Un mois et un jour se sont écoulés et « l’opération spéciale » de M. Poutine qui devait prendre moins de trois jours continue. Avec son cortège de morts, de blessés, de villes détruites et de menaces de faire pire si…
Le pire, selon les spécialistes des affaires militaires : continuer l’escalade jusqu’à la destruction de l’Ukraine par des moyens conventionnels ou utiliser le nucléaire tactique pour obtenir la même chose mais plus rapidement. Quelle belle alternative !
Les réunions et les voyages des grands de ce monde continuent à nous faire penser à l’empreinte « carbone » de tout cela mais comme il s’agit d’une bonne cause, on l’accepte. Bonne cause ? Sommes-nous sûrs de cela ?
Sans tenter de faire un bilan exhaustif du mois passé depuis que M. Poutine à lancé sa guerre pour envahir l’Ukraine force nous est de reconnaître que :
a. l’armée russe ayant perdu l’avantage de la surprise, une (grande ?) partie de sa capacité de mobilité, une partie de ses équipements lourds et une partie significative de ses forces premièrement engagées (robustes, aguerries – forces spéciales, etc.,) en est réduite depuis quinze jours à utiliser essentiellement les bombardements aériens, l’artillerie lourde et les missiles de croisière ; les outils utilisés à part, elle est en train de faire une guerre du 17ème siècle (villes assiégées, population sans nourriture ou eau, en fuite ou déportée) et on voit le résultat (drones ou satellites) à Marioupol ou Mykolaïv en attendant de voir la même chose à Odessa ou Kiev ;
b. l’armée ukrainienne (et « le peuple en armes ») que tous les spécialistes en fauteuil considéraient comme incapable de résister à l’armée russe, non seulement font le contraire mais lui impose l’inconvénient de la station sans mobilité, obtenant l’avantage de détruire ses équipements comme au tir aux pigeons dans les foires des villages ; elle a imposé à l’armée russe les éléments d’une guerre asymétrique avec les avantages du « faible vis-à-vis du fort », communément appelé l’effet David vs Goliath.
Les deux paragraphes précédents sont le reflet de ce qui s’est passé depuis 28 jours. En effet, l’armée russe qui n’avance plus au pas de courses est en proie à l’incompétence, au manque d’approvisionnement, à la corruption, au bas moral des troupes, aux mauvaises tactiques et à une cause à laquelle ses soldats ne croient pas. Ayant perdu une partie des ses forces qualifiées dans les premiers jours de la guerre et réduite maintenant à utiliser des soldats de conscription (19/21 ans, mal formés et ne sachant pas ce qu’ils sont en train de faire là). Elle en est réduite à utiliser des réservistes mais… les réservistes russes ne sont pas comme les Israéliens, ou les Finlandais ou comme la Garde Nationale américaine : ils sont mal équipés et ne s’entraînent pas.
Ce que l’on vient de voir c’est qu’avec suffisamment d’armes, biens choisies, les Ukrainiens peuvent briser les envahisseurs. Ce que les Ukrainiens ont, à part la décision (semblant unanime) des hommes du pays de repousser l’envahisseur, « ils ont derrière eux les industries militaires de pays comme les États-Unis, la Suède, la Turquie et la République tchèque. Chaque jour, des milliers d’armes de pointe arrivent en Ukraine : les meilleurs missiles antichars et antiaériens au monde, ainsi que des drones, des fusils de sniper et tout le matériel de guerre ». (The Atlantic, 21.03.22).
J’ai résumé, dans le tableau qui suit, les pertes de l’armée russe telles que déterminées (identités, photos, endroits) par le portail Oryx (https://www.oryxspioenkop.com/2022/02/attack-on-europe-documenting-equipment.html :
Le portail consultancy.eu a tenté une évaluation du coût de la guerre pour la Russie pour une première période de 100 heurs (4 jours, champ de bataille + pertes humaines) :
Juste pour ne pas l’oublier, on compte entre 2,5 et 3,0 millions de $ pour un tank (et quand il est détruit il est rare que les trois servants - au moins - sortent vivants), 80 à 90 millions de $ pour un avion et, par exemple, 500.000$ pour des véhicules de transport de troupes (blindés). Et on comprend pourquoi on considère que le coût de la guerre (champ de bataille, équipements, vies humaines, dépréciation monnaie, pertes boursières, etc.,) se situe quelque part entre 5 et 20 milliards de $ /jour !
