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23 avril 2022 6 23 /04 /avril /2022 12:51

 Semaine de Pâques pour tous mais, la guerre de M. Poutine ne s’arrête pas bien que le Pape lui ait demandé, gentiment, une pause pour célébrer Pessah, Pâques et/ou le Ramadan. Elle ne s’arrête pas mais deux choses concomitantes ajoutent une grande inconnue quant à son devenir : l’incapacité de l’armée russe à atteindre les objectifs de guerre que M. Poutine lui a assignée, d’un côté et le réveil (un peu tardif, mais) de l’Occident qui met à la disposition de l’Ukraine, en quantités massives, les armes (légères ou lourdes, avions, tanks, radars, canons, drones…) en gros ce de quoi elle a besoin pour transformer en cauchemar le rêve russe de conquête de l’Ukraine, d'un autre côté.

 

Semaine de Pâques. Il y a 80 ans (1942) plus de 33.000 juifs furent assassinés par balles par des troupes allemandes et enterrés à Baby Yar (près de Kiev). Evgheni Evtouchenko, poète, à l’origine de la reconnaissance, 30 ans plus tard, du massacre de juifs de Baby Yar écrivait en 1961 son fameux poème (Je n’ai pas une goutte de sang juif., Mais, détesté d’une haine endurcie, je suis juif pour tout antisémite.). Reconnaissance que le régime soviétique ne voulait prononcer car il ne s’agissait que de juifs… Mais Evtouchenko a écrit, aussi :

 

Les Russes veulent-ils la guerre ?
Demandez-le au silence régnant

au-dessus des labours et des champs,
près des bouleaux et des peupliers.
Demandez-le à ces soldats
gisant sous les bouleaux,
que leurs fils vous disent
si les Russes veulent la guerre.

 

Et à la question, à caractère rhétorique, que me posent certains lecteurs, « si 83% des russes, selon une enquête d’opinion (crédible), soutiennent M. Poutine, le concept « démocratie » n’est-il pas une justification suffisante ? » je me dois de répondre : 83 % des Russes soutiennent M. Poutine ? Une seule réponse possible, celle de Vassily Grossman (Vie et Destin) « Il y a des gens dont l’âme vient de se flétrir, des gens qui sont prêts à accepter n’importe quoi de mauvais - n’importe quoi pour ne pas être soupçonnés d’être en désaccord avec celui qui est au pouvoir »

 

L’armée russe, retirée sur des positions proches de la frontière Ukraine-Russie, en pays russophone (Sud du Donbass) est en train de « déterminer les nouvelles cibles d’une offensive imminente » selon la déclaration de son commandement général. Analysant la situation, au jour le jour, ISW (Institut for the Study of the War) conclut pour le 22.04.22 « La réduction par le Kremlin du rythme des opérations à Marioupol est peu susceptible de permettre le déploiement d’une puissance de combat importante pour soutenir d’autres opérations offensives dans les jours et les semaines à venir. Les forces russes seront certainement en mesure de redéployer certaines unités de Marioupol pour des opérations offensives ailleurs, mais les forces ukrainiennes ont réussi à immobiliser et à dégrader une force russe substantielle et la déclaration de victoire du Kremlin n’a pas libéré en soi 12 BTG (Batalion Tactical Group – MB) de puissance de combat pour d’autres opérations

 

Ce qui veut dire, nonobstant les informations souvent alarmistes quant à l’impossibilité pour les ukrainiens de résister aux russes au Donbass - et, donc, à l’impossibilité de garder le territoire en Ukraine - que de surprises sont en cours de mijoter et qu’elles risquent de nous surprendre – comme le fait qu’après deux mois l’aventure de la soldatesque russe (qui devait mettre à genoux l’Ukraine en trois jours) pourrait ne pas avoir l’issue prévue par M. Poutine. Regardons la carte du Sud Est de l’Ukraine :

En résumé : les troupes russes retirées du Nord après l’échec de la conquête de Kiev + se trouvent dans le Donbass (flèches rouges - les deux républiques fantoches) mais, selon des évaluations diverses (vu qu’elles ont eu plus de 20.000 morts soit entre 40 et 60.000 soldats indisponibles sur le 150.000 qui se trouvaient derrière la frontière avant le 24.02.22) ils ne sont plus que 80 à 90.000 (y compris les éventuelles nouvelles recrues -conscrits, des syriens, des tchétchènes, des libyens). En face d’elles se trouvent (en terrain connu depuis 2014) quelques 80.000 soldats ukrainiens aguerris, fer de lance de cette armée qui surprend le monde depuis deux mois (segments bleus). « L’art de la guerre » considère qu’une armée attaquante devrait avoir trois fois plus de troupes que l’armée défendant un territoire. Autant dire que, pour l’instant, l’issue probable de la tentative de M. Poutine de conquérir le Donbass et détruire l’armée ukrainienne est loin d’être favorable à l’armée russe. Et ISW de conclure :

  • Il est peu probable que la déclaration de victoire du Kremlin à Marioupol permette le déploiement d’une puissance de combat importante pour renforcer les opérations offensives dans l’est de l’Ukraine au cours des prochains jours ou des prochaines semaines
  • Les forces russes impliquées dans la bataille de Marioupol sont probablement lourdement endommagées car les forces ukrainiennes ont réussi à immobiliser et à dégrader une force russe substantielle.
  • Les forces russes ont poursuivi leurs opérations offensives dans l’est de l’Ukraine, mais n’ont réalisé que des gains marginaux.
  • Les forces ukrainiennes ont continué de stopper les attaques russes autour d’Izyum.

