Le monde entier (ou presque) attendait, impatient, devant son écran de TV, avant-hier, à 14h00, la déclaration de M. Poutine concernant l’annexion (illégale) d’une partie de l’Ukraine. On a attendu pendant 30 minutes, ce qui montre la condescendance du sieur pour le monde entier. On se souvient qu’il avait fait attendre Mme Merkel pendant plus de 4 heures et qu’il l’a reçue avec son chien sachant pertinemment qu’elle en avait une phobie. Et pourquoi a-t-on attendu ?
Pour apprendre que la Russie est devenue le nouveau phare du monde car l’Occident (non pas des Lumières, non pas du multiculturalisme, non pas du progrès technique, économique, social et sociétal) symbole du colonialisme, de l’esclavagisme et du satanisme, a commencé sa destruction inéluctable. A laquelle la Russie va contribuer d’une manière essentielle.
Accessoirement, il a mentionné - en passant - que « l’opération spéciale » en Ukraine se porte bien et que le « régime de Kiev » devrait venir à la table des négociations » pour entériner l’annexion par la Russie d’un cinquième de son territoire.
Qu’il nous ait semblé déraisonnable c’est peu dire. Qu’il nous ait semblé sortir d’un texte de Orwell tellement il se trouvait ans une autre réalité que la nôtre, passe encore. Mais nous faire peur, à répétition avec les armes nucléaires…
Cela rime à quoi ?
Le jour de l’invasion, le 24 février 2022, Christian Lindner, le puissant ministre des Finances allemand, a dit à l’ambassadeur ukrainien que Kiev aller tomber le lendemain. Deux mois plus tard, le même M. Lindner a juré que l’Allemagne ne cesserait jamais de soutenir l’Ukraine. Vous vous souvenez ? Les “spécialistes”, certains de grands commentateurs occidentaux, ont décrit l’Ukraine comme un État en déroute et une sorte de nuisance tactique qui s’ingérait dans les affaires des vrais joueurs.
Il a fallu que la guerre barbare de la Russie montre son visage hideux pour susciter une condamnation mondiale, et maintenant, sept mois après, l’Ukraine reçoit l’aide dont elle a besoin.
Mais M. Macron (la France), dont la contribution à la défense de l’Ukraine a été, jusqu’ici, ridicule (0,16 milliards d’euros à comparer avec les 17,7 milliards de $ fournis par les Etats Unis - en aide militaire et encore le double en aide financière …) continue à « causer » au potentat du Kremlin ! Pourquoi faire ? C’est ça la diplomatie, nous dit-on, il faut parler car le moment de la négociation viendra. Viendra-t-il ? Ne vient-on pas entendre M. Poutine dire en s’adressant au « régime de Kiev » « cessez le feu, venez à la table de négociation MAIS les quatre régions annexées sont russes pour toujours, on les défendra avec tous nos moyens disponibles » La Russie s’est assise sur sa garantie des frontières de l’Ukraine pour laquelle ce pays a renoncé à son armement nucléaire (troisième du monde à l’époque) pour lui découper, maintenant, et annexer encore 15% de son territoire qui sont devenus « territoire russe ». Et, à ce titre « sera défendu avec tous les moyens disponibles » euphémisme pour rappeler les armes nucléaires.
Ses forces armées ont attaqué l’Ukraine, au départ, pour dénazifier et démilitariser le pays, le libérer de gouvernants nazis drogués et, aussi, les frères vivant dans le Donbass et l’Est de l’Ukraine et qu’elles ont bombardé avec moult artillerie aveugle détruisant les infrastructures les plus importantes. Mais, sept mois après, on voit qu’elles sont en train de se faire battre. Elles ont été repoussées du Nord (Kiev) vers la frontière Est de l’Ukraine et maintenant vers le Sud-Est. M. Poutine s’accroche, alors, à ce dont il dispose encore dans sa boîte à outils dans laquelle, en cherchant bien, il a trouvé le « nucléaire tactique » A mots cachés, Monsieur Poutine laisse entendre qu’il utiliserait des armes nucléaires si la Russie est attaquée. Il vient d’annexer 15% du territoire ukrainien qu’il déclare terre russe. Il annexe, donc, 115.000 km2 de l’Ukraine, les appelle « Russie » et a une cause à défendre…
Résumons : j’agresse, je conquiers (provisoirement), c’est à moi pour toujours, je défendrai avec tous les moyens possibles. Ce n’est pas, d’ailleurs, la première fois pour la Russie. Henry Kissinger pendant la guerre froide a dit, "Depuis Pierre le Grand, la Russie a augmenté ses conquêtes au rythme d’une Belgique par an." (https://www.les-crises.fr, 31.05.22)
Il prend le monde entier pour des demeurés : personne n’a attaqué la Russie, c’est celle-ci qui a attaqué le 24 février de cette année l’Ukraine. Le résultat, pour l’instant - si on cumule les pertes de deux côtés - plus de 100.000 morts et autant, sinon plus, de blessés, un coût pour l’Ukraine approchant les 1.000 milliards d’euros (BFMTV 22.09.22) avec un total pour le monde entier (en oubliant le risque de famines en Afrique) que, l’OCDE a évalué à 2.800 milliards de dollars de pertes financières à anticiper l’an prochain par rapport aux prévisions antérieures à l’arrivée des chars en Ukraine (SUD-OUEST, 26.09.22) et on n’a pas fini de compter…
Et le voilà en train de raconter pendant 37 minutes au monde entier médusé que la Russie ce sont les nouvelles « Lumières », que celles de l’Occident - colonisateur, exploitant des esclaves, dévoyé et décadent » s’éteignent et que, donc, « l’opération spéciale en Ukraine » a été lancé pour que la Russie demeure ce qu’elle a toujours été, le phare du monde civilisé. Plus de dénazification, de démilitarisation, plus de juifs drogués nazis gouvernant l’Ukraine.
