Donc, nous étions 22 millions (un Français sur trois) à suivre le discours de notre Président. Pour commencer, l’habituel passage consacré aux succès récents concernant l’excellente maîtrise de la pandémie Covid-19 et à la comparaison flatteuse de nos réalisations au reste de l’Europe (ou du monde ou de la planète…). Nous avons eu droit ensuite, d’un côté, à un catalogue d’actions/projets décrivant ce que notre pays allait faire à l’avenir pour retrouver son statut de puissance industrielle perdu depuis des lustres. Et naturellement… in cauda venenum la douche froide absolument nécessaire pour éviter une nouvelle vague d’infection se développant plus vite que les précédentes.
Je laisse de côté les lauriers que l’on se tresse tant cela me paraît en décalage avec le réel. Remarquez, c’est une habitude dont on ne peut pas se défaire, ceci est et restera vrai tant que nous n’aurons pas le courage de régler les comptes de notre histoire récente. Vous voulez un exemple ? Le 6 juin on évoquait, par ci, par là, le débarquement d’il y a 77 ans en soulignant qu’il marquait le commencement de la libération du pays. Comme depuis la fin de la guerre 39-45, on oublie de rappeler qu’ils étaient 156.177 à débarquer sur les côtes normandes. Dont 133.177 à arriver par la mer (59.000 Américains, 54.000 Britanniques, 21.000 Canadiens et 177 Français), et 23.000 par air (13.000 parachutistes américains et 10.000 Britanniques). CNews 06.06.19 Le génie de De Gaulle nous avait fait croire que la France s’est libérée elle-même et qu’elle avait, donc le droit d’être à la table des vainqueurs de la deuxième guerre mondiale. Passons.
C’est la deuxième partie de son discours qui mérite attention car elle parle, non pas du passé mais de l’avenir. On ne peut que se féliciter du fait que l’on explique au pays ce qu’il faudrait faire pour que la descente sur la spirale du déclin commencée il y a plus de 40 ans s’arrête et que l’on inverse le signe de la pente. Proposer des objectifs ambitieux à la nation, aux jeunes à la recherche d’un avenir aussi radieux que possible, c’est d’évidence ce que l’on doit faire pour nous sortir du pétrin. Cela étant, ce qui serait désespérant c’est de découvrir qu’il s’agissait de paroles verbales, de promesses qui - comme on le sait depuis longtemps - n’engagent que ceux qui les écoutent. Le mot essentiel du discours a été « ré-industrialisation » Et l’exemple choisi pour clarifier ce que la France fait (fera) : construire des usines pour fabriquer des batteries pour les voitures électriques. On apprend, presqu’en même temps, que c’est « Bruxelles » qui a décidé que l’on ne fabriquera plus des voitures à moteur thermique dans l’Union Européenne à partir de 2035. Je laisse de côté la perte évidente de souveraineté que constitue l’acceptation par la France d’une décision qui lui fait mettre à la poubelle plus 100 ans d’expérience et l’emploi d’un demi-million de personnes. La justification de cet oukase – réduire l’empreinte carbone pour retarder le réchauffement de la planète. La France qui n’est responsable que de 0,9% de la pollution mondiale par dioxyde de carbone (20-ème pays en 2017, la Chine étant responsable de 29,8%) est obligée de participer à une course qu’elle serait en droit d’éluder. Des batteries pour des voitures électriques. Qui devront être chargées (mettons - selon des moyennes actuellement connues) 3 fois/mois pour faire annuellement 10.000 km, chaque charge assurant, mettons, 200kw. Mais, actuellement, il y a en France env. 40.000.000 voitures. Si elles disparaissent pour laisser la place à, mettons, 20.000.000 voitures électriques... calculer la charge qu’elles représenteraient pour les 56 réacteurs nucléaires (puissance 900 à 1.500 MW). Qui, d’ailleurs, devraient être réduits de moitié après 2025 ! Résumons, car on nage en plein cauchemar : on augmente la consommation, on réduit la production en espérant que les éoliennes et les panneaux solaires assureront ce que le nucléaire ne produira plus. Attendez, ce n’est pas fini.