Les pertes de chars ont, en réalité, changé le cours de la guerre en faveur des soldats ukrainiens. On se souvient de la colonne de 56 chars « tchétchènes » détruits en totalité avec le général les commandant. Bien entendu, les pertes ukrainiennes sont importantes aussi mais, selon le même portail, elles ne dépassent pas le tiers des pertes russes. Et puis les pertes humaines : selon le même portail (corroboré par l’OTAN et, même, par une info publiée - et retirée rapidement - par Komsomolskaya Pravda, 21.03.22, journal pro-Poutine) elles seraient de plus de 15.000 morts pour l’armée russe et, compte tenu des indices militaires (2/3 blessés pour un mort), au moins 30.000 blessés. Autant dire que l’Armées russe doit faire face à une réduction de ses forces initiales (200.000 hommes) de l’ordre de 20/25%. Et on apprend qu’elle est en train de faire venir des soldats tchétchènes ou… 40.000 syriens ! D’évidence, dans les conditions actuelles, de la « chair à canon » (Le Parisien, 15.03.22).
Pour comprendre mieux l’échelle des évènements auxquels nous assistons de loin, on a comparé les pertes de l’armée russe pendant dix ans en Afghanistan (1979 à 1989) avec celles d’Ukraine pendant moins d’un mois :
La colonne de gauche Afghanistan, celle de droite Ukraine. Même plus de généraux (6) perdus en Ukraine (El Pais 23.03.22).
Je n’arrête pas, depuis les premiers jours de la guerre de dire que M. Poutine a (ou aura) perdu la guerre. « Les preuves que l’Ukraine est en train de gagner cette guerre sont abondantes, si l’on regarde de près les données disponibles. L’absence de progrès de la Russie sur les lignes de front n’est que la moitié du tableau, obscurci par des cartes montrant de grosses taches rouges, qui ne reflètent pas ce que les Russes contrôlent mais les zones qu’ils ont traversées. L’échec de presque tous les assauts aéroportés de la Russie, son incapacité à détruire l’aviation ukrainienne et le système de défense aérienne, et la paralysie de plusieurs semaines de la colonne d’approvisionnement de 40 miles au nord de Kiev sont suggestifs. ». (The Atlantic, 21.03.22)
Naturellement, on se demande comment tout cela va finir. On doit se souvenir de Clausewitz (comme toujours quand il y a une guerre) « Si une partie utilise la force sans scrupules, sans se laisser influencer par l’effusion de sang qu’elle implique, tandis que l’autre s’abstient, la première prendra le dessus ». On sait, M. Poutine se fiche comme de sa première chemise du fait qu’un quart de la population ukrainienne (plus de 10 millions !) est déplacée avec une partie (3 à 4 millions) réfugiés. Donc, il continuera.
J’avais évoqué dans un texte précédent la responsabilité (ou l’irresponsabilité) des gouvernants du monde occidental. En commençant avec ceux d’Allemagne auxquels depuis Bush (le père) jusqu’à (et y compris) M. Trump les Etats Unis avaient conseillé un désengagement des fournitures russes de gaz et pétrole :
Au sommet de l'OTAN, Trump accuse l'Allemagne d'être "totalement contrôlée" par la Russie.
Faisant référence au projet de gazoduc Nord Stream 2, qui doit relier la Russie à l'Allemagne via la Baltique, un projet qui inquiète Washington, le président américain a profité du sommet de l'OTAN pour fustiger l'Allemagne déclarant qu'il était "très inapproprié" que les Etats-Unis payent pour la défense des Européens contre la Russie, tandis que la riche Allemagne négocie des contrats gaziers avec Moscou… La Tribune (11.07.2018)
Cette fois-ci je me permets d’incriminer le « pauvre peuple russe ». Les bonnes âmes, généreuses, du monde occidental promeuvent une attitude « morale » vis-à-vis des habitants de la Russie : les sanctions (tu parles, rien pour le gaz et le pétrole, soit des rentrées pour M. Poutine de, peu ou prou, 1 milliard de $ par jour !) ne doivent pas faire souffrir le peuple russe ! Mais, ce peuple semble approuver à plus de 60% la guerre que M. Poutine a lancée en son nom. Un juste retour des choses serait que ce peuple subisse les conséquences de son adhésion à la politique de M. Poutine. Comme les allemands on subi les conséquences de leur adhésion pendant 12 ans (1933-45) à la politique des nazis.