Etat de droit et quatrième pouvoir.
Un océan sépare les deux pays qui considèrent avoir une vocation universelle en vertu des valeurs qu’ils ont proposé au monde et qui sont universellement reconnues comme l’alpha et l’oméga de ce que vers quoi il faut tendre. L’essentiel se résume dans « l’état de droit » pour les deux pays, l’un privilégiant la liberté, l’autre, l’égalité. Il s’agit, bien entendu, des Etats Unis et de la France. Et, par les temps qui courent, il s’agit de remarquer une similitude grandissante entre l’évolution de l’un et celle de l’autre. Evolution ? On a tendance à admettre, au moins de manière subliminale, qu’évolution veut dire progrès.
Est-ce vrai ?
Quand on regarde ce qui se passe actuellement aux Etats Unis et ce qui est en train de se passer en France on peut en douter.
Etats Unis – Elu président dans le cadre d’un système électoral que d’aucuns trouvent inadéquat mais qui existe depuis plus de 200 ans, M. Trump voit se lever contre lui tous ceux qui ne lui ont pas donné leur suffrage. Manifestations de rue, annonces de « résistance », actions en justice, le tout concourant à l’empêcher de gouverner ou, à tout le moins, l’empêcher de mettre en pratique ce pourquoi plus de 60 millions d’américains lui ont fait confiance. Certes, c’est surprenant de voir un élu mettre en pratique ce qu’il a promis car … en vertu de la démocratie il devient représentant de tous ceux qui voté pour lui ou contre lui et donc il se sent obligé de nuancer voir changer les orientations mises en avant dans le processus d’élection. Qu’importe … Si l’on prend l’exemple de la dernière décision de M. Trump (interdire, pour une durée de 90 jours, tout arrivée d’immigrants originaires de sept pays) on a une double preuve : il met en pratique ce qu’il a promis pendant sa campagne électorale et on voit le ban et l’arrière ban de ceux qui n’ont pas voté pour lui, lui contester le droit de gouverner. S’il s’agissait que de manifestations de rue on pourrait passer l’éponge. Mais, quand on met en question son droit -en respectant la constitution des Etats Unis- à prendre les décisions qui, selon lui, sont les meilleures, il s’agit de toute autre chose. On devrait s’attendre à ce que le « troisième pouvoir » (la justice) fasse son travail en séparant le bon grain de l’ivraie. Mais là où les choses se compliquent c’est que « le quatrième pouvoir » (presse, médias) se trouve en collusion avec le troisième. Et on arrive à une situation sui generis, les deux pouvoirs que personne ne peut contrôler/sanctionner dans un état de droit peuvent empêcher l’expression du choix de la majorité (dans le système électoral qui prévaut là-bas) et priver, ainsi, ladite majorité de ses droits. Aujourd’hui les deux pouvoirs incontrôlables se trouvent alliées sur des positions, pour simplifier, « de gauche » quand la majorité a donné le pouvoir à un parti de « droite ». De plus, étant incontrôlés et donc non sanctionnables, les deux pouvoirs peuvent utiliser -d’une manière directe ou indirecte- toutes les contrevérités qui pourraient justifier leurs positions. Pour ce qui est du décret concernant l’immigration, en utilisant la caisse de résonance fournie par le « quatrième pouvoir » on a réussi à instiller sa réprobation à la planète entière. En occultant le fait de savoir que ce que M. Trump a fait n’est que la répétition de deux décisions de l’Administration Obama (« Terroriste Travel Act of 2015 » reprenant des décisions à l’identique de 2011) prises, certes, dans
un autre temps et dans d’autres conditions. En clair : on a réussi à faire croire au monde entier[1] que l’Administration actuelle avait édicté un décret uniquement destiné, pour des raisons religieuses, à sept pays « musulmans ». Quand, en réalité, les sept pays en cause avaient été choisis par l’Administration Obama, sans que personne ne s’en offusque. Ni, au moins un des pays musulmans (le Koweit) qui a pris, en même temps une décision similaire (http://www.aninews.in/newsdetail-NA/Mjk4MDg0/kuwait-imposes-visa-ban- on-five-muslim-majority-nations-including-pak.htmlr). Etat de droit oblige, deux états plaignants se sont