 

Certes, l’armée russe continue à faire ce qu’elle fait depuis le début, à savoir utiliser l’artillerie lourde et les fusées détruisant toutes structures immobilières et rasant des villes. Remarquez, elle n’utilise plus les bombardements aériens car elle a perdu jusqu’ici 177 avions ! Quant à l’artillerie, dès que les fameux César français (canons « radarisés » pour répondre, avec précision, à tout tir de canon adverse jusqu’à 40 km !) que la France est en train de faire parvenir à l’Ukraine, la situation changera du tout au tout. Pour avoir une idée de ce que les russes ont perdu en six jours de « calme » regardez le tableau fait pour les principaux équipements (en partant de la situation au 17.04 qui indique les nombres depuis le 24.02 - j’ai laissé de coté les camions d’essence, les radars, les batteries de fusées sol-air, etc.,)

Pour avoir une idée plus précise de ce dont il est question, j’ai reproduit quatre graphiques qui couvrent les équipements de toute nature, les tanks, les avions et le bilan pertes/gains qui en résulte :

Ce qui est poignant c’est que par rapport au commencement de la guerre l’Ukraine a, aujourd’hui, plus de tanks et d’avions (la même chose est valable pour les autres équipements) car elle a récupéré les équipements abandonnés par les troupes russes en détresse ou ceux ne fonctionnant plus en les réparant car les équipements des deux armées sont, pratiquement pour l’essentiel, interchangeables puisque de même origine.

Mais pour montrer qu’elle est active, l’armée russe utilise ses missiles pour détruire également les champs où l’Ukraine produit du maïs et du blé pour le monde entier : un tiers des besoins mondiaux en céréales sont menacés. L’ONU commence à se demander ce qu’on peut encore faire pour mettre fin à ce qui sera à un désastre de la faim de dimension mondiale.

 

Monsieur Guttierez, son Secrétaire Général, aussi, va voir M. Poutine, comme auparavant MM Macron, Scholz, Erdogan, Benett et autres. En espérant un succès là où tous ceux qui ont essayé se sont trouvés devant le mur autistique d’un assassin solitaire qui veut refaire le monde à l’image de ce qu’il était il y a 40 ans. Après avoir réussi à installer un régime autoritaire mais qui a pour lui la deuxième production mondiale de pétrole et de gaz et 145 millions d’habitants qui, dit-on, à 83% supportent ses agissements. Comment est-il possible, vous demandez-vous ? J’ajoute un deuxième extrait de Vassily Grossman : « L’extrême violence des systèmes totalitaires s’est avérée capable de paralyser l’esprit humain sur des continents entiers » et j’ajouterais : notamment dans la Russie de M. Poutine ; le peuple russe est responsable d’avoir créé, pratiquement, chaque siècle un monstre. Regardez l’histoire, depuis Ivan le Terrible à nos jours, où nous avons hérité de vivre avec le dernier.

 

Pourtant, pratiquement, tout le monde en Russie doit avoir une vision suffisamment claire de la guerre et voir que c’est un désastre, que cela coûte des milliers de vies de jeunes russes, qu’elle détruit l’économie russe et poussera en pauvreté des millions, qu’elle unifie et renforce l’OTAN (le contraire de la condition avancée par la Russie pour ne pas lancer sa guerre) qui pourrait fort bien se trouver élargi, qu’il exacerbe le nationalisme ukrainien et qu’il a fait de Volodymyr Zelensky une légende. A tel point que NYT (19.04.22) publie sous la signature de Brett Stephens un texte dithyrambique à sa gloire :

 

« Nous l’admirons parce que, face à l’inégalité des chances, le président de l’Ukraine tient bon. Parce qu’il prouve la vérité de l’adage qu’un homme courageux fait la majorité. Parce qu’il montre que l’honneur et l’amour du pays sont des vertus que nous abandonnons à nos risques et périls. Parce qu’il montre le pouvoir de l’exemple personnel et de la présence physique. Parce qu’il sait comment les mots peuvent inspirer les actes — leur donner forme et but — afin que les actes puissent, à leur tour, confirmer le sens des mots. Nous admirons Zelensky parce qu’il nous rappelle à quel point ces traits sont devenus rares chez nos propres politiciens. Zelensky était un acteur qui a utilisé sa célébrité pour devenir un homme d’État. La politique occidentale est envahie par des gens qui se font passer pour des hommes d’État pour devenir des célébrités (MB).

 

Les russes. M. Poutine a réussi à ce que le monde entier les déteste comme étant des brutes désinformées et incompétentes sur la scène mondiale. Tous ceux qui ont accès à des renseignements fiables en Russie, pourtant, peuvent voir qu’une victoire éclatante pour leur pays n’est pas à portée de main, et que le scénario le plus optimiste est un scénario long, difficile et sanglant qui pourrait, éventuellement, au maximum, consolider certains gains dans l’est de l’Ukraine. La conquête de Kiev ou la division de l’Ukraine ne sont pas plausibles et encore moins réalistes. Même les serviteurs de l’Etat russe (surtout eux) ou qui travaillent dans les médias d’État, doivent commencer à se demander pourquoi cette « opération militaire spéciale » contre une bande de soi-disant nazis toxicomanes (juifs de surcroît) en est à son deuxième mois, pourquoi Kiev n’a pas été conquise et pourquoi le navire amiral le Moskva a été coulé. Même si sur les 510 marins à bord il n’y aurait eu qu’UN mort selon le ministère russe de la défense.

 

Cela étant, les ressources maléfiques de M. Poutine peuvent nous réserver d’autres surprises. Surtout si son aventure en Ukraine se solde par un échec. Il faudrait se souvenir des paroles de W. Churchill « Ce voyage étrange » est un voyage dans l’inconnu, comme toutes les guerres ». Le mieux que l’Occident puisse faire est de se préparer au pire.

 

 

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