Je vais essayer, donc, de répondre implicitement et explicitement aux interrogations multiples engendrées par mon dernier texte.
On me reproche, majoritairement, d’afficher un manque de solidarité (et de compréhension ?) avec le phénomène « Gilets Jaunes » surtout en se référant aux enquêtes d’opinion qui montrent que plus de 60% des français, eux, sont solidaires du mouvement. Soit.
Je laisse de côté les revendications à caractère économique qui, en grande partie, disposent d’une légitimité, car des partis divers et presque tous les syndicats les avaient mis en exergue depuis un certain temps. Je vais aborder (avec prudence, vu le sujet et les circonstances…) celles liées à l’organisation de la société. La plus téméraire est celle qui demande la démission de M. Macron.
Supposons (par absurde) que notre Président démissionne. Tant que nous n’abrogeons pas la Constitution (par consensus du Sénat et de l’Assemblée Nationale ou par révolution – la France en a connu d’autres… - ou par un coup d’état – aussi connu par le passé) on se trouvera devant deux questions : (a) qui pourra prendre sa place et (b) que va-t-il changer en France ? Pour certains… n’importe qui (du peuple) fera mieux mais (b) quant à l’économie qui pourrait s’avérer irréformable… on ne voit pas comment « le peuple » pourrait avoir un meilleur avenir. Ce qui me fait tirer une conclusion : quiconque occupera l’Élysée ne pourra pas faire mieux, et peut-être même fera pire que son occupant actuel.
Ouvertement ou « confusément » ce que les plus évolués des « Gilets Jaunes » mettent en avant c’est la dilution évidente du pouvoir des citoyens à influencer leur propre destin. Je vais m’aventurer, dans le monde des concepts socio-politiques qui - on s’en doute - m’est assez étranger. Mais, courage… « vers l’Orient compliqué volons avec des idées simples » disait le Général.
Si l’on trouve que le citoyen n’a pas voix au chapitre dans son pays d’organisation démocratique, qu’est-ce à dire ?
C’est ainsi, car il y a une divergence profonde, partie intégrante du paradoxe « nationalisme et supra nationalisme » D’un côté, la logique de l’organisation des sociétés humaines commande la réunion des états-nation en groupements pouvant aborder les grands problèmes qui sont devant l’humanité : faire vivre 8 ou 10 milliards d’êtres sur la planète, le réchauffement climatique (dans ce qu’il a de réel, laissant de côté les exagérations et les objectifs impossibles d’atteindre), le remplacement des sources d’énergie actuelles par de nouvelles d’une structure totalement différente ou les mouvements migratoires du monde. Ce qui précède est un postulat (il ne nécessite pas de démonstration car il n’y en a pas…). D’un autre côté, toutes les sociétés humaines - pour des raisons qui restent à déterminer - s’orientent vers des formes démocratiques, ouvertes (selon Henri Bergson & Karl Popper – « les dirigeants peuvent être changés sans bain de sang » …), dans lesquelles doivent se réaliser les aspirations de ses membres d’avoir « voix au chapitre ». Voilà un deuxième postulat.
Là où les choses se compliquent c’est qu’il y a divergence de fond, irréductible, entre les deux postulats. Elle est parfaitement visible et constitue, probablement, la cause majeure du rejet des masses (cultes ou moins cultes, instruites ou moins instruites) autant de leurs propres élites de plus en plus distantes par rapport à elles ou, surtout, des structures supra nationales généralement nommées, non élues. En clair, les citoyens d’un pays qui ont déjà du mal, de plus en plus, d’accepter de n’être consultés qu’une fois tous les quatre ou cinq ans se révulsent quand ils comprennent que le jeu « démocratique » est faussé dès qu’une autorité supra nationale se met en place. Car, ce faisant, les pays qui acceptent une autorité supra nationale augmentent la distance entre le citoyen et la prise de décision. Entendons-nous bien, il ne s’agit pas de discuter de la justesse d’une décision prise par une autorité supra nationale qui s’impose aux pays « vassaux » mais du fait que le citoyen 𝝺 constate se trouver dépossédé de l’actif principal de la société ouverte, sa capacité d’influencer son propre destin par un vote aussi direct que possible.
Il me semble qu’il n’y a pas d’autre raison pour expliquer le rejet de « Bruxelles » par de plus en plus des sociétés de ses nations-membres. Il me semble, dès lors, que l’éclosion des nationalismes en Europe est inexorable, quelles que puissent être les rodomontades d’un Macron ou d’une Merkel. Les « Gilets Jaunes » en France sont, selon moi, avec une clarté éblouissante, la démonstration de la divergence des deux postulats évoqués. Il suffit d’écouter un de ses dirigeants (auto promus) pour comprendre que ce que M. Macron a pu leur dire, le 10 décembre ou pendant les vœux de fin d’année, ne passe pas le seuil de leur entendement, ce qui les fait décider de « ne rien lâcher » et continuer à faire barrage sur la route de Berck-les-Vaches.
Il me semble, aussi, qu’en Europe on reviendra à accepter les souverainetés nationales et arrêter le processus de leurs effacements en faveur de « Bruxelles ».
Mais… si l’on descend sur terre que trouve-t-on chez nous dans ce début de nouvelle année ? Un discours bâti, probablement, avec la méthode Coué qui s’emploie à nous convaincre que la retenue de l’impôt à la source se passe sans problème (les standards téléphoniques explosent ; les portails où on doit trouver des explications sont sursaturés ; et les perceptions et autres centres gardent les gens dans des queues à l’extérieur de leurs locaux), qu’il n’y a pas de bugs ni dans les procédures établies ni dans leur mise en application [personne ne sait la différence entre revenu imposable et le revenu fiscal de référence, on ne connaît pas la date du versement du crédit d’impôt (ni de son quotient) relatif aux charges de l’année 2018]. Mais, patience, on en a vu d’autres et, dit M. Darmanin, dans un mois cela sera comme pour le téléphone portable quand on se demande « comment faisait-on avant ? »
Mais sur terre on trouve autre chose aussi. Le mouvement des « Gilets Jaunes » glisse, imperceptiblement vers le FN et ses slogans. Ce que Mme Le Pen et ses lieutenants n’hésitent pas à mettre en avant sur les plateaux de TV et aux micros des stations de radio. Avec une touche antisémite, comment cela pourrait-il être différent ? Et cela glisse…
Au Train Bleu, restaurant classé monument historique (Gare de Lyon) les officiants se sont exprimés, comme il se doit, solidaires avec Mbala Mbala Dieudonné et sa quenelle :
Le « Gilets Jaunes » ? Pourvu qu’ils disparaissent rapidement, la France va suffisamment mal sans eux. Pourvu que le Pouvoir arrête de louvoyer quant aux mesures à prendre pour y parvenir. Je sais, c’est prévoir l’imprévisible…