L'invasion russe de l’Ukraine : des victoires tactiques mais un désastre stratégique. La presse française, pourtant, de plus en plus, semble partisane (comme l’Allemagne d’O. Scholz) d’une victoire de la Russie ou d’un pat. Les nouvelles sont rédigées avec des messages subliminaux « l’Ukraine reconnaît » la situation difficile dans le Donbass » (Le Monde), «l'armée russe confirme la conquête de la localité clé de Lyman» (Le Figaro). Curieux, non ?
Mais il n’y a pas que l’Ukraine. J’oubliais : ce soir, notre Président a un « dîner de travail » avec l’Emir du Qatar : Doha joue un rôle central dans le jihad mondial contre les États-Unis et le monde libre, tout en arrosant leurs dirigeants de cadeaux qu’ils sont heureux de recevoir. Grand propriétaire en France, en ayant parmi ses serviteurs Dominique de Villepin, c’est dire. Le Qatar dicte surtout la ligne éditoriale d’Al Jazeera, LE porte-parole du jihad mondial. « Le Qatar est un ennemi acharné de l’Occident et un danger pour Israël. Il est temps que nous voyions la lumière et agissions en conséquence ». CG-Israël Hayom 27.05.22.
En commençant sa guerre contre l’Ukraine (il est utile de le rappeler) Monsieur Poutine a martelé les raisons qui lui ont fait la lancer, transformées en objectifs pour son armée : dénazifier l’Ukraine, la démilitariser, empêcher son admission en OTAN ou dans l’Union Européenne et surtout, pas d’OTAN dans les pays limitrophes, certains anciens du Pacte de Varsovie. De plus, « libérer » la population russophone du Sud de l’Ukraine oppressée comme elle était (selon lui) par les nationalistes ukrainiens et le gouvernement de nazis juifs, toxicomanes de surcroît, de Kiev. Trois mois après, Monsieur Poutine a l’OTAN à sa porte, virtuellement en Ukraine, et sur une autre frontière de plus de 1.300 km, la frontière avec la Finlande, et il a réussi, par son incompréhensible décision, à faire abandonner à la Suède ses 200 ans de neutralité. Et maintenant que les Suédois et les Finlandais sont en train de faire partie de l’OTAN, il a vraiment mis la Russie dans une bien pire position stratégique qu’avant l’invasion. Si ce qu’il a fait n’est pas la bourde la plus improbable qu’un dirigeant russe pouvait faire, on ne voit pas ce que l’on pourrait dire d’autre. Sauf que les dirigeants de deux pays de l’Europe tiennent à ce que l’on n’humilie pas M. Poutine et/ou la Russie, si d’aventure, on arrive à un cessez-le-feu préalable à une négociation.
Notre Président : …Nous ne sommes pas en guerre avec la Russie… et il sera nécessaire de ne jamais céder à la tentation de l’humiliation. (Strasbourg, 09.05.22, Conférence “le Futur de l’Europe”). Et le Chancelier allemand, Monsieur Scholz dont la stratégie est de faire semblant de soutenir l’Ukraine en public tout en agissant, presque, contre l’aide en arrière-plan (refus de livraison d’armes lourdes, retards aux livraisons promises, etc.,). A tel point que l’on commence à se demander en Allemagne si son appartenance au « gang » Schröder, Merkel et autres qui, pendant des années ont suivi une politique de rapprochement avec la Russie comme « soldats » de M. Poutine n’est pas la vraie raison de ses agissements. Ne pas humilier Monsieur Poutine ?
Au cours des derniers mois, le siège de Marioupol, ville importante du Donbass, a vu la destruction la plus complète d’une ville européenne depuis le bombardement de Dresde. Et aussi de nombreux crimes de guerre - l’armée russe a rasé la totalité du parc de logements de la ville. Les combats auraient tué des dizaines de milliers de civils, et la plupart des habitants de la ville, près d’un demi-million, ont fui, alors même que des dizaines de milliers d’autres restent coincés dans des sous-sols et des bunkers sous des ruines sans accès à l’eau, à l’électricité ou aux soins de santé de base. Aujourd’hui, le Donbass appartient au passé parce la Russie l’a détruit industriellement. Ses villes et ses villages sont détruits et Marioupol n’existe plus. C’est à ne rien comprendre : la Russie détruit des régions avec une population russophone pour la défendre contre les nationalistes ukrainiens. Ne pas humilier Monsieur Poutine ?
