Voilà, donc, le troisième tour d’élections en Israël. Pour comprendre pourquoi il a fallu trois élections (distantes de six mois) pour… ne pas dégager une majorité pour gouverner, il me semble que l’on devrait regarder trois aspects, selon moi, primordiaux qui sont le contexte, l’objectif et le résultat.
Le contexte – quiconque s’est intéressé à l’histoire d’Israël d’après 1948 sait que ce qui est la base de toute réaction existentielle de ce pays est le réflexe (presque conditionnel) lié aux deux évènements ineffaçables de sa mémoire, Massada et la Shoah. Après la Shoah, des guerres sans fin, des initiatives de paix ratées et la montée du Hamas après l ‘évacuation de Gaza, se sont ancrés dans le cortex israélien. Tant et si bien, que les Israéliens estiment, à juste titre ou pas, qu’ils ont déjà donné suffisamment de chances à la paix sans rien obtenir et, que de façon réaliste, rien ne changera dans un avenir prévisible.
Le même sentiment qu’à Massada, prédomine aujourd’hui et fait que les Juifs d'Israël contemporaine se savent assiégés. Par le Hezbollah, Assad et les milices iraniennes au Nord, le Hamas et le Jihad islamique au Sud, des actes de terreur en Cisjordanie. Israël est entouré d'ennemis soutenus par le pays qui a mis sur le frontispice de sa constitution l’ardente obligation, clairement affirmée, de la destruction de ce pays infidèle (juif de surcroît) qui occupe une partie des territoires légués par le Prophète aux seuls musulmans.
Certes, le temps des bus explosés est passé. Comme le danger des tunnels de Gaza ou du Liban. Comme celui des ballons explosifs et, récemment, celui des drones.
Au cours des cinquante dernières années, Israël originellement un pays socialiste en voie de développement s'est transformé dans un des des vingt-cinq plus riches pays du monde, en termes de revenu par habitant. La découverte d'immenses réserves de gaz naturel au large des côtes méditerranéennes a transformé le pays en fournisseur d'énergie. L’évolution de sa démographie est remarquable, Et il se compare, favorablement, avec les premiers pays du monde pour ce qui est la capacité d’innover :
Troisième pays au monde ? Après les Etats Unis ? Regardez, simplement, desquels pays on parle :
Son excellence est reconnue dans des domaines aussi différents que les soins médicaux (système de santé) -10ème meilleur hôpital au monde :
ou les équipements militaires de haute technologie :
La société israélienne Elbit est le fournisseur exclusif des casques pour les 4000 pilotes des F35 américains Article original : https://infos-israel.news/la-societe-israelienne-elbit-sera-le-fournisseur-exclusif-des-casques-pour-les-4000-pilotes-f35-americains/ On peut ajouter les mêmes casques pour les pilotes des Rafales français …
Mais … le contexte ne serait pas complet s’il ne rappelait pas le problème (pas juif …) palestinien : le fait est qu'Israël est devenu un pays prospère et moderne ayant embrassé les valeurs occidentales, tandis que les Palestiniens restent plongés dans un dénouement sans horizon d’amélioration. Chaque année qui passe, les revenus et le niveau de vie des Israéliens progressent et les Palestiniens constatent qu’ils n’ont ni avenir ni espoir. Qui plus est, l'idée que le sort des Palestiniens est au cœur de la paix au Moyen-Orient qui était axiomatique il y a 25 ans est manifestement grotesque aujourd'hui.
Sauf pour l’Europe occidentale qui aujourd’hui est le meilleur ennemi d’Israël. En effet, les israéliens, dans leur majorité, s'entendent pour dire que les institutions de l'ordre mondial libéral créé depuis la fin de la dernière guerre - l'Union européenne et les Nations Unies, en particulier, sont hostiles à Israël. De plus, une scission intervenue il y a plus de dix ans entre deux factions palestiniennes rendent les choses encore plus difficile pour imaginer une solution au conflit qui -disent de plus en plus de «spécialistes» n’a pas de solution. Car, c’est un fait, que tout ce qu’Israël pourrait offrir dans une négociation est sensiblement moins que ce que les palestiniens pourraient accepter, et vice versa. Exemple : deux États - que tout le monde indique comme solution est toujours rejetée, en sous-main, par les Palestiniens car il ne comporte pas le «droit au retour» pour les descendants (aujourd’hui quatrième génération) des réfugiés de 1948.
Et c’est dans ce tableau, d’un côté, brillant et d’un autre côté, sombre car sans perspective, que deux évènements occupent le firmament israélien, des élections pour la Knesset et «le deal du siècle» offert par les Etats-Unis aux deux protagonistes, Israël et Autorité Palestinienne. Avec double obligation : négocier sans quoi la partie qui l’accepte pourra prendre ce qui lui est proposé. Naturellement, comme toujours, les palestiniens on rejeté le deal et, oh miracle, Israël l’a accepté sous réserve de négociation au plus tard dans les quatre années à venir de quelques dispositions qui ne lui conviennent pas.
Les élections ?
