Tout d’abord, un mot : pourquoi écrire ? Depuis une douzaine d’années depuis que le blog existe, j’ai pris l’habitude (la décision) de ne pas répondre aux observations, remarques, quolibets ou injures qui m’étaient adressées par certains lecteurs, tout en essayant de faire une synthèse des observations/remarques/interrogations qui me paraissaient légitimes pour apporter un élément supplémentaire de réflexion.. Et aussi, en laissant un peu de temps s’écouler entre un écrit et mon retour. Aujourd’hui le temps se comprime, on ne sait plus ce qui s’est passé il y a une semaine car on a la tête pleine de ce que les chaînes d’information continue y ont déversé hier ou, tout au plus, avant-hier. En clair : les observations/remarques/interrogations engendrées par mes deux derniers textes me conduisent à en mettre en ligne un troisième.
Oui, nous assistons au développement d’une double imposture.
Pour commencer, celle des « Gilets Jaunes ». Je ne vais pas répéter tout ce que les caisses de résonnance bien ou mal pensantes (« les médias ») nous serinent depuis six semaines. C’est toujours la même antienne, « si cela est c’est qu’il y a une explication sociale ». C’est la société qui est responsable car, si…. Je ne vais pas, non plus, écarter d’un revers de main l’intégralité des revendications économiques mises en avant par des représentants auto-proclamés du peuple. Je vais essayer de raison garder en regardant de plus près ce dont il est question. Et ce dont il est question c’est le sort une partie des français, ceux qui - pour des raisons diverses mais en (très) grande partie individuelles - n’ont pas bénéficié, comme la majorité, des retombées du développement économique du pays et/ou de la « mondialisation. En clair les pauvres.
J’avais écrit « La France est aujourd'hui un des pays les plus riches du monde avec, probablement, le plus généreux système de protection sociale. La semaine de travail est la plus courte au monde, les vacances annuelles sont les plus longues, l’éducation (y compris supérieure) est gratuite. Nos concitoyens sont mieux nourris, mieux logés, mieux vêtus et mieux divertis que jamais. Ils sont également en meilleure santé : l’espérance de vie est supérieure de 20 ans à ce qu’elle était en 1958 (INSEE). » Personne, parmi les lecteurs du blog n’a trouvé quelque chose à y redire.
Mais les tenants du discours « faut prendre aux riches pour donner aux pauvres » soit autant les représentants auto-proclamés du peuple que ceux patentés (La France Insoumise, Le Rassemblement National et d’autres) qui mettent en avant, avec raison, leur qualité d’élus du peuple, n’ont pas justifié autrement que par des invectives et des propos insensés pourquoi il faut « donner aux pauvres ». Il y a là une imposture.
« 17,3 % des Européens, soit 87 millions de personnes, vivaient sous le seuil de pauvreté en 2015 selon Eurostat [1], si on prend en compte le seuil à 60 % du revenu médian de chaque pays. La Finlande (11,6 %), le Danemark (11,9 %), la Norvège (12,2 %) et les Pays-Bas (12,7 %) font partie des pays où le taux de pauvreté est le plus faible. Avec un taux à 13,6 %, le niveau de la pauvreté en France se situe également parmi les plus bas d’Europe. Il est même le plus faible des pays les plus peuplés.
À l’opposé, la Roumanie (25,3 %), l’Espagne (22,3 %) et la Grèce (21,2 %) ont les taux de pauvreté les plus élevés. L’Italie et le Portugal ne sont pas loin avec respectivement 20,6 % et 19,0 %. Ces pays sont fortement touchés par la crise économique et ont un taux de chômage très élevé, notamment chez les jeunes.
En prenant en compte les seuils à 40… 6,4 % de personnes sont touchées en Europe. En Roumanie (13,5 %), en Espagne (10,7 %) et en Grèce (10,2 %), plus d’une personne sur dix vit dans la grande pauvreté. Le Royaume-Uni (5,6 %), la Suède (5,1 %) et l’Allemagne (4,8 %) sont proches de la moyenne européenne. En France, la part de la population très pauvre est parmi les plus faibles (3,1 % selon Eurostat). Seule la Finlande contient encore mieux la grande pauvreté (2,2 %). » (Observatoire des inégalités – 17.06.18). Et voilà le graphique qui indique le pourcentage de la population du pays qui vit sous le seuil de pauvreté pris à 40, 50 et 60% du revenu médian de la population :
Ce que l’on apprend c’est que les pauvres en France sont parmi les pauvres les plus riches (en valeur relative et absolue) de l’Europe : Finlande, Pays-Bas, France – le trio de tête. Qu’est-ce à dire ?
