Au mois de novembre, deux élections retiennent l’attention des media : celle d’Israël - la cinquième en moins de quatre ans et les de « mid-terms » aux Etats Unis, la semaine prochaine.
Celle d'Israël a été gagnée par une coalition qui déplait, souverainement, à la moitié de la planète. Pourquoi ?
Les résultats des élections en Israël - reflet exact de la volonté d'un peu plus de la moitié des votes exprimés par ses citoyens (majorité qualifiée) - semblent ne pas plaire à la moitié de la planète car ils ramènent sur le devant de la scène le fameux, le proscrit, le corrompu, B. Netanyahou, cette fois–ci, accompagné par « des extrémistes de droite ». Pour comprendre le paysage, s’il s’agissait de la France, cela voudrait dire une coalition des Républicains avec le Rassemblement National et avec Eric Zemour. Capito ? Ce qui est possible en Israël n’est pas possible en France, naturellement, pas besoin d’expliquer pourquoi.
Mais pourquoi cela a été possible en Israël ? Simplement, parce que les Israéliens se sont finalement souvenus que Netanyahou est le meilleur candidat pour gérer l’État juif pour ce qui est des questions relatives à la loi et l’ordre, la sécurité publique, la sécurité nationale et même sa diplomatie internationale. Les Israéliens devraient être félicités pour cette décision, résultat d’une démocratie à toute épreuve car s’agissant d’un système électoral à proportionnelle intégrale (avec un seuil d’accession à 3,25% des votes exprimés). Système dont l’absurdité, en donnant la parole à tous, oblige à former des coalitions pour gouverner. Il faudrait se souvenir que les quatre élections précédentes des (presque) quatre dernières années trouvent leur origine dans la défection d’une composante de la droite (Israël Beitenou) dont le dirigeant poursuivait une vendetta personnelle contre B. Netanyahou. Tant et si bien que les quatre élections précédentes se déroulant sous l’injonction « tout sauf Netanyahou » n’ont pu installer qu’un gouvernement « auberge espagnole » réunissant huit partis différents allant de l’extrême gauche (Meretz) jusqu’à l’extrême droite (Yamina) y compris un parti arabe (Ra’am) héritier des Frères Musulmans. Gouvernement qui n’a tenu que 16 mois. Pourquoi ? Essentiellement parce qu’il avait perdu la confiance des citoyens quant à sa capacité de mettre fin à une nouvelle montée sanglante d’un terrorisme palestinien. De plus, en Israël, tout comme cela commence à se voir en Europe, la droite a généralement tendance à obtenir de meilleurs résultats lorsque les citoyens votent sur des questions liées à l’économie et, par-dessus tout, au crime, à la sécurité publique et à la sécurité nationale.
Mais la coalition gagnante des élections (64 mandats de la population juive vs 51 pour l’ancienne coalition sur les 120 de la Knesset), cette fois-ci, amène avec elle deux partis d’obédience religieuse, « d’extrême droite » de surcroît. Relativisons, Shimon Pères avait l’habitude de dire « l’extrême droite en Israël c’est comme les radicaux-socialistes en France » (apocryphe). Qu’importe, ces deux partis se sont fait remarquer, par des prises de positions extrêmes, car au cours des dernières années, l’incapacité de l’Autorité Palestinienne (vantée comme le meilleur partenaire d’Israël pour la paix par l’irresponsabilité et/ou l’animosité de l’Europe et de deux Administrations des Etats Unis) a rendu de plus en plus dur le terrorisme palestinien. Ajouter l’échec démontrable des retraits territoriaux et les émeutes meurtrières de l’an dernier dans les villes mixtes juives et arabes. Mais il y a mieux (ou pire). Ils veulent reformer le système juridique de l’Etat qui donne la prééminence, quel que soit le domaine, à la Cour Suprême de la Justice. Ces deux partis (mais d’autres sotto voce aussi) considèrent que dénier l’autorité suprême au parlement élu par le peuple et la donner à des juges nommés (par un processus compliqué, certes, mais indépendant du parlement) revient à dire - raccourci rapide - accepter un gouvernement de juges non élus. Cela doit nous rappeler ce qui se passe en France aujourd’hui, où le gouvernement du pays est anormalement retenu dans ses décisions ou ses projets par des juges. Liée aux changements voulus par ces deux partis est aussi la nomination des juges (ou leur confirmation comme par le Senat des Etats Unis) par le parlement. Horreur et damnation ! Il n’y aurait plus d’état de droit !
