le concernant, pendant que plus de 200 journaux l’ont vilipendé (seulement six l’ont adoubé) personne n’a essayé de comprendre quel était le ressort de sa progression inexorable vers le pouvoir suprême. Personne n’a compris que le « populisme » allait sortir victorieux d’une lutte à laquelle seulement une des parties était réellement légitime.
Il s’agit, on le sait, des cadres et des ouvriers blancs qui ont été gavés pendant 50 ans (depuis les années 60) de multiculturalisme, de globalisation et de changements démographiques contraires à ce qu’ils étaient. Après avoir perdu -comme la classe moyenne- leurs illusions quant au « rêve américain » ils ont décidé de choisir comme représentant celui qui s’est déclaré solidaire des petits, des pauvres non entretenus par l’état, des sans-grades, bref, celui qui s’est fait leur voix. Sans parti, sans organisations structurées, utilisant pour l’essentiel ses propres sous, le pelé, le galleux, leur a rendu l’espoir. Le résultat obtenu constitue une répudiation non seulement de son adversaire (Hillary Clinton) non seulement pour ce qu’elle est mais, surtout, pour ce qu’elle représente. Sans oublier une répudiation patente de tout ce que l’actuel président des Etats Unis voulait laisser comme héritage.
Et voilà que les têtes pensantes de l’Europe, incapables de comprendre ce qui arrivait et ce qui, probablement, risque de se passer chez elle dans les années à venir, se sont lancés du haut de leur savoir, à nul autre pareil, a proférer des diatribes, à parler de «période d’incertitude» et à sommer le nouveau président des Etats Unis de comparaître à Bruxelles pour qu’il s’explique. Ces têtes pensantes – et tous ceux qui les soutiennent, presse, radios, télévisions, experts auto-proclamés, « tout ce qui grouille, grenouille et scribouille » (De Gaulle, Montréal 1967)- par leur myopie, par leur arrogance, par leur méconnaissance de la vie réelle des peuples qu’ils s’entêtent à gouverner, sont en train de détruire les chances de l’Europe de rester ce qu‘elle a été, un continent blanc (comme l’Afrique est un continent noir) dont les valeurs sont d’origine judéo-chrétienne. En quoi faisant ? Multiculturalisme (tous les cultures se valent), globalisation (frontières ouvertes pour assurer une concurrence effrénée), « vivre ensemble » (incapacité des populations migratoires d’être assimilés). Si l’on accepte ce point de vue, ce qui s’est passé aux Etats Unis doit être considéré comme une réaction massive à l’attaque (la destruction) depuis longtemps par des intellectuels de haut vol et des « cerveaux d’acier » des valeurs du bas peuple. Certes, on considère ceux qui constituent le bas peuple comme « déplorables » (H. Clinton, 12.09.16, qualifiant « la moitié » des partisans de Donald Trump). Oui, ils sont déplorables mais … ils ont été très nombreux : pourtant ce n’est pas ce qui arrête tous ceux qui n’ont que la démocratie à la bouche de s’arroger le droit de la nier.
Le populisme qui fait peur à nos élites, l’idée que l’on puisse gouverner un pays sans faire partie du monde politique (chez nous sans sortir de l’ENA ..) constitue un des facteurs majeurs de l’opposition à tout changement. Dans notre Assemblée Nationale sur les 577 députés plus de la moitié sont fonctionnaires : comment croire qu’ils seront disposés à changer quoi que ce soit qui pourrait influencer leur propre situation ? Mais si le bas peuple veut, un jour, s’attaquer aux privilèges et aux prébendes que le système qui est le nôtre accorde, on criera au populisme. Néanmoins, ne pas le faire c’est faire le lit aux pires démagogues. Choisir entre la peste et le choléra …
Un spectre hante l’Europe … le populisme menace l’ordre établi, menace les 33.000 fonctionnaires de Bruxelles dont les salaires sont le triple du salaire moyen des pays membres et qui ne sont pas soumis à un quelconque impôt. Il menace l’organisation d’une société qui a détruit « l’ascenseur social », qui a laissé se créer et se développer une composante « assistanat » qui a pris la place de l’émulation par les résultats du travail fait et qui a fait de l’immigration de populations non assimilables un objectif prioritaire mais pernicieux pour le sort de ses propres pauvres