L’objectif - Avril 2019, septembre 2019, mars 32020 : en apparence il s’agissait d’une élection pour le Knesset qui devait déterminer une majorité pour gouverner le pays. Mais en réalité on a transformé l’objectif avec une formule simple : TSN soit «Tout Sauf Netanyahou» Il me semble superflu de rappeler, ici, le «pédigrée» du bonhomme, son influence sur les destinées d’Israël depuis 1995 (Ministre des Finances) et jusqu’à aujourd’hui (Premier Ministre depuis plus de 11 ans). Depuis plus de trois ans on lui a organisé des conflits puissants avec la justice israélienne, justice qui ne rigole pas quand il s’agit du comportement moral, matériel ou légal des serviteurs du pays. Personne ne sait actuellement ce que la justice trouvera (répréhensible ou négligeable) parmi les plusieurs «casseroles» que l’on lui a accroché au dos. L’essentiel c’est qu’il a été mis en examen en vue d’un procès … ce qui fait que ses adversaires ont trouvé tout de suite ce qu’il fallait faire : transformer les élections en référendum pour ou contre Netanyahou, chef de la formation politique de droite la plus importante (Likud) alliée avec d’autres formations (d’obédience religieuse mais pas seulement).
Le résultat - En avril 2019 le Likud et ses associés avaient obtenu 60 mandats (majorité requise … 61) car une formation de droite disposant de cinq mandats supplémentaires avait refusé de s’allier avec le bloc de droite (prolongeant ainsi une vendetta personnelle que le chef de ladite formation poursuivait contre M. Netannyahou). Premier acte conclu sans conclusion… d’où décision de recommencer les élections.
Septembre 2019 – même motif, même punition. Rien à faire, la partie de la droite qui s’oppose à M. Netanyahou n’entend pas raison d’où … troisième élection en mars 2020.
Cette fois-ci le paysage change. Les quatre formations alliées de Likud proclament, avant les élections, qu’elles se présentent en bloc avec le Likud sous la bannière de M. Netanyahou. Et toutes les autres formations, de gauche, du centre ou représentant les électeurs arabes (oui, communautarisme …) font savoir que ce qu’elles veulent c’est le départ de M. Netanyahou. Patatras ! Suivez mon raisonnement.
Laissons de côté les mandats représentant les électeurs arabes (15 pour la troisième élection, s’agissant d’une proportionnelle intégrale, ils correspondent au nombre d’électeurs arabes qui ont exprimés un vote) : communistes, islamistes, sans étiquette ils ont en commun la non- reconnaissance d’Israël comme état juif et la décision de s’opposer à tout plan de paix entre les palestiniens et Israël. Tout en participant aux élections.
Donc, la Knesset comportant 120 députés, sur les 105 mandats restant le Likhud+ associés (tous ayant mentionné faire partie du bloc Netanyahou) dispose de 58 mandats soit 55% du total (juif) et si on ajoute la formation dissidente de droite (7 mandats) cela donne 65/105=62% pour la droite tandis que le bloc Kahon Laval+Travaillistes + avec 40 mandats ont 40//105=38%. Deux conclusions s’imposent : (a) puisque l’on considérait que les élections allaient être un référendum pour ou contre BN, BN l’a passé avec succès et (b) la droite tout en étant aujourd’hui fortement majoritaire dans la population juive n’arrive pas à disposer d’une majorité de gouvernement. Non pas pour des raisons arithmétiques mais parce que l’ego surdimensionné de certains dirigeants ne le permet pas. Pourquoi la droite est-elle majoritaire dans un pays encore socialiste il n’y a pas si longtemps ?
Tout d’abord précisons : le clivage droite-gauche couvre, essentiellement, l’attitude vis-à-vis des sujets de sécurité (cession territoires, séparation des populations palestiniennes n’ayant pas la nationalité israélienne, conscription dans l’armée, etc.,) et beaucoup moins les sujets qui déterminent, en Europe, par exemple, le clivage (inégalités, accès à l’Etat, etc., ) qui constituent une sorte de socle commun en Israël vu son passé «radical-socialiste» depuis sa renaissance (1948) et jusque vers 1995.
La droite est majoritaire car la gauche israélienne a disparu. Son aura de premier pionnier de la construction de l’Etat Juif s’est dissoute, lamentablement, dans ses tentatives de faire la paix à n’importe quel prix avec de ennemis dont la seule réponse était une intifada, des actes terroristes et/ou des fusées de Gaza. Et ça dure depuis qu’elle n’est plus là : en 2019, il y a eu 1.295 lancements de roquettes depuis Gaza. De ce nombre, 729 ont atterri dans des zones ouvertes et 478 autres ont été interceptées par le système de défense antimissile Iron Dome, environ 90% de toutes les roquettes lancées dans des zones peuplées.
Il s'agit du plus grand nombre de roquettes lancées sur les communautés israéliennes dans une année civile depuis 2014. La gauche a disparu (de toute manière la «gauche mondiale» n’en a cure, alliée comme elle est avec l’islamo-gauchistes, nouvelle internationale remplaçant la prolétarienne …) tandis que la droite … a trouvé les ressources morales, matérielles, techniques et technologiques pour faire face à tout ce que ses ennemis palestiniens lui envoient : fusées ou tirs de mortier ? Le Dome de Fer (unique au monde et en train d’être acquis par des douzaines de pays). Ballons explosifs ou drones de combat ? Regardez la dernière prouesse de l’industrie israélienne :
Le résultat de la troisième élection étant ce qu’il est… deux choses semblent possibles : M. Netanyahou trouve un arrangement avec 3/5 députés de droite ou centre pour pouvoir former un gouvernement stable ou il ne les trouvent pas et … une quatrième élection aura lieu dans six mois …