Et notre Président continue de lui parler.
En parallèle, on a droit à une magnifique insignifiance de la moitié des commentateurs « militaires » ou « politiques » spécialistes de la Russie et de l’Ukraine - Cnews à droite et France Inter/info/Culture à gauche. Les compagnons de route (ceux qui expliquaient le progrès humain apporté par l’URSS pendant plus de 70 ans) nés et vivant depuis les années 30, ont des héritiers qui cumulent, aussi, l’épithète utilisé par Lénine (c’est vieux…) idiots utiles. Avec une insuffisance débordante, forts de l’autorité que leur confère souvent l’ignorance des sujets, on voit les Pierre Lelouche (ancien Ministre) ou Ivan Rioufol sur CNews, par exemple, instiller une sorte d’adhésion bienveillante aux énormités proférées par M. Poutine, que justifie uniquement leur anti-américanisme primaire. Exemple, utilisé ad nauseam, quand on veut condamner l’agression de l’Ukraine « … M. Bush a fait de même en Irak » Et, toujours avec le sens de l’à-propos qui les distingue, ils nous disent « attention, la Russie ne peut pas perdre cette guerre ». Comme ils nous disaient que l’Union Soviétique allait exister jusqu’aux temps ultimes. « Il peut la perdre et il va la perdre », a écrit Lawrence Freedman dans le magazine Foreign Affairs. (23.09.22) « Une série de décisions terribles l’ont conduit à saper la position internationale et les perspectives économiques de la Russie, à briser la réputation de la Fédération de Russie en tant que puissance militaire sérieuse et à échouer dans le plus important pari de sa carrière. »
Mais il persiste dans sa fuite en avant.
Il lance une mobilisation de troupes coûteuse (pour laquelle la Russie n’a pas les équipements, les matériels militaires et en absence de toute formation des mobilisés) ce qui contribue, par ricochet, à la chute des prix de l’énergie et provoque une nouvelle série de sanctions occidentales qui menacent de peser sur l’économie déjà en crise de la Russie et sapent les fondements financiers de sa guerre en Ukraine. Comme si le seul problème de l’armée russe en train d’être défaite en Ukraine c’est le nombre de soldats (en grande partie chair à canon …). Comme si la corruption, la bureaucratie militaire, le modèle de commandement vieux de deux siècles, les réserves de matériel militaire indisponibles pour le combat, la tactique irresponsable de généraux envoyés sur le front parce qu’il manque la courroie de transmission d’officiers et sous-officiers, le moral des troupes mal formées, mal équipées, mal approvisionnées, ne suffisaient pas pour expliquer la débandade des troupes à l’Est de Harkov et maintenant autour d’un autre nœud ferroviaire important, Lyman.
