Immigré de la première génération, je suis arrivé en France par choix positif, certes favorisé par la connaissance de l’histoire, de la langue et de la culture du pays mais aussi par des attaches familiales qui ont joué leur rôle. Je suis arrivé en même temps que la vague des Pied-Noir qui perdaient leur pays mais retrouvaient leur alma mater et j’ai réalisé qu’il n’y aurait pas de salut pour une famille comme la mienne hors de l’intégration totale, sans réserve, sans faux-semblants. Devenir français présupposait une adhésion totale aux exigences imposées par ce qui a été légué par les anciens aux générations auxquelles je me rattachais. Les trois exigences majeures étaient, et sont devenues pour moi, la langue, la culture, la nation.
Dans ce qui suit je réponds à ceux qui ont été surpris par mes propos concernant la langue, propos exprimés dans le dernier texte mis en ligne.
La langue. Façonnée pendant des siècles, ciselée comme un objet d’art, enrichie non par des barbarismes mais surtout par des concepts, la langue française constitue la première richesse de la communauté culturelle à laquelle on se rattache. Comment imaginer créer, d’abord en France, un foisonnement culturel de nature à enrichir ceux qui s’y associent sans un outil de première qualité, la langue. Cette exigence a été jetée aux cochons par l’incapacité de ceux qui sont devenus des fonctionnaires de l’éducation, presque toujours plus préoccupés par leur bonheur personnel que par l’avenir de ceux qui leurs étaient confiés. Et si on n’utilise aujourd’hui qu’un maximum de 250 mots à la radio ou à la télévision c’est à la fois la cause et l’effet d’une dégradation constante du niveau intellectuel du pays. On a beau incriminer les conditions matérielles, le modèle social, que sais-je encore, sans vouloir admettre que c’est la tolérance inadmissible vis-à-vis des masses d’immigrés de cultures différentes, inassimilables, qui a permis la bâtardise de la langue. Quand l’école disparaît d’un paysage borné par le chômage (rémunéré) de père en fils, une contrainte religieuse exogène et le foot devenu le panem et circenses de notre temps, l’évolution de la langue nous apporte le rap. Non pas pour l’enrichir mais comme preuve de l’incapacité de manier la langue de Bossuet ou Stendhal, de Proust ou Malraux ou celle de De Gaulle, François Mauriac ou Raymond Aron.
Je n’ai pas choisi le français comme langue première (j’en parle, correctement, plusieurs autres) pour le voir fondre, dans l’indifférence générale, dans un volapük de bas étage. Etre français aujourd’hui, afficher et défendre son identité nationale, doit vouloir dire s’opposer à la destruction systématique de ce qui a permis le rayonnement culturel de ce pays. Et s’opposer, par tous moyens, aux théories de la déconstruction d’un Jean Derrida (le raccourci est rapide mais que l’on essaye de pousser à la limite la volonté de détruire…).
La culture. L’apport culturel de la France à la culture universelle n’a pas besoin de thuriféraires d’occasion. Il a été le levain de l’évolution d’une bonne partie du monde et les Pères Fondateurs des Etats-Unis d’Amérique y ont puisé inspiration et modèle. Apport culturel veut dire qu’il y a échange. Force est de constater que la contribution actuelle de la France est quasi-nulle. A trop s’occuper de soi-même on en oublie les autres. Or, ce sont les autres qui sont ou doivent être sujets de descriptions conduisant à la littérature, au théâtre, à la musique – les trois composantes majeures de toute culture.
Quant à la peinture ou au cinéma sans lesquels aucun rayonnement culturel n’est possible, on voit bien que les contributions françaises tendent aussi vers le zéro absolu. Aussi parce que sous couvert de francophonie au lieu de promouvoir sa culture la France a accepté de se soumettre aux interdits de pays dont l’agenda politique devrait ne pas être accepté. Autrefois réputé francophone (à 20 %), Israël, malgré cela, n'a jamais été admis dans l’organisation de la francophonie. Mais le Clipperton où on compte 170 personnes parlant français, si (wikipedia), comme Sainte Lucie (180 personnes), ou Sao Tomé (209 personnes) - savez-vous où ce trouvent ces territoires ? (DSEF, 2018). Ou les Seychelles (95 personnes) où la France entretient ambassade et ambassadeur…
Certes, il nous reste l’humour d’un Dieudonné ou les émissions de télé copiées sur les pires modèles américains et dont la seule vertu est de tirer vers le bas le niveau culturel du pays. Prendre les gens pour des demeurés, c’est une prophétie qui se réalise de soi-même… Alors, être français aujourd’hui, afficher et défendre son identité nationale, c’est contribuer, autant que faire se peut, à la restauration des conditions qui prévalaient au temps jadis. C’est arriver à faire sauter les verrous intellectuels mis en place par la culture officielle (politiquement correcte…), naturellement de gauche ou ceux, matériels, instillés avec l’assentiment des épigones d’un Ministre de la Culture nommé André Malraux. Et peu me chaut si la liberté de création, rognée de tous les côtés dans la France d’aujourd’hui, produirait un nouveau Céline : quintessence de la langue et d’une conception de la société, nonobstant le personnage immonde, il s’agit de la culture française.
Je suis un immigré de la première génération. Plus de quarante cinq années se sont écoulées depuis que ce pays m’a fait un des siens et je lui en sais gré. Quarante cinq années pendant lesquelles j’ai appris, j’ai construit, j’ai participé à des aventures industrielles comme la création des centrales nucléaires ou l’équipement du pays en moyens modernes d’imagerie médicale. Quarante cinq années pendant lesquelles, en paraphrasant Kennedy, je n’ai fait que donner au pays le meilleur de moi-même sans rien demander en retour. Quarante cinq années pendant lesquelles j’ai assisté, impuissant, au délitement d’une certaine idée de la France, à l’avènement de classes politiques et sociales qui n’avaient (et n’ont) que des revendications à mettre en avant, toutes ou presque, à caractère catégoriel ou communautaire et à la disparition de la notion de solidarité en faveur de celle d’égalité (devenue égalitarisme).
Etre français aujourd’hui, afficher et défendre son identité nationale, pour moi, c’est tenter d’expliquer autour de moi, à mes petits-enfants surtout, à ceux dont la vie se déroulera dans les années à venir, que ce pays - par-delà l’exceptionnelle douceur d’y vivre, par delà sa gastronomie, par delà les campagnes, la mer et la montagne - mérite mieux que ce qu’on lui prépare. Et que le moment est venu de s’y opposer de toutes ses forces. Car il s’agit de la pérennité de cette nation, à nulle autre pareille, comme je l’ai écrit dans le texte évoqué.