Deux démocraties, à nulle autre pareilles : les États Unis et Israël. Pour ce qui est des États Unis, Alexis de Tocqueville, il y a presque 200 ans, a donné au monde la description, probablement la plus complète, de ses mérites et des éventuelles dérives pouvant la menacer. On a l’habitude de simplifier quand on s’y réfère, de souligner l’importance essentielle du « rule of law » et du complément « checks and balances ». Ce qui y est à l’ordre du jour aujourd’hui c’est la capacité de destituer le Président du pays élu il y a trois ans par plus de 62.000.000 de suffrages directs et par 306 « grands électeurs » (sur un total de 538). L’idée de destituer le Président Trump (s’il venait à être élu) a commencé à s’instiller dans la politique américaine dès le moment où il a été choisi comme candidat par le parti républicain. Le jour même de la prise de mandat, 19 minutes après le début de la cérémonie d’inauguration le deuxième plus grand quotidien américain titrait « La campagne pour destituer le Président Trump a commencé » Et, comme on allait l’apprendre pendant les trois années qui ont suivi, les principaux vecteurs de puissance du pays (FBI, CIA, Département de Justice, Affaires Etrangeres) avaient mis en place des « assurances » pouvant l’empêcher de gouverner s’il advenait à être élu. Ce qui précède éclaire ce à quoi on assiste depuis plusieurs mois : une tentative de la Chambre de Représentants visant à destituer le Président sur la foi de déclarations (certaines mensongères, d’autre tendancieuses) faites par des acteurs, tous, collaborateurs des vecteurs de puissance mentionnés.
Cette tentative, selon des constitutionnalistes réputés et, même, selon les avertissements de Tocqueville inconstitutionnelle (J.I Clark Hare auteur du livre American Constitutional Law, 1888 s’y référait) «Un déclin de la moralité publique aux États-Unis sera probablement marqué par un abus du pouvoir de mise en accusation comme moyen de briser des adversaires politiques ou de les destituer de leurs fonctions.» Nous y sommes, la majorité démocrate de la Chambre des Représentants a décidé de lancer une procédure formelle visant à la destitution du Président. Procédure qui semble violer l'équité fondamentale (accusé, accusateur – MB) et la procédure régulière prescrites par la Constitution. Cette tentative vient après une autre procédure, à vocation criminelle, ayant eu comme objet de démontrer que le Président Trump s’était fait élire avec l’aide de la Russie dont il n’était qu’un instrument. 30 mois de recherches faites par plus de 40 procureurs, avocats, détectives et d’autres et des dépenses de plus de 30 millions de $ n’ont rien donné. Soyons rassurés quant aux mœurs actuels. aucune excuse n’a été présentée au Président qui, cependant s’était vu soupçonner pendant des années de n’être qu’un Janus à deux visages… Mais ne pas avoir réussi la première fois n’a pas arrêté une partie de la classe politique américaine, s’appuyant sur la forte bureaucratie gouvernementale («deep state») de recommencer. Je ne vous dis pas la joie de nos gazettes (comme de celles de l’Europe) de voir que le mal-aimé, le pelé, se trouve, à répétition, en danger d’être éjecté de son siège. Car, comme l’indique la Speaker démocrate de la Chambre des Représentants, il n’est qu’un «imposteur». Aucun éloge pour une économie florissante (que le Prix Nobel qui scribouille pour le NYT prévoyait détruite et détruisant l’économie mondiale), aucun éloge pour les plus de 7 millions d’emplois crées aux Etats Unis pendant les trois dernières années ou pour le taux de chômage le plus bas enregistré depuis plus de 50 ans ou pour les milliers de milliards de $ créés par la confiance du peuple américain dans l’avenir de ses entreprises. Bon, le vent semble tourner : si 90 % des démocrates sont pour la destitution et autant de républicains sont contre, les « indépendants » qui représentent entre 20 et 30% de la masse des électeurs viennent de basculer, leur majorité étant contre car déçue par la faiblesse ou l’inanité des charges imputées au Président et inquiète par le non-respect de la procédure régulière (« due process ») prévue par la Constitution, clé de voûte de la légalité américaine...