Les Etats-Unis sont en train de développer de nouveaux types de réacteurs nucléaires : « Selon Terra Power, le projet sera une centrale électrique entièrement fonctionnelle de 345 MW démontrant sa technologie Natrium, qui stockerait l'énergie excédentaire dans des réservoirs de sel fondu pour aider à compléter l'énergie éolienne et solaire, qui sont variables, dans les périodes de forte demande. Le réacteur sera refroidi par du sodium liquide. » Washington Examiner 03.06.21. Bingo ! Exactement Super Phénix (Creys-Malville) - réacteur surgénérateur à neutrons rapides (RNR), d'une puissance de 1.240 MW mis en service en 1980 et qui a fonctionné jusqu’en 1997 quand on l’a abandonné… son démantèlement a couté env. 17 milliards de F.
Compris ? La France a conduit un projet révolutionnaire (pour les années 70, je sais de quoi je parle car j’ai dirigé la filiale française d’AEG qui a eu la charge du système contrôle-commande dudit réacteur) mais… des esprits savants ont considéré qu’il ne s’agissait pas d’une voie d’avenir et on l’a abandonnée. Quarante années après les États Unis se se lancent dans la construction (trois prototypes en cours d’érection, voie d’avenir par rapport aux réacteurs PWR et même EPR -nouveaux modèles français) de ce type de réacteurs.
Batteries oui, électricité nucléaire non. Comme dans le dicton populaire, je te ferai bien une omelette au lard si j’avais des œufs mais je n’ai pas du lard.
Ce qui peut nous faire dire que, très probablement, on n’aura pas les voitures électriques prévues pour 2035 ou on ne démantèlera pas la moitié des réacteurs nucléaires qui sont un des seuls joyaux restant du pays : avec une capacité installée de près de 61,4 GW, le parc nucléaire français est le deuxième plus important parc au monde en puissance, derrière celui des États-Unis. En 2019, il a produit 379,5 TWh d'électricité, soit 70,6% de la production électrique totale en France métropolitaine.(1 juil. 2020 – Wikipédia). Autant dire que la crédibilité de ce qui a fait le corps du discours de notre Président…
Réindustrialisation ? Oui, absolument nécessaire. Mais on devrait commencer par régler les comptes pour ce qui a été fait depuis les septennats de F. Mitterrand quand on a commencé tout ce dont on voit les résultats depuis. C’est à dire stagnation suivie de déclin. Et pour lequel les trois autres Présidents partagent aussi la responsabilité. Au moins pour que 30 ans après un autre auteur de blog ne trouve pas de raison pour rappeler le passé.
Aurais-je oublié quelque chose ? Oui, oui. La douche froide : après l’euphorie de deux (ou trois) derniers mois (les réas non encombrées, nombre d’infections et facteur R en réduction exponentielle, abandon des masques en extérieur, ouverture de presque tout - avec quelques contraintes) on pensait, ça y est, on a échappé au mauvais virus. Mais… comme dans la fable de La Fontaine, on n’a pas eu le courage d’imposer la vaccination obligatoire (au moins pour les personnels médicaux, les aides-soignants, tous les plus de 60 ans…) voilà que l’on craint une nouvelle vague d’infections. C’était écrit sur les murs, le courage a manqué à nos dirigeants qui… vont imposer maintenant ce qui aurait dû être fait pendant les trois derniers mois. Au total, 120.000 morts soit env. 2% de la population quand, en Israël, par exemple, on n’a eu que 0,7% - trois fois moins.
Comment ne pas être peiné quand 22.000.000 de nos compatriotes acceptent de se voir laver le cerveau pendant 28 minutes pour comprendre le lendemain que, bon, on parle, avec beaucoup de conviction mais, faut pas tout croire. Ils ont pris l’habitude, les français sont las de voir que M. Macron n'a réussi aucun volet substantiel de son programme de réformes, a démontré son incapacité (ou son manque de volonté) à faire face au problème de la sécurité dans le pays qui se détériore, a tâtonné la crise de la Covid par une approche « cut and try » et est obsédé par une idéologie (de soumission) européenne qui ne résonne pas du tout auprès de ceux qui l’écoutent encore. Allez, on en a vu d’autres, que diable, on n’est pas nés hier !