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21 août 2018 2 21 /08 /août /2018 19:29

Le 1er mars 2005, suite aux des efforts acharnés de Jacques Chirac, la Constitution de la France s’enrichissait d’un article 88-5 qui prévoyait qu’un éventuel élargissement de l’UE devait être soumis à un référendum du peuple Français (ou à l’accord de 3/5èmes des deux chambres réunies). Personne n’était dupe, il s’agissait de prévenir l’admission de la Turquie. La Constitution avait été modifiée ensuite (sept fois depuis 1958… comme s’il s’agissait d’une loi quelconque) en 2008 en supprimant la clause Chiraquienne d’origine. La Turquie en a voulu à ce dernier, elle en a remercié N. Sarkozy.

Que se passe-t-il aujourd’hui ?

Oublions pour l’instant que depuis 2003 ce pays vit en régime de parti unique et même que depuis la dernière élection présidentielle elle a perdu l’essentiel des caractéristiques d’une démocratie - la séparation des trois pouvoirs, la liberté d’expression et aussi l’indépendance de sa banque centrale. Oublions, donc, qu’il s’agit maintenant d’un régime autocratique dont un homme seul est le dépositaire de tous les pouvoirs. Oublions.

Mais tout en oubliant tout, on est forcé de se souvenir qu’à la suite d’un (faux ?) coup d’état, un pays limitrophe de l’Europe a enregistré l’arrestation d’environ 160.000 personnes, le renvoi de 152.000 fonctionnaires parmi lesquels 12.000 policiers, 16.000 enseignants et 13.000 militaires et aussi la fermeture de 45 journaux et 17 chaînes de TV (LCI O4.10.2016). Ce n’est pas tout… 5.822 profs universitaires, 4.560 juges et procureurs ont été demis de leurs fonctions comme 319 journalistes (X index 25.04.18). Pour ce qui est des journalistes ce pays est considéré comme « la plus grande prison du monde » et se classe, pour la liberté de la presse à la 155ème position (sur 180 enregistrées, Le Figaro 04.08.2018). La Turquie.

Oublions aussi le rôle néfaste de ce pays dans ce qui se passe en Syrie où, pour l’essentiel, il tue des Kurdes y vivant car frères des 20% de sa population qui a subi, elle aussi, 40.000 morts depuis que le nouvel Sultan tient le haut du pavé.

Si je continue, on va se demander pourquoi j’évoque cette nouvelle dictature quand il n’en manque pas d’autres de par le monde. Si je le fais c’est parce que la France vient de l’adouber. Vous ne croyez pas ?

Le Sultan croit dur comme fer que l’inspirateur du (faux ?) coup d’État est son ancien principal associé qui se trouve aux Etats Unis. États Unis qui, État de droit oblige, pour l’extrader, demande des preuves de l’implication du bonhomme. Et ce que la Turquie présente… ne passe pas le seuil minimum de la justice américaine. Alors… le Sultan a fait arrêter et juger un Pasteur américain qui exerçait son ministère à Izmir depuis plus de 25 ans. Et qui est maintenant menacé de 35 ans de prison. Bazar turc oblige… il a demandé au Président américain d’intervenir pour libérer une turque, supplétive du Hamas, en cours de jugement en Israël. Ce que M. Trump a fait et la dame s’est retrouvée à Ankara. Se fondant sur la mentalité de bazar du Sultan le président américain avait compris que c’était un quid pro quo pour libérer le Pasteur. Qui, oui, a été sorti de prison mais… en résidence surveillée en attendant le jugement du procès. Et le Sultan a poursuivi… en demandant maintenant que la justice américaine (sur laquelle la Président n’a aucun pouvoir, comme on le sait) annule les pénalités (des milliards de $ et une condamnation de prison) auxquelles la principale banque turque (HALKBANK) a été condamnée car ayant contourné les sanctions précédant le JCPOA pour assurer des liquidités à l’Iran (vente de pétrole, gaz, or et autres métaux, selon les estimations, plus de 100 milliards de $ ! The Atlantic 04.01.2018) pendant des années. Monsieur Trump apprendra qu’avec le Sultan il n’y a pas de « gentlemen agreement » (cela nécessite deux gentlemen…). Alors ?

Les Etats Unis on appliqué des sanctions commerciales à la Turquie tant que le Pasteur, non coupable selon eux, n’est pas libéré. Et les gazettes nous apprennent que la France s’allie au Sultan pour déjouer les sanctions américaines.