Ce qui est remarquable c’est la nonchalance avec laquelle des pays comme la France ou l’Allemagne – tout en martelant leur « aide » militaire à l’Ukraine – regardent la destruction, systématique, des infrastructures, notamment immobilières, par la Russie en Ukraine. Comme si rien n’était.
Mais ceci explique en partie cela. Car, nous dit-on, pour éviter de « provoquer » la Russie - et donc d’éviter la perspective d’une éventuelle frappe nucléaire russe - nous devrions empêcher l’Ukraine de vaincre l’armée russe. De plus, instille-t-on, cette guerre est en réalité, une guerre entre la Russie et les Etats Unis. La preuve ? Ils viennent d’approuver des dépenses de 40 milliards de $ pour l’Ukraine. Nous, l’Europe, devrions limiter la quantité et le type des armes que nous envoyons, retenir des renseignements et faire pression sur le président Volodymyr Zelensky pour qu’il accepte des compromis. C’est ce que notre Président fait depuis le commencement de la guerre, ouvertement, c’est ce que l’Allemagne (pour des raisons tenant à l’histoire et à la fameuse Ost Politik) fait en cachette. Et si, dès que l’Ukraine donnait des signes de faire obstacle aux visées de M. Poutine, l’Europe se considérait, viva voce, solidaire de l’Ukraine, prête à l’aider, disposée (voir déclarations solennelles de Mme Van Leyden et M. Michel) à accepter, rapidement, l’Ukraine comme candidat à la rejoindre, en catimini les deux compères qui mènent la barque européenne (MM. Macron et Scholz) tiraient les freins. Notre Président inventait, pour les besoins de la cause, une « Communauté Européenne Politique » pour accueillir l’Ukraine (comme si l’actuelle n’avait rien de politique) et M. Scholz disait, ouvertement, qu’il n’est pas partisan pour l’accélération du processus de candidature de l’Ukraine.
Et pendant ce temps des gens meurent pour défendre leur liberté, pour maîtriser leur territoire et, surtout, pour vivre leur langue, leur culture et leur histoire. Et la Russie s’est arrogé le droit d’empêcher tout cela pour les 45 millions d’ukrainiens et pour le pays de 600.000 km2.
Mais il ne fait aucun doute que M. Poutine a perdu sa guerre, pour ne pas dire que l’Ukraine est en train de gagner. La Russie a perdu la bataille de Kiev et s’est retirée presque entièrement du nord de l’Ukraine le mois dernier. Cela signifie que même si la Russie obtient des gains territoriaux limités dans l’Est ou le Sud, elle aura payé un prix exorbitant que ces gains ne valent pas. L’Ukraine survivra en tant qu’État indépendant, il est devenu évident même pour ceux qui, en Europe, sont prêts, pour sauver leur tranquillité (et l’approvisionnement en gaz à bas prix) à s’accommoder du contraire. Même les efforts plus limités de la Russie dans l’Est se font attendre. L’offensive russe dans le Donbass semble s’enliser. L’Ukraine semble également passer à l’offensive, en particulier autour de Kharkiv. Et on nous répète, ad nauseam qu’il ne faut pas humilier Monsieur Poutine.
