« Le déni de la réalité est le terme employé à partir de 1924 par Sigmund FREUD dans un sens spécifique : mode de défense consistant en un refus par le sujet de reconnaître la réalité d'une perception traumatisante… »
Je crois que nous vivons, à l’Ouest de l’Europe, en plein déni de réalité. Je vais prendre deux exemples qui me paraissent lourds de conséquences pour le futur immédiat.
En France le Président récemment élu semble, selon les gazettes, se trouver dans une situation de crise. Résultats absents ou contraires aux promesses faites pendant sa campagne électorale, distance trop grande par rapport au peuple ou incompréhension des motivations de multiples catégories socio-professionnelles, utilisation de méthodes de gouvernement incompatibles avec la démocratie « participative » (label présent pendant toute sa campagne électorale), j’en passe et de meilleurs. Ajoutez les épisodes Benalla et Hulot et on comprend pourquoi, tout en s’évertuant de trouver quoi et comment faire pour réussir son mandat, il cherche ailleurs ce qui pourrait redonner son blason. D’évidence, l’Europe. Et on le voit, pendant le déchirement du tissu qui constituait le « couple franco-allemand » s’ériger en « leader de l’Europe ». Et, sans réserve aucune, annoncer qu’il sera le chef des « progressistes » devant les « nationalistes » qui s’agglutinent en Europe pour constituer un pôle de résistance (Copenhague, 28.08.18). En clair, il dit, à mots couverts, qu’il s’agit de la paix contre le nationalisme guerrier, du bien contre le mal. Ce qui lui fait dire cela est la conséquence d’une lecture erronée de la situation de l’Europe. Après des dizaines d’années pendant lesquelles on a essayé de créer « une Europe unie et un peuple européen » à l’occasion d’une transhumance comportant des millions d’êtres venant d’ailleurs et apportant, comme les escargots, leur cultures et systèmes de valeurs pour les implanter dans un territoire devenu perméable, de vieilles nations se rebiffent et montrent clairement leur volonté de rester ce qu’elles étaient. Plus d’une dizaine de pays de l’Union Européenne (Pologne, Tchéquie, Slovaquie, Hongrie, Autriche, Italie, Lituanie, Lettonie, Estonie, en partie le Danemark et probablement la Suède) sont en train de créer un front commun contre la conception multiculturelle de Bruxelles, la prépondérance des lois supranationales édictées par des forums non élus et, surtout, contre une trop grande inclusion de populations exogènes qui même intégrées ne seront pas assimilées. Il ne s’agit pas de « guerre et paix » mais « d’identité ». Monsieur Macron est sujet à un déni de réalité, traumatisé par ce qui lui arrive en France, il voudrait avoir une compensation en Europe.
En Europe – L’Union Européenne (je laisse de côté l’ineffable Mme Mogherini…) ne s’occupe pas des 500.000 morts de Syrie (pour ne pas fâcher la Russie…), non plus du Yémen (pour ne pas fâcher l’Arabie Saoudite), ni de la destruction des Kurdes (pour ne pas fâcher le nouveau sultan). Elle n’a que deux sujets de préoccupation, comment sauver l’Iran de la perte du fameux JCPOA et comment faire pour rendre la vie d’Israël aussi misérable que possible.
Pour ce qui est du JCPOA elle est arrivée dans une situation pour le moins troublante, opposée frontalement aux Etats Unis et solidaire de l’Iran. Aucune des raisons pour lesquelles les Etats Unis se sont retirés du JCPOA (« sunset clause », missiles balistiques, déstabilisation du Proche Orient, sponsor du terrorisme) n’est inconnue à l’Europe, aucune ne devrait être minimisée (tout dernièrement un attentat de grande envergure a été déjoué en France, plusieurs acteurs ont été arrêtés en Belgique et en Allemagne – La Croix 03.07.18). Pourtant l’Europe se considère solidaire de l’Iran.
Pour ce qui est d’Israël, l’Europe a décidé, contre vents et marées, d’être l’allié indéfectible des « palestiniens ». Même récemment quand les soi disant « manifestants pacifiques » (E. Macron, 15.05.18) ont détruit, par le feu, 3.000 hectares de forets et cultures crées, avec effort, dans le désert pendant des dizaines d’années et ont brulés 10.000 pneus sur la frontière Israël/Gaza tout en y envoyant plus de 750 cerfs-volants incendiaires et/ou explosifs. En faisant semblant de ne pas voir que le schisme « Hamas/Gaza – Autorité Palestinienne/Cisjordanie) qui dure depuis une douzaine d’années n’a aucune chance de se résorber tant que l’Iran aura son rôle déstabilisateur. En faisant semblant de croire que les demandes sine qua non des palestiniens (capitale, droit de retour, etc.,) sont négociables, en faisant semblant d’appuyer le droit d’Israël à l’existence dans des frontières sures et reconnues (à condition qu’elles soient ni sures ni reconnues…) en supportant un processus de paix moribond (depuis 25 ans) et en finançant, à fonds perdus, la « cause palestinienne ». A raison d’environ 400 millions d’euros annuellement (Autorité Palestinienne, UNRWA, etc.,) elle aura versé aux dits palestiniens, peu ou prou, plus de 10 Milliards d’euros depuis "Oslo" (Toute l’Europe, 20.04.18). La raison majeure pour cette « aide » est l’existence des « réfugiés ». Deux moments dans l’histoire récente méritent d’être notés :
La Suisse - “Les réfugiés rêvent de retourner en Palestine. Entre-temps, il n’y a plus 700.000 réfugiés palestiniens dans le monde [comme en 1948], mais 5 millions. Il n’est pas réaliste que ce rêve devienne réalité pour tout le monde. Cependant, l’UNRWA maintient cet espoir. Pour moi, la question se pose: l’UNRWA fait-elle partie de la solution ou du problème?”, s’est interrogé le chef de la diplomatie suisse dans un entretien accordé à plusieurs journaux suisses du groupe NZZ."
