NB – certaines données sont actualisées à des dates plus rapprochées.
Notre pays est en train de se payer un « trip » dont il a le secret : des centaines de milliers de gens dans les rues depuis bientôt 50 jours, des transports qui, nonobstant le service minimum obligatoire, fonctionnent au ralenti, certaines raffineries de pétrole bloquées et des dépôts de carburant en manque… il y a-t-il quelque chose qui manque pour revivre Mai 68 ou Décembre 2005 ? Que non, même les mômes de 14 ans bloquent leurs lycées et collèges et sortent dans les rues pour affronter les CRS et autres forces de police sous prétexte qu’ils sont inquiets pour leur retraite quand ils auront plus de 60 ans.
Et tout cela pourquoi ? Parce que nous vivons un rare moment de schizophrénie qui, sans doute, nous est nécessaire pour continuer à vivre comme avant ou, peut-être, un peu moins bien.
Schizophrénie ? Le pays qui a vu naître Descartes affiche, sans se soucier de la contradiction évidente, une double logique : tout le monde sait que l’espérance de vie a augmenté de 15 ans par rapport à 1950 mais personne ne veut voir passer l’âge du départ à la retraite de 60 à 62 ans ou de 62 à 64 ! Double logique car, d’un côté, on sait pertinemment qu’il est matériellement impossible de maintenir le système de retraite par répartition auquel tout le monde est attaché et, d’un autre côté, assister à la contraction de la durée de travail dans une vie mais augmenter, sensiblement, celle du non travail. Il y a environ 15 Millions de retraités en France aujourd’hui et seulement 27 Millions de gens au travail : ils étaient environ quatre au travail pour un retraité en 1950, ils ne sont aujourd’hui que 1,74 (Vie Publique 22.11.19). Et comme, tous les ans, on ajoute environ 700.000 nouveaux retraités… à l’heure actuelle presque 1,5 Millions de retraités reçoivent une retraite financée par une dette financière. Schizophrénie, car d’un côté on comprend la nécessité mais de l’autre on s’oppose à tout ce qui pourrait « réparer » le système.
Schizophrénie ? Autant les politiques que « les partenaires sociaux » savent que les retraites doivent être financées par les gens au travail (essence même du système par répartition) et pourtant ils ne se gênent pas de réclamer, à corps et à cri, de «faire participer le capital» pour financer les retraites. Tout en sachant que cela ne pourrait se faire que par des impôts confiscatoires. Mais qu’à cela ne tienne, « il faut faire payer les riches »… Schizophrénie, car on sait depuis presque 40 ans que «trop d’impôt tue l’impôt» : la courbe de Laffer est connue de tous ce qui n’empêche personne de vouloir augmenter les impôts. Mais si l’on regarde ladite courbe on voit bien qu’à partir d’un certain seuil d’imposition le rendement de l’impôt (recettes fiscales) commence à diminuer. Et cette courbe est connue depuis bien avant la mondialisation ou de la «migration» rapide et sans limites des capitaux… Alors ? Notre pays n’arrête pas de faire le contraire de ce qu’il devrait et le résultat est là : les capitaux qui sont partis à l’étranger du fait de l’ISF depuis sa création (très largement sous-estimés par les services du Ministère de l’Economie) sont probablement de l’ordre de 200 milliards €. Il est vraisemblable que ces 200 milliards € épargnés par des Français à l’étranger du fait de l’ISF, privent le pays de plusieurs dizaines de milliers d’emplois et expliquent une partie du différentiel entre la croissance française et celle de ses voisins anglais et allemands.
Schizophrénie ? Oui, car en même temps on veut « taxer les riches » et en même temps on réduit le nombre de contribuables soumis à l’impôt. Nous comptons en France 38 Millions de contribuables mais… 52,5% d’entre eux ne sont pas soumis à l’impôt sur le revenu. Vulgate dominante de gauche, l’impôt doit épargner les faibles revenus mêmes si ceux-là constituent, par le nombre multiplié par leurs revenus la quasi-totalité de l’assiette possible pour l’impôt… Vulgate dominante de gauche car l’impôt doit être distributif, c’est-à-dire… regardez : deux individus, un qui travaille et l’autre qui ne travaille pas. La politique distributive chère à ceux qui nous gouvernent (fussent-ils de droite ou de gauche) est simple : prélever sur celui qui travaille pour donner à celui qui ne travaille pas. Schizophrénie car… on ne peut pas ne pas réaliser que cela aura un effet immédiat sur la volonté de travailler de celui qui ne travaille pas. Et si l’on ajoute notre état providence… les aides aux personnes dans le besoin, les revenus de remplacement, les subventions multiples et diverses… de plus en plus de gens sortent du champ de ceux qui apportent des revenus pour entrer dans celui des assistés. Cela est de plus en plus tentant de hausser les impôts qui affectent une minorité de revenus moyens supérieurs, pour financer des dépenses qui bénéficieront à une majorité d'individus à revenu inférieur. Et c’est ainsi que l’on est arrivé aux Etats Unis suite aux années Clinton… (années pendant lesquelles on a aussi planté les graines - Fanny May et Freddie Mac - qui ont produit quinze ans après la crise financière de laquelle nous ne sommes pas sortis encore…) à constater en 2007 que 1% de la population (les plus riches) contribuent autant que 95% de la population totale aux recettes fiscales du pays !