Espérons. Car un nouveau Tocqueville risque avoir du mal à discourir sur la solidité de la démocratie américaine comme l’a fait son illustre prédécesseur. Le crépuscule de la démocratie américaine est en marche et le changement plus que perceptible de l’origine des habitants du pays ne fera que l’accélérer (plus de 37% d’origine diverse, 63% blancs non hispaniques).
Israël. Démocratie à nulle autre pareille, système électoral à la «proportionnelle intégrale» le plus absurde qui soit car donnant des pouvoirs excessifs aux plus petits des partis pourtant absolument nécessaires pour former des coalitions de gouvernement. Le «rule of law» y règne d’une manière inconnue dans les démocraties occidentales : un premier ministre, héros militaire obligé de démissionner car ayant oublié de fermer un compte bancaire ouvert quand il était ambassadeur aux Etats Unis, un Président du pays condamné à des années de prison pour harcèlement sexuel (jugement prononcé par un juge arabe siégeant à la Cour Suprême du pays - autant pour les tenants du «Israël, apartheid»), un autre premier ministre condamné a des années de prison pour je ne sais quelles affaires curieuses.
Et un premier ministre, ancien ministre des finances, l’homme qui a impulsé la transformation d’un pays socialiste en économie de marché et qui a présidé, peu ou prou, au développement inimaginable, unique au monde, d’un pays sans ressources, du stade sous développé à celui de membre du club fermé de l’OCDE. Depuis 2016, on lui reproche tous les ans une nouvelle «affaire» conduisant à des actes d'accusation pour le moins curieux. Deux d’entre eux impliquent des agissements supposés en vue d’obtenir une couverture de presse favorable, il ne semble pas qu’ils iront loin. Le troisième implique l'idée qu'il a été corrompu par une relation de longue date avec des cigares et du champagne. Et comme il commençait à être évident que les choses n’allaient pas aller très loin on a ajouté quelque chose de plus sérieux mais aussi beaucoup moins probable : que des parents privilégiés soient devenus actionnaires de sociétés actives dans la construction de sous-marins (dont Israël en était client) ou dans l’exploitation des gisements de gaz et pétrole, nouvelle manne céleste qu’Israël commence à exploiter.
Dans plusieurs démocraties le premier ministre (ou le président) dispose d’une impunité totale pendant la durée de son mandat. Pas en Israël et toute tentative d’accéder à une telle situation a été (est) considérée comme inconcevable car la «rule of law» doit s’appliquer à tous, pour tout, à tout moment. Je fais court : depuis trois ans et deux élections n’ayant pu conduire à une formation gouvernementale capable de gouverner, le premier ministre dont on parle doit vivre et souffrir le martyre car il est considéré coupable mais il n’y a pas (et il n’y aura pas avant deux ou trois ans) de procès. Procès qui, selon les évaluations de juristes de grand renom pourra probablement l’innocenter.
Imaginez l’effet de tout cela pour Israël au moment où le pays se prépare à une éventuelle guerre sur deux fronts (le Nord et le Sud) contre l’Iran ou ses supplétifs. Bibi semble pourtant être toujours la meilleure personne pour être à la barre en ce moment. Mais légalement, cela pourrait ne pas être le cas. L'horrible fait est qu'Israël pourrait avoir besoin de lui plus que jamais, mais il se pourrait ne pas l’avoir. (J.Podhoretz- Commentary – 22.11.19 - MB).
Certes, nous le savons tous, les cimetières sont remplis de gens irremplaçables. Mais, il faudrait, aussi, sortir de sa bibliothèque «Le rôle de l’individu dans l’histoire» G.Plekhanov (1898). Car les deux dirigeants dont je traite en soulignant leurs apports positifs (ceux considérés négatifs par les bien pensants occupent, déjà, une bibliothèque entière) semblent être les deux faces d’une seule médaille, celle qui commémorera le crépuscule de la démocratie dans les pays qu’ils dirigent.