Préambule : dans l’avertissement que j’envoie à certains de mes lecteurs relatif à la mise en ligne d’un nouveau texte j’indique, d’habitude, les sujets qui seraient développés. Depuis quelque temps, des lecteurs que je ne connais pas et donc ne sont pas destinataires de l’avertissement mentionné, m’ont fait savoir vouloir connaître, aussi, ledit avertissement dont l’existence est souvent évoquée au début des textes mis en ligne. Je donne acte et j’ajouterai aux textes en ligne ledit avertissement, aujourd’hui, pour la première fois.
Bonjour,
Les quelques semaines pendant lesquelles le blog n’a pas mis en ligne de nouveaux textes ont conduit certains lecteurs à solliciter l’évocation de quatre sujets qui retiennent actuellement l’attention de nos concitoyens : la Covid, les sous-marins australiens, le prurit algérien et la candidature potentielle d’Éric Zemmour.
Je vais essayer d’en couvrir deux, qui me paraissent les plus importants pour l’avenir du pays. Et si vous avez le loisir …
C’est avec de cris d’orfraie proférés par une partie de nos ministres que nous apprenions que le « contrat du siècle » [12 sous-marins commandés par l’Australie dans le cadre d’un contrat se déroulant sur 50 ans (!)] était résilié suite à la décision de l’Australie. Certes, l’Australie est de plus en plus inquiète car en première ligne face à la volonté (impériale ?) de la Chine d’étendre son influence. Elle réalisait que - par-delà les performances remarquables des sous-marins français - le changement des conditions de leurs éventuelle utilisation (faire face à une potentielle menace chinoise) le pays devait disposer d’une garantie existentielle, pour les dizaines d’années à venir, que la France ne pouvait lui assurer. C’est dans cette perspective que trois puissances anglo-saxonnes ont décidé de constituer une alliance, genre OTAN : les États-Unis, l’Angleterre et l’Australie. Notre pays s’est trouvé doublement pénalisé : la perte d’un contrat qui assurait aux chantiers navals français du travail à court, moyen et long terme, d’un côté, et son exclusion d’un pacte défensif dans une région du monde où il dispose de droits maritimes pour des millions de km2 avec « une population totale de 1,65 million d’habitants. Par ailleurs, on compte dans les pays de la zone environ 150.000 Français résidents, plus de .7000 filiales d’entreprises implantées et 8.300 militaires en mission au sein de forces pré-positionnées » (France Diplomatie), d’un autre côté.
De plus, la manière de procéder des trois pays, qui lui ont caché ce qu’ils avaient décidé de faire, n’a pas du tout été appréciée à Paris. Il y a eu, donc, dans cette affaire deux volets d’importance différente : un, mercantile et un autre à caractère géopolitique. Pour ce qui est du géopolitique je laisserai le soin à plus savants que moi d’expliquer les tenants et les aboutissants. J’aurais, cependant, tendance à me souvenir qu’à deux reprises pendant le siècle dernier, les trois puissances anglo-saxonnes sont venues pour empêcher que la France vive en Germanie… et que, dès lors, on devrait au moins réserver les langages non diplomatiques à d’autres éventuels interlocuteurs.
Pour ce qui est de l’annulation du contrat du siècle, je me permets de reprendre deux paragraphes d’un texte publié par Le Figaro : « Pourtant, les nuages s’accumulaient sur le «contrat du siècle» depuis longtemps et il fallait être aveugle, ou faire l’autruche, pour ne pas les voir. En 2017, certains responsables australiens reprochaient en privé à la France de ne pas s’investir suffisamment dans un partenariat qu’elle jugeait pourtant stratégique. «On a l’impression que pour Paris ce n’est pas aussi important que pour nous», affirmait l’un d’eux à Canberra. Depuis, Emmanuel Macron avait redressé la barre en développant la stratégie française dans l’Indopacifique. L’investissement de Paris dans la région avait aussi donné des couleurs plus politiques au contrat de sous-marins. Pas suffisamment? « Les dirigeants français ont visiblement sous-estimé les besoins des Australiens d’avoir un engagement encore plus important, notamment dans le domaine politique », estime une source proche du dossier » …. Mais surtout, l’industriel Naval Group, qui devait construire les sous-marins, a imposé des délais et une augmentation des coûts - le contrat est passé de 35 à 60 milliards de dollars - qui ont provoqué des « frustrations » à Canberra. «Le gouvernement australien avait perdu confiance dans la capacité de Naval Groupe à livrer à temps les sous-marins», affirme une source proche du dossier. Qui poursuit: «Il ne faut pas se voiler la face. On n’a pas fait tout le boulot. Il aurait fallu saturer l’espace, faire plus de communication, davantage accompagner les Australiens.» Les chantiers navals français ont trop longtemps traîné à développer la partie australienne du contrat (Le Figaro 16.09.21).