Premièrement, que l’on doit regarder « la pauvreté » avec circonspection. Non pas que je récuse le terme mais que l’on doit savoir de ce que l’on parle. On met en avant le cas de la mère célibataire qui élève un enfant. Ses besoins sont de deux natures : indispensables (nourriture, logement, vêtements, transport), d’un côté, et non indispensables (communication, moyens électroniques, distractions, voyages, vacances, spectacles). Il me semble qu’autant les dépenses indispensables doivent être assurées même pour ceux qui se trouvent sous le seuil de la pauvreté, les autres peuvent faire l’objet d’arbitrage. Pour fixer les idées, les plus pauvres de nos concitoyens (seuil à 40% du revenu médian -3,1%) disposent mensuellement de 736€ (Eurostat 14.12.18) – plus les subventions diverses (Aides et Allocations CAF, RSA et Impôts – de 170 à plusieurs centaines d’euros). Acheter (un ou plusieurs Smartphones) peut écorner le revenu du citoyen de 35 à 40% pour un mois soit de quelques 5/7% pour l’année. Car le prix moyen d’un Smartphone est de 330€ ! Sans compter le coût de l’abonnement de 200 à 750€ l’an pour une utilisation « triple play » (téléphone, internet, TV).
Regardez :
41 millions d’utilisateurs de Smartphones en France, 28,5 millions de ménages soit 1,45 Smartphone par famille. Le prix moyen d’un Smartphone étant de 330 € (Les Echos, 24.01.18). Naturellement, on pourrait répéter la démonstration pour les baskets de grande marque, les T-shirts marqués ou les tickets pour le dernier concert de Michel Sardou.Tout ce qui précède pour dire, autant de fois qu’il est nécessaire, que la pauvreté en France doit être regardée de plus près avant d’en faire l’étendard d’une nouvelle révolution ou révolte. Ajoutons, quand même, un autre élément : « la diversité » (première et deuxième génération) est « mesurée » (mal) en France à 6/8 % de la population. Il ne serait pas surprenant de trouver que les 3,1% d’extra pauvres en France se recrutent parmi cette composante de la population qui, en très grande partie ne dispose que des subventions (multiples et variées). Si l’on est sérieux, quelle conclusion tirer ?
Bref, une première imposture, elle nous « bouffe » le cerveau, tant on a eu (et on a encore à 55%) de la sympathie, voire de la solidarité, pour ceux qui occupent les péages, les camemberts des routes et, à l’occasion, détruisent (ou laissent détruire) le mobilier public et les devantures des magasins privés à Paris ou Bordeaux ou Toulouse ou Marseille.
Mais il y a une deuxième imposture. Celle de l’État-Providence « Confronté à une mutation de son environnement, il a conservé les mêmes règles de fonctionnement. Pour faire accepter des transformations qu'il ne maîtrisait plus - parce qu'il ne les comprenait pas -, il a accru en vain les dépenses publiques et les impôts afin de les compenser. Espérant rendre la situation plus acceptable, il n'a contenu les inégalités qu'au prix d'une stagnation sociale qui obstrue les perspectives d'avenir: en France, les pauvres ne le sont pas trop, mais ils le restent » (Erwan Le Noan, Le Figaro Magazine 31.12.18). Faisant semblant d’assurer « la justice » en faveur des pauvres on a pris (non pas au riches) mais aux moins pauvres (classe moyenne supérieure et celle d’après) pour donner aux pauvres. Déshabiller Paul pour habiller Pierre c’est tout ce que le sieur Macron, à la suite de F. Hollande et de N. Sarkozy, a décidé de faire. Derniers exemples ? Une grande partie des 14 millions de retraités qui subissent l’augmentation de la CSG (taux maximum 8,3% dont 2,4% soumis à l’impôt…) et qui sont aussi ceux pour lesquels la taxe d’habitation ne sera pas annulée (20% de la population). Mais… tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se casse »… La stagnation sociale en France, depuis deux ou trois dizaines d’années est tellement évidente que l’on ne s’en préoccupe plus. Cela ajoute à l’impossibilité de ce qui fût « l’ascenseur social » de faire œuvre de promotion pour ceux d’en bas qui font des efforts pour le mériter… En continuant de donner « tout à tout le monde, tout de suite » sous prétexte de construire un pays qui « protège et qui est juste » M. Macron s’inscrivant dans la lignée malheureuse de ses prédécesseurs a utilisé, utilise, le tonneau sans fin de l’endettement. Fût un temps quand on dévaluait le franc… 3 dévaluations pendant les deux premières années du premier quinquennat de M. Mitterrand ! Économiquement ce que M. Macron fait (et encore il y a un mois en dispensant larga manu plus de 10 milliards d’euros au peuple qui en voulait plus…) ce n’est qu’une imposture. Et elle s’accompagne d’un comportement de l’Etat qui l’amplifie : absence de courage pour rester droit dans ses bottes et arrêter la pantalonnade des Gilets Jaunes. Il a commencé par céder à la rue, il n’a pas le courage de s’y opposer par tous les moyens légaux qui existent. Assister, sans réagir sérieusement, au lynchage de policiers ou gendarmes (clips vidéo qui passent en boucle sur les stations de TV) ad nauseam ce n’est pas ce qu’un Etat digne de son nom devrait faire. Il le fait cependant, le comportement de l’Etat actuellement est, selon moi, une deuxième imposture. Nonobstant les excuses « état de droit, droits de l’homme, proportionnalité des réactions et autres fadaises qui ne justifient que l’inaction. Quousque tandem… ?