Qu’est-ce-qui nous prend ? De la folie furieuse…

Dans un cas, clair comme eau de roche, ou le droit, la morale et tout le reste est du côté des Etats Unis, la France prend le parti d’une dictature dont les procédés inadmissibles révoltent une grande partie du monde.

Pas seulement la France. L’Allemagne (plus de 3 millions de turcs y sont présents) accorde une sorte de neutralité bienveillante à la Turquie, client important, surtout pour l’armement.

 

En fait, l’Europe qui s’est compromise tant et plus avec le Sultan dictateur se trouve devant une charade : comment se comporter avec un dictateur qui pourrait tomber ? Et comment faire pour que les 150 milliards d’euros de créances de ses banques ne partent pas en fumée ? Rien que la BNP en possède plus de  90 milliards d’euros… Créances qui pourraient s’ajouter aux 260 milliards de créances douteuses des banques européennes à fin 2017 (Atlantico, 16.08.2018). Et qui pourraient être à l’origine d’une « contagion » dont l’Italie en premier, la France ensuite pourraient être les victimes. Car par delà ses dettes,  la Turquie ira de mal en pire : avec une inflation de 16% et des taux d’intérêt qui frisent les 18% car la lire a perdu plus de 60% de sa valeur depuis le début de l’année on ne voit pas, à part une intervention du Fonds Monétaire International (que les Etats Unis ne laisseront pas faire) ce qui pourrait sauver ce pays. Le Sultan peut enfermer les journalistes et les dissidents et fermer les journaux. Mais il ne peut pas fermer les marchés qui n'achètent plus ce qu'il vend.

Comment se comporter avec un ancien vendeur de bazar qui ne s’embarrasse d’aucun principe quand il veut faire du chantage ? Ce qui semble se profiler à l’horizon c’est une menace de défaut de la Turquie face aux échéances imminentes d’une partie de sa dette (peu ou prou, son total est de quelques 500 milliards de $ - actualité-news.com, Economie, 29.06.2018).

Alors ? La France (avec sa dette totale de plus de 2.800 milliards de $ - 97,8% du PIB) s’allie avec la Turquie CONTRE les Etats Unis ? Et M. Macron va demander à M. Trump quelques arrangements pour la France une fois que les iraniens sortiront du JCPOA ? Car ils sortiront.

L’Europe se trouvera dans une drôle de situation : le Guide Suprême a posé comme conditions pour que l’Iran reste dans le JCPOA « indemniser Téhéran pour les recettes pétrolières perdues en raison des sanctions américaines, garantir que les banques européennes continueront à financer le commerce bilatéral avec l’Iran, et ne pas soulever la question des missiles balistiques iraniens ou des interventions régionales. Il a même stipulé que les Européens devaient voter pour une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies condamnant Washington pour son retrait du JCPOA » - (The National Interest, 16.08.2018). Pas difficile de comprendre que l’Europe, nonobstant les simagrées et les rodomontades de Mme Mogherini, ne pourra pas satisfaire les demandes iraniennes. Si elles restent telles quelles, l’Iran sortira de l’accord et… l’Europe, sauf se déjuger de tout, sera obligée de réinstaller ses propres sanctions contre l’Iran.

Les jours passent et l’Europe fasse semblant de croire que les mesures mises en place (« Blocage Status » et loi spéciale) pour obliger les sociétés européennes à continuer de travailler avec l’Iran seront efficaces. En  réalité elles sont vaines car « les entreprises individuelles sont plus susceptibles d'éviter de faire des affaires avec l'Iran que d'invoquer les mesures de protection. Les sanctions américaines les forceront à choisir entre faire des affaires avec les États-Unis, le plus grand marché du monde ou avec le marché iranien beaucoup plus petit. Total, Maersk, Siemens, Mercedes, Deutsche Bahn, Deutsche Telekom et d’autres grandes entreprises européennes ont déjà annoncé qu’ils se retireraient d’Iran » (The National Interest, 16.08.2018).

Ne nous trompons pas, les tentatives de l’Europe pour protéger l’Iran contre les sanctions américaines sont vouées à l’échec.

Et pour la Turquie… depuis une dizaine d’années elle se disait allié de l’Ouest mais dérivait vers l’objectif de celui qui espérait devenir Sultan. Ramener le pays laïcisé par Kemal Atatürk il y a cent ans à ce qu’il était avant, pays de l’islam dont le seul Dieu est Allah. Allahu Akbar !

 

 

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