Bon, c’est vrai, perdre un contrat au bout de cinq ans de sa signature (2016) ce n‘est pas gai. Mais, il y a un aspect qui semble occulté dans cette histoire. Tout d’abord le fait que - vu le changement d’utilisation probable - l’Australie s’est rendu compte qu’elle devrait disposer de sous-marins à propulsion nucléaire, ce que la France n’envisageait pas de lui vendre. Ensuite, s’agissant de produits qui font appel au « high Tech » (cybernétique, techniques de cryptage, intelligence artificielle, etc.,) il était implicite pour l’acheteur de disposer d’une capacité prouvée, dans ce domaine, du vendeur.
C’était là où le bât blesse : « Non seulement l’Australie n’achètera pas de sous-marins à la France, mais de plus, ses chercheurs sont sur le point de passer devant les nôtres en termes de productivité. C’est ce qui ressort des premières données provisoires sur l’année 2020, communiquées par l’Observatoire des sciences et techniques (OST) au Monde, portant sur le volume des publications scientifiques nationales… En 2017, l’Italie était passée devant la France, qui se retrouve désormais à la limite d’être exclue du top 10 par le Canada, l’Espagne et l’Australie, alors qu’elle en était sixième en 2009. « Décrochage rapide depuis quinze ans », écrivaient, pour qualifier la situation française, les auteurs d’un des rapports destinés à nourrir la loi de programmation pour la recherche (LPR), votée fin 2020. Celle-ci était censée stopper l’érosion mais elle a surtout réveillé les contestations d’une communauté scientifique doutant de l’intérêt des réformes structurelles, qui depuis 2005 accompagnent ce décrochage. Même si corrélation n’est pas causalité. (Le Monde, 28.09.21). NB – OST = Observatoire des Sciences et Techniques, organisme officiel français.
On se souviendra que, depuis des années, on n’arrête pas d’observer le décroissement de l’activité scientifique (sciences théoriques et développement technologique) de notre pays, en particulier à cause de l’immobilisme corseté des organismes de recherches (CNES, CNRS, INSERM, etc.,). Pourtant le pays attribue à la recherche scientifique plus de 40 milliards d’euros, soit 2% de son PIB mais la gestion des ressources (coûts administratifs, emplois à vie, renouvellement des chercheurs, etc.,) empêche, de plus en plus l’activité créatrice. C’est vrai, en Europe la Suède ou la Finlande affectent 3,3% et dans le monde les Etats-Unis 2,95% et Israël 4,95% (!)-UNESCO. Mais par delà les montants affectés à R & D les modèles sociaux des pays impriment leur tendance vers le progrès ou vers la stagnation.
Résumons : la perte du contrat sous-marins est le résultat des trois aspects examinés : (a) le comportement de l’acteur principal – le constructeur, (b) le changement des besoins du client (Australie) face à une menace potentielle à moyen et long terme et (c) le retard pris et en train d’être pris par la France pour ce qui est de ses activités de R&D. Les cris d’orfraie de nos diplomates méritaient quelques décibels de moins.
Et puis… la candidature potentielle d’Éric Zemmour. Elle fait peur à la droite du pays, elle fait peur au centre (si le support de M. Macron se trouve là), elle fait le bonheur de la gauche car elle divise la droite et, aussi celui des supporteurs de M. Macron pour la même raison. Chaînes de TV, postes de radio, gazettes papier ils s’arrachent tous l’impétrant car (a) il dit tout haut ce qui de plus en plus de gens pensent tout bas et (b) il fait vendre – le coût des minutes de publicité a fait un saut en avant. Trop de bruit pour rien ?
On devrait se souvenir de la candidature de Coluche, lors de l'élection présidentielle française de 1981 qui, est au début une simple plaisanterie, puis devient sérieuse lorsque des sondages le créditent de plus de 16 % d'intentions de vote (Wikipédia). E. Zemmour se trouve aujourd’hui (avec l’aide de tout ce qui grouille, grenouille et scribouille - le Général) entre 12 et 15% des intentions de vote à la prochaine élection présidentielle.