C’est cette partie de leur programme qui a suscité le plus de réactions négatives bien qu’il s’agisse, en réalité, d’une défense de la démocratie, et non d’une tentative de la renverser. Une reforme dans ce sens apporterait un degré de responsabilité démocratique certaine face à un système dans lequel les juges s’arrogent le droit de censurer les lois adoptées par la Knesset, souvent sans référence à aucun principe juridique, mais selon leurs opinions personnelles sur ce qu’ils pensent être bon pour le pays. Et quand on sait que les dernières Cours Suprêmes ont eu tendance à pencher vers la gauche…
Bref, le 1er novembre 2022, 75 ans après la réinstallation de l’État hébreu, œuvre – principalement - des visionnaires socialistes, l’électorat israélien moderne, tiré à droite par le terrorisme palestinien sans fin et le rejet, de principe, de toute solution pacifique, après la cinquième élection générale en moins de quatre ans, vient de faire confiance à une coalition comprenant deux partis « d’extrême droite ».
Et nous entendons, déjà, venant des Etats Unis et de l’Europe la condamnation de ce que les citoyens israéliens ont décidé de faire. Mais, franchement, qui s’en soucie ? Le peuple israélien, et seulement le peuple israélien, peut juger ce qui est le mieux pour lui et son pays. L’administration Biden et d’autres acteurs occidentaux devraient respecter son jugement, en vertu du principe essentiel de la démocratie, la voix du peuple. Mais non, déjà, le NYT, le WAPO, le Monde et tout ce qui représente la vulgate dominante du monde occidental, avertit que l’apocalypse est en train d’arriver : refus de travailler avec le nouveau gouvernement, mise en question des relations entre états, le danger d’apartheid qui sera évident et autres ejusdem farinae. Les arabes israéliens représentent environ 21 % de la population d’Israël et près de 20 % de ses médecins, environ 25 % de ses infirmières et près de la moitié de ses pharmaciens — The Atlantic, 30.04.20. Israël apartheid, tu parles.
Certes, on nous rappelle que Hitler a été élu démocratiquement… car quand on n’a pas un autre argument de poids on revient toujours à la reductio ad hitlerum.
La coalition gagnante est dirigée par B. Netanyahou. Sa carte de visite (depuis 1995 quand, ministre de finances, il a réussi à arrêter une inflation galopante, à imposer une économie de marché et a contribué à la création des premiers éléments de « l’état start up ») comporte, sans classement de mérite, le gel de la construction en Judée-Samarie en 2009-2010 et les pourparlers simultanés visant une solution négociée à deux États ; les accords Wye et Hebron signés au cours de son premier mandat comme premier ministre, qui ont élargi la juridiction de l’Autorité palestinienne; son discours de Bar-Ilan, en soutien à l’État palestinien et les négociations que son administration a menée avec les Palestiniens en 2013 et 2014 qui visaient également une solution à deux États et tout dernièrement les Accords Abraham.
Malgré les critiques de cet Etat, cinq élections devraient rappeller à tout le monde qu’Israël est une démocratie dans laquelle les citoyens israéliens ont le dernier mot. Et oui, Israël est aussi la « nation start-up » et offre beaucoup à sa région et au monde en matière d’eau, d’alimentation, de santé et de cybersécurité. De plus, avec les drones russes et iraniens signalant de nouvelles menaces barbares pour le monde, les développements israéliens vers les défenses au laser, sont susceptibles d’ajouter à l’importance d’Israël en tant que partenaire du monde libre, membre de l’OCDE.
Israël ? Regardez la classement Global Talent Competitivness Index établi par l’INSEAD pour 2022 :
Israël, 23ème pays dans le monde, 1er (population = 9,5 millions) dans la zone Afrique du Nord - Asie de l’Ouest (environ 370 et respectivement 458 millions d’habitants). La France 14ème dans sa zone.
Ce que les citoyens israéliens ont fait c’est de considérer B. Netanyahou comme le meilleur premier ministre possible et l’installer à la barre du bateau. Peut-être, aussi, parce qu’ils se souviennent que dans tous les gouvernements qu’il a formés il a toujours eu un parti (ou un groupe ou des individus) à sa gauche et un (ou deux ou trois) partis à sa droite. Il était toujours au centre. Attendons.