Naturellement, chez nous le phénomène est analogue et on obtient une courbe en poire pour la répartition de l’impôt sur le revenu : 1+10=11% des plus riches payent 60% du total de l’impôt tandis que les 89 % des contribuables restant ne payent, eux, que 40% du total de l’impôt ! (Le revenu.org - déc. 2018). En se souvenant aussi que sur les 38 millions de foyers fiscaux 23 millions ne payent pas l’IRPP. Alors ? Schizophrénie, car sachant cela on fait semblant de ne pas le savoir et… on se retrouve manifester de la Bastille à la République non pas contre la réforme des retraites mais «contre cette réforme» qui ne prend pas assez aux riches pour assurer les retraites à de plus en plus de bénéficiaires quand le nombre de ceux qui travaillent diminue… Schizophrénie, car tout en sachant que l’impôt tue l’impôt on veut, quand même l’utiliser comme principal moyen de redistribution. Pourtant, de nombreux contribuables semblent prêts à nier les fruits de la réduction d'impôt parce qu'ils doutent de la solidité financière du pays lorsque le budget fédéral est déjà en déficit. Permettez-moi de préciser que, dans l'économie actuelle, la prudence budgétaire est d’assurer la responsabilité de la réduction d'impôt même si elle augmente temporairement le déficit : la réduction de l’impôts est le meilleur moyen qui s'offre à nous pour augmenter nos revenus. John F. Kennedy, Rapport sur l’Economie. Janvier 1963 !
Schizophrénie ? Oui, car nous nous sommes habitués à chérir des choses en vomissant leurs conséquences : nous sommes attachés à toutes les libertés acquises et aux droits qui vont avec tout en ne voulant pas admettre que dans le monde actuel seuls les « marchés » peuvent assurer le maintien de ces libertés. Et nous vomissons l’économie de marché nostalgiques que nous sommes d’un Colbert qui avait inventé le capitalisme d’état… Nous ne voulons pas reconnaître que dans un monde où le travailleur chinois - qui ne comprend même pas la notion de retraite- est destiné à rogner (faire disparaître à terme ?) nos acquis auxquels nous nous accrochons et que nous ne voulons pas voir écornés par la nécessité d’assurer une retraite au plus grand nombre d’ici vingt ou trente années ne pourront pas être maintenus en l'état.
Schizophrénie ? Oui, nous nous gargarisons de nos succès (Airbus ? En oubliant qu’il y a huit pays qui y contribuent) mais on fait semblant ne pas voir que l’on a détruit le tissu industriel qui nous avait été légué. On va vous dire que c’est à cause des délocalisations… mais on oubliera d’apercevoir le fait que le coût de la main d’œuvre en France était en 2019 54% supérieur à celui de 2000 tandis qu’en Allemagne il n’était supérieur que de 40%.
Et on oubliera aussi que les 35 heures (contribution de la gauche au bonheur national) ont contribué à un taux d’imposition implicite (impôts et charges sociales) supérieur d’environ 10% à celui de notre premier concurrent et partenaire, l’Allemagne. Comme on oubliera de s’apercevoir que la part des salaires dans valeur ajoutée des entreprises a augmenté pendant les dix dernières années pour atteindre 60% – vous entendrez les leaders syndicaux et ceux de la gauche vous dire le contraire pour justifier qu’il faut taxer les revenus du capital : autant dire, pour l’essentiel, ceux des pécules ramassés par ceux qui ont travaillé une vie entière en pensant, aussi, à leur vie après le travail. (Toutes les données mentionnées sont disponibles dans les portails INSEE et/ou Eurostat)
Schizophrénie ? Oui, car le déficit des finances français pendant les 35 dernières années est structurel et induit par deux causes majeures : le coût de l’Etat et le différentiel entre la richesse produite et celle consommée par «l’immigration». Ce déficit (depuis 2003 on promet qu’il sera conforme aux critères de Maastricht, critères imposés par la France…) se monte aujourd’hui à env. 75 Milliards d’euros et a conduit à une dette extérieure de plus de 2.500 Milliards d’euros ! Mais il y a deux sujets dont il ne faut pas parler car, l’un met en branle les syndicats (seul pays en Europe - sauf la Grèce mais on sait où cela l'a amenée - ou 25% de ceux qui travaillent le font pour l’Etat, Etat dont si le coût est «100 » voit l’Allemagne ne dépenser que «80») et l’autre touche au tabou de la « diversité » et du politiquement correct. Ce qui fait que la France, qui ne peut rien faire, veut imposer au «marché» la loi de «l’état». Etat surdimensionné, 36.000 communes, Inter Communales, 99 Départements, 21 Régions… pléthore de fonctionnaires : un sondage déjà en 2008 montrait que 75% d’une classe d’âge allant de 18 à 25 ans souhaitent devenir fonctionnaires…
Schizophrénie car on sait que le PIB per capita classe la France en 13ème position en Europe et montre un écart négatif de plus de 15% par rapport à l’Allemagne (Wikipédia, 2019).
Schizophrénie ? Oui, le déficit du système des retraites (tout confondu) sera cette année d’environ 10 Milliards d’euros et son équilibre a été prévu pour 2036 ensuite pour 2042 et maintenant pour 2056 (BFM TV 11.06.19). Et on bat le pavé contre la réforme des retraites...
Ce n’est pas tout,. La notation du crédit de la France, encore la meilleure possible AAA, risque d’être dégradée si la reforme des retraites n’est pas faite. Ce qui conduira à une augmentation sensible du coût du service de la dette (1% sur le taux de l’intérêt=25milliards d’euros !).
Mais cela ne nous empêche pas de manifester en France et en Navarre contre le gouvernement en essayant d’imposer, par la rue, à un parlement élu par la Nation, un changement de cap. Nous sommes schizophrènes car on se targue de vivre en démocratie mais on veut que la rue «se batte jusqu’au bout» -vu que 65% des français approuvent les mouvements de grève- pour imposer sa loi…