La mobilisation, d’autre part, bouleverse radicalement la gestion qui se voulait prudente de la guerre au Kremlin. Une augmentation spectaculaire de la main-d’œuvre de guerre de la Russie pourrait sembler un choix logique pour un pays dont la population est trois fois plus grande que celle de l’Ukraine, mais la popularité de la guerre dépend de son éloignement. Même la terminologie russe de la guerre, de l’« opération militaire spéciale », a été une couverture, une diversion. Malgré la rhétorique du Kremlin sur la « dénazification », pour la population russe, la guerre en Ukraine est tout à fait différente de la lutte directe et existentielle que la Russie a endurée pendant la Seconde Guerre mondiale. En annonçant une mobilisation, le Kremlin risque de voir se développer une opposition intérieure à une guerre pour laquelle la plupart des Russes ne sont pas prêts à combattre. La performance militaire de la Russie à ce jour ne suggère pas que jeter dans le chaudron plus de soldats donnerait de meilleurs résultats. Mais il fait semblant de ne pas connaître les conséquences économiques de sa guerre. Ni les pertes, pour le moment irremplaçables, que ses armées ont subies à ce jour :
et qui se chiffrent, seulement pour la composante militaire, à plus d’un milliard de $/jour. Mais les idiots utiles insistent sur le fait que les sanctions, loin de compter, lui laissent (augmentation prix gaz et pétrole) plus de 850 millions de $/jour (Les Echos, 06.09.22. … revenus gaz et pétrole 158 milliards $ sur six mois).
Pourtant, des nuages économiques surgissent alors que M. Poutine a besoin de plus en plus de ressources financières pour la guerre en Ukraine. La décision du Kremlin de faire appel à plus de 300.000 soldats nécessitera, d’évidence, de nouveaux fonds pour équiper, former et payer les nouveaux renforts. Ajouter que la guerre a également sérieusement perturbé les activités des sociétés privées de la Russie, qui font face à un nouveau défi lorsque les travailleurs se présentent au travail (où ils ne trouvent pas ce que l’on n’importe plus) ou fuient le pays (car risquent d’être mobilisés pour une guerre qu’ils ne veulent pas faire).
Capital Economics estime que le total des recettes d’exportation de pétrole et de gaz de la Russie diminuera de moitié, passant d’environ 340 milliards de dollars cette année à 170 milliards de dollars en 2023. Et pour ceux qui nous serinent que tant que la Russie a du gaz et du pétrole… Mais à y regarder de plus près, on constate que si au départ quand les prix augmentaient, les revenus pour la Russie augmentaient mais à présent l’économie mondiale a froid, les consommations diminuent, les prix aussi et la Russie doit vendre son pétrole à moins de 70$/baril à la Chine et à l’Inde quand son budget est calculé à l’équilibre pour 100-110$/baril. Mais il y a pire.
Dans son livre, bien documenté, paru en 2021 intitulé « Klimat : Russia in the Age of Climate Change », Thane Gustafson, professeur à l’Université de Georgetown, a conclu que l’impact de la transition énergétique sur la Russie se ferait en deux phases. Dans les années 2020, la demande mondiale d’énergie demeurerait forte, tout comme les exportations russes. Au début des années 2030, les revenus tirés du pétrole, du gaz et du charbon diminueraient fortement. D’ici 2050, les exportations totales de la Russie diminueraient de moitié. Ce serait une image sombre, a écrit Gustafson, « un tournant majeur pour la Russie ». Ce que Gustafson avait prédit pour 2050 s’est produit en 2022, bien que dans une version différente. La causalité était également très différente de ce qu’il avait prédit. Les guerres et les révolutions accélèrent le cours de l’histoire (https://www.hup.harvard.edu)
Cependant, Monsieur Poutine menace, ouvertement ou en instillant le propos, d’utiliser des armes nucléaires. En faisant fi du principe agrée universellement sur la non-utilisation des armes nucléaires en temps de guerre – qui s’est maintenu depuis les bombardements américains d’Hiroshima et de Nagasaki en 1945. S’il le fait, ceci conduira à une condamnation mondiale (sauf la Corée du Nord, probablement). Mais s’il le fait il s’apercevra qu’il irradierait le territoire qu’il lutte pour contrôler. Il est difficile de concilier son insistance antérieure selon laquelle les Russes et les Ukrainiens sont « un seul peuple » avec l’idée qu’il pourrait utiliser des armes nucléaires contre ces derniers. Et en semblant ignorer qu’il y a aussi un risque important de contamination radioactive en Russie. Mais soyons sérieux. Monsieur Poutine, en commençant la guerre nous faisait croire qu’il ne voulait pas avoir l’OTAN sur sa frontière Ouest. Ce qu’il a réussi, pour l’instant c’est d’avoir l’OTAN (Finlande) à quelques encablures de la porte de sa ville natale, Saint-Pétersbourg.
En franchissant sa frontière Ouest, M. Poutine a pensé qu’il pousserait l’Ukraine de M. Zelensky dans l’abîme. Il a peut-être fait cela à son propre régime.
Oyez bonnes gens … M. Poutine nous menace d’une guerre nucléaire. Et tout ce que nos dirigeants irresponsables (les Scholz, Macron, Draghi et tutti quanti) trouvent à dire et à faire c’est d’utiliser un algorithme, bien écrit, qui produit chaque fois une déclaration. Toujours la même.