“Tant que les Palestiniens vivent dans des camps de réfugiés, ils veulent retourner dans leur patrie. En soutenant l’UNRWA, nous maintenons le conflit en vie. C’est une logique perverse, parce qu’en fait, tout le monde veut mettre fin au conflit”, a-t-il poursuivi.
Le ministre suisse des Affaires étrangères Ignazio Cassis a qualifié jeudi “d’obstacle à la paix” l’Agence onusienne pour les réfugiés palestiniens (UNRWA). (Le Temps 17.05.2018)
Tant que les Arabes ne seront pas prêts à accorder à Israël le droit d’exister, […] Israël se défendra.
Etats Unis – L’arrivée aux commandes d’un Président atypique car, entre autres, disposé à regarder les faits et prendre des décisions en conséquence, sans être sujet au poids d’un passé dont les décisions n’ont pas fait progresser le pays (ou le monde) vers ce qui était espéré, a changé la donne aux Etats Unis mais aussi dans la monde. Et au Proche Orient. Deux décisions majeures, les deux faisant le constat de la réalité : admettre que la capitale d’Israël se trouve à Jérusalem et, dernièrement, arrêter le transfert de fonds à UNRWA. Les deux décisions ont été condamnées par l’Europe. Pour ce qui est de la première le ridicule est tellement évident qu’il ne faut pas perdre du temps à s’en occuper. La deuxième fait le même constat que la Ministre des Affaires Etrangères de la Suisse. Et les États Unis la justifient : « L’Administration a soigneusement examiné la question et décidé que les États-Unis ne verseront pas de contributions supplémentaires à l’UNRWA. Lorsque nous avons versé une contribution de 60 millions de dollars en janvier, nous avons clairement indiqué que les États-Unis n’étaient plus disposés à assumer la part très disproportionnée (NB. environ 30%) du coût des dépenses de l’Agence pendant les prochaines années. Plusieurs pays, dont la Jordanie, l’Égypte, la Suède, le Qatar et les Émirats arabes unis, ont fait preuve de leadership pour résoudre ce problème, mais la réponse internationale globale n’a pas été suffisante.
Outre le déficit budgétaire lui-même et l'incapacité de réaliser un partage des charges adéquat et approprié, le modèle économique fondamental et les pratiques fiscales qui ont marqué l'UNRWA pendant des années - liés à la communauté de bénéficiaires habilités de l'UNRWA augmentant sans fin d’une manière exponentielle - ne sont tout simplement plus viables pour les années à venir. –Département d’Etat, 31 .08.18 – traduction MB» Les Etats Unis ont versé (via UNRWA ou directement à l’Autorité Palestinienne) eux aussi plus de 10 milliards de $ depuis les accords d’Oslo (1993).
Condamnant la décision américaine, l’Europe est sujette à un déni de réalité. Comme M. Le Drian à la conférence des ambassadeurs « Ce que nous chercherons à obtenir, c’est la position historique de la France, un règlement juste et durable du conflit, à savoir l’établissement de deux États… Un acte manqué ? Probablement, car si l’on comprend bien, pour M. Le Drian l’Etat d’Israël n’a pas été encore établi…
Qui ne comprend pas que vu l’impossibilité réelle de trouver une solution au conflit israélo-arabe (et a son corolaire israélo-palestinien) le nombre de réfugiés, 70 ans après leur départ (ou expulsion) d’Israël ne peut qu’augmenter sans fin d’une manière exponentielle en vertu de la définition du caractère de « réfugié héréditaire » consenti par l’ONU aux palestiniens et à eux seuls? Ce que l’Europe cache c’est sa perception traumatisante pour ce qui a été son passé. Et le fait qu’elle opère le transfert de sa responsabilité passée sur les juifs qu’elle a essayé de faire disparaître.
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La France traverse une crise dont seulement l’aspect économique conduit, pour l’instant, des catégories socio-professionnelles différentes à être contre tout ce qui est pour et vice-versa. On en a vu d’autres, la France est un pays riche. Ce qui est beaucoup plus grave c’est qu’en parallèle couve sous les cendres une crise identitaire et culturelle dont les conséquences, à long terme, sont autrement importantes. L’Europe, loin de se partager entre « progressistes » et « nationalistes » donne des signes d’essoufflement pour ce qui est d’une intégration, i.e. d’un « melting pot » dans lequel on aurait dissous les nations. Et dans lequel un policier allemand pourra exercer ses fonctions à Marseille. La France, l’Europe se trouvent être en déni de réalité.