La Russie ? Les multiples axes d’attaque de l’enclenchement de la guerre suggéraient que l’armée russe visait à capturer rapidement la capitale de Kiev, déposer le gouvernement démocratiquement élu, et occuper peut-être, quelques deux tiers de l’Ukraine de l’Est. L’Armée russe a échoué. Ses forces ont atteint la périphérie de Kiev, mais ont reculé à fin mars. La poussée de l’armée russe vers Odessa s’est enlisée autour de Mykolaïv pendant trois semaines. En mai, les forces russes attaquant Kharkiv, la deuxième plus grande ville d’Ukraine située à seulement 30 km miles de la frontière russe, sont repoussées, n’étant entrées qu’à la périphérie de la ville. Regardez quelques chiffres concernant les pertes principales de l’Armée russe pendant les trois mois (au 29.05.22) depuis le commencement de la guerre :
Cette guerre est devenue un désastre pour la Russie : des dizaines de milliers de soldats tués et blessés (entre deux et trois fois plus que des morts), des pertes d’équipement majeures, l’isolement international, des sanctions qui infligent de réelles douleurs économiques, et un OTAN galvanisé, revigoré, réarmé (100 milliards d’euros pour son armée annoncés par l’Allemagne) qui accueillera bientôt la Finlande et la Suède dans ses rangs. Sans oublier ce qui se passe sur le plan économique et, partant, géopolitique. Et ce que nos dirigeants professent c’est Ne pas humilier Monsieur Poutine ?
En faisant ce qu’ils font, MM. Macron & Scholz (principalement) semblent ne pas comprendre/admettre que seul l’échec peut persuader M. Poutine et les Russes eux-mêmes, de remettre en question le sens et le but d’une idéologie coloniale qui a appauvri et ruiné leur propre économie et société, ainsi que celles de leurs voisins, pendant des décennies. Ce fut ainsi pendant le 19ème siècle quand Alexandre II a tiré les leçons de la défaite de la guerre de Crimée. Le pays, qui s'étendait déjà sur 12,5 millions de km² et comptait 60 millions d'habitants, était handicapé par son fonctionnement archaïque. Des réformes structurelles (élections locales, collecte de l’impôt, etc.,) ont été mises en train par le tsar. Ou après la guerre russo-japonaise de 1904/5 quand Nicolas II crée une assemblée (douma) élue dotée de pouvoirs législatifs. Ou après la guerre de 14/18 quand elle est obligée de signer le traité de Brest-Litovsk par lequel elle cédait à l'Allemagne l’Ukraine, la Biélorussie, les Pays Baltes, la Finlande et la Pologne. Certes, après la révolution (1917) tout a été changé en corsetant l’expression des libertés (devenues « bourgeoises ») et en veillant à tout ce qui était essentiel (et pas essentiel) par le biais d’une police politique (Tcheka devenue KGB devenue FSB et dont M. Poutine a été un membre remarqué -si non remarquable).
Politique coloniale car, n’oublions pas, M. Poutine a fait que la Russie se trouve en Syrie, au Mali, en Amérique Latine. Si la guerre actuelle se transforme en conflit gelé par une sorte de compromis imaginé pour sauver la face de M. Poutine ceci ne mettra pas fin aux desseins d’agression russes ni n’apportera une paix permanente. Alors ?
Alors, notre Président, font savoir les gazettes, déclare « Avec le Chancelier Olaf Scholz, nous nous sommes aujourd'hui entretenus avec le Président Vladimir Poutine. Toute solution à la guerre doit être négociée entre Moscou et Kiev, dans le respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de l'Ukraine. (France Info 28 mai 2022, 17h42). En clair, on s’en lave les mains… Après avoir dit, pendant trois mois, qu’il était absolument nécessaire de parler à M. Poutine, après avoir fait des promesses d’intervenir (mal prises par l’Ukraine), le Président de l’Europe jette l’éponge…
Et on met les freins pour tout ce qu’il faut à l’Ukraine pour tenir devant la soldatesque russe et à son artillerie. La peur de voir l’Ukraine «gagner» justifie le leitmotiv ne pas humilier Monsieur Poutine ».
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L’invasion de l’Ukraine par Monsieur Poutine semble n’être rien d’autre qu’un échec catastrophique pour la Russie. Peut-être que M. Poutine s’en rend compte maintenant, cherchant une solution pour sauver les apparences. Mais il y a peu de choses qui suggèrent que l’Ukraine est prête à accepter ce que les bonnes âmes qui dirigent l’Union Européenne lui demandent (des concessions territoriales concernant un territoire ukrainien, occupé illégalement par la Russie). Pourquoi l’Ukraine devrait-elle payer pour les erreurs de M. Poutine? Pour ne pas l’humilier ?
La trahison de l’Europe en marche, vous dis-je, je crois qu’il faut laisser humilier Monsieur Poutine car autrement rien ne changera.