Il dit tout haut. Quoi ? Sans descendre au ras des pâquerettes (immigration, danger culturel, état providence pour tout un chacun, danger de survie pour la France) il nous avertit que l’avenir du pays est en cause : tout se passe comme si, depuis quarante années (les changements démographiques initiés par Valéry Giscard d’Estaing) la France se trouve prise dans une spirale descendante qui ne peut avoir de résultat que sa sortie diminuée du groupe des nations qui ont conduit le monde depuis des lustres. Avions-nous besoin que l’on nous rappelle cela ? En 2004 S. Huntington (auteur du Choc des Civilisations) écrivait dans « Qui sommes-nous ? » (Odile Jacob) : « La France, tout particulièrement, a connu un effondrement civilisationnel éclair dont personne, pas même Braudel, mort en 1985, ne semble avoir compris la portée dramatique. Cette nation qui a été pendant mille ans le fer de lance intellectuel de la civilisation occidentale, bascule à la charnière des années 1970-1980. En moins de deux générations on assiste à une explosion de l’illettrisme, de la criminalité de droit commun, de la corruption politique et à un remaniement à grande échelle de sa population qui la destinent comme nation historique d’Europe occidentale. Les Français, paradoxalement, refusent de considérer objectivement leur situation et semblent vouloir s’installer dans le déni jusqu’à ce que mort s’en suive. L’avenir se fera manifestement sans eux. Il le rappelle, d’ailleurs, lui-même (p.8 – La France n’a pas dit son dernier mot).
Qu’y a-t-il d’essentiel dans ce que E.Z. nous dit dans son dernier livre, "La France n’a pas dit son dernier mot" ? Je dois faire partie des plus de 200.000 français qui ont acheté le livre (et qui l’ont lu) et, modestement, je me permets de faire les observations qui suivent :
o Le livre me semble être un hymne de gloire qui met en valeur la clairvoyance de E.Z. qui suinte de tous les passages relatant ses rencontres, discussions, déjeuners ou dîners (dans les restaurants des élites – La Ferme Saint Simon, Chez Francis, Marius & Jeannette) , avec tous ceux qui comptent dans le monde politique du pays ; transcription verbatim de ce qui s’était dit, tout au moins de ce que E.Z. a voulu que nous sachions – il avait raison, ils avaient tort ; pour attirer le lecteur, chaque épisode, selon les années, porte un titre d’un film connu ou est rédigé comme le titre d’un film ;
o le livre suit/reproduit son mode d’analyse historique qui fait appel à des connaissances encyclopédiques (ou à une excellente mémoire) et il assène des vérités qui, souvent, peuvent être approximatives ou dont le sens a été détourné pour un plaidoyer pro domo ;
o le livre instille pour le jugement du lecteur, d’une manière subliminale, l’idée que l’auteur sait de quoi il parle et qu’il faudrait qu’il soit convaincu de cela.
D'évidence, EZ veut se poser en personnage cultivé (ce qu’il est, sans doute), au dessus de la mêlée, et il n’hésite pas de s’approprier le droit de changer telle ou telle affirmation d’un auteur célèbre, fusse-t-il un philosophe. Un exemple parmi d’autres : EZ prend le concept défini par Hegel (quantité+∆+∆ + …= qualité) et le met dans la bouche d’Engels (camarade de K. Marx) qui n'a fait que le reprendre dans son « Anti-Dühring» et, en le paraphrasant écrit « à partir d’un certain nombre la quantité devient une qualité » (p.118) ; certes, le grand nombre (actuel ou en devenir) d’habitants non assimilés (et/ou non assimilables) conduira à un changement qualitatif et une acculturation sans possible retour, et donc à la transformation de la France par, ce que certains, appellent « le grand remplacement ». Mais si la chose est juste la citation n’est pas moins erronée.
Je devrais, aussi, souligner que de temps en temps, conditionné comme il est par le désir impérieux de défendre la France, ses traditions et sa noblesse, il est capable de dériver vers des justifications particulièrement curieuses, pour dire le moins ou à des affirmations ignominieuses. Dans la première catégorie la défense de Vichy (de Pétain) qui n’aurait donné aux allemands pour envoyer dans les camps de la mort que des juifs étrangers (non naturalisés) et pas des « israélites » (juifs français depuis ….). En oubliant que Vichy a édicté le « statut des juifs » en dénaturalisant des français juifs. Quant à la séparation qui démontrerait « l’humanité de Vichy»…
Pour ce qui est de la deuxième catégorie, il n’aurait pas dû écrire (p. 152) : « On sait aussi que les enfants juifs assassinés devant leur école confessionnelle de Toulouse seraient, eux, enterrés en Israël. Assassins ou innocents, bourreaux ou victimes, ils voulaient bien vivre en France mais pour ce qui est de laisser leurs os il ne choisissaient surtout pas la France. Etrangers avant tout et voulant le rester par-delà la mort » Un judéo-berbère (comme il a l’habitude de se présenter) n’aurait pas dû écrire cela.
Alors ? Restons calmes, on verra si et quand il décidera de sauter le pas et se déclarer candidat : comme pour Coluche, il se pourrait que la bulle actuelle fasse pschitt !