adressés à justice : il se trouve que le “9 ème circuit juridique” est marqué comme étant le plus “libéral” (de gauche …) des Etats Unis. En attendant le jugement, le “quatrième pouvoir” s’est donné à cœur joie à vilipender M. Trump et son Administration : pendant les 15 premiers jours après sa prise de mandat (du 20 janvier au 5 février) un des journaux américains de référence (Washington Post) a publié -teaser en première page- plus de 80 articles à charge contre M. Trump et la nouvelle Administration. Ajoutez New York Time et Los Angeles Times, CNN, NBC, ABC, etc., et vous aurez une idée du pouvoir de feu utilisé actuellement pour empêcher la mise en place de la politique choisie par le peuple américain. Cela a été rendu possible par la collusion des deux pouvoirs incontrôlables et non sanctionnables. Autant dire il s’agit, d’évidence, d’une entorse inimaginable à l’esprit et à la lettre de l’Etat de droit. Le choix de M. Trump, à posteriori, justifie le vote du peuple américain qui, au moins pendant les huit dernières années (Administration Obama) s’est senti dépossédé de ce qu’il aurait eu le droit d’avoir en faveur de transformations idéologiques contraires à ce qu’il a toujours été. C’est ainsi que nait le populisme …
La France – Le résumé le plus concis de ce qui se passe actuellement en France est le titre de la tribune écrite par deux professeurs de droit (Bertrand Mathieu et Hervé Bonard, Le Figaro, 01.02.17), «Un inconnu fournit le pétard, un média allume la mèche et un juge choisit le moment où elle explosera». Résumons : en utilisant uniquement des moyens légaux, en pleine transparence fiscale, François Fillon a rendu une partie de sa famille récipiendaire de fonds mis à sa disposition dont l’utilisation de manière discrétionnaire dans le cadre de ses divers mandats électifs était permise par la loi. Le « quatrième pouvoir » (Le Canard Enchaîné) s’est fait colporteur d’une dénonciation de faits en partie inexactes –ce qui lui a permis d’ajouter pas loin d’environ 700.000 exemplaires vendus sur trois parutions, soit un revenu supplémentaire de plus d’un million d’euros. Pas mal … dénoncer des « abus » et en tirer profit … quoi de plus malin … Mais, le «troisième pouvoir » avec une célérité inusitée, a réagi : le Parquet Financier (dont la compétence semble pouvoir être contestée) s’est saisi du sujet et a diligenté une enquête préliminaire trois heures après la sortie du Canard. On n’a pas vu mieux jusqu’ici. Ensuite, tous les jours de la semaine et surtout le mercredi, journaux, télévisions, radios lavent le cerveau du bon peuple en racontant tout et son contraire forts des « fuites » organisées par les instances qui sont en charge de l’enquête. Tant et si bien que, par rapport aux fuites habituelles (dont les journalistes se sont arrogé le droit, depuis toujours, de ne pas faire connaître les sources) on vient de voir un progrès remarquable : Le Monde titrait « « Le Monde a eu accès … » Personne n’a été choqué devant cette preuve évidente de la collusion des deux pouvoirs incontrôlables dans l’état de droit, la justice et la presse. Certes, ce que François Fillon a fait, à défaut d’être illégal était moralement reprochable. Il a fait acte de contrition en présentant des excuses aux français pour l’utilisation de procédés qu’il n’était pas seul à employer (environ un député sur quatre faisait de même). Mais, les centaines de pages des journaux et les centaines d’heures des radios et télévisions plus « les réseaux internet » n’ont d’évidence qu’une seule justification : empêcher un deuxième tour à l’élection présidentielle qui verrait s’affronter Mme Le Pen et François Fillon, dont le résultat plus que probable serait une alternance en faveur de la droite. Et la mise en place d’un programme de gouvernement qui seul pourrait avoir une chance de redresser le pays. En parallèle, on « boost » la candidature d’un « gourou » jeune et sympathique, produit des élites qui gouvernent la France depuis de lustres et dont le seul programme, jusqu’ici est constitué par le slogan « En Marche ». Car, d’évidence, les utopistes d’extrême gauche ne sont pas crédibles et le pauvre parti socialiste ne l’est plus. Ce qui se passe sous nos yeux c’est l’évidente collusion du « troisième » et du « quatrième pouvoir » pour empêcher les électeurs (de droite, mais pas seulement) de gagner l’élection présidentielle de 2017. C’est ainsi que naît le populisme …
Première page de Washington Post - 07.02.17