Que nous arrive-t-il ? Nous sommes un peu déboussolés tant il est difficile de comprendre ce à quoi nous assistons, qu’il s’agisse de notre pays ou de ceux lointains dont l’influence sur le nôtre est loin d’être marginale.
Le vaisseau fantôme. Louis XVI est parti à Varennes, Charles de Gaulle à Baden-Baden. Notre Président est parti en Pologne. Le roi pour essayer de se sauver, le Général pour prendre conseil d’un militaire et notre Président pour s’occuper de l’affaire russe vue du point de vue de l’Ukraine. Selon l’adage « quand on ne sait pas quoi faire pour soi, on s’occupe des affaires des autres. » Pas besoin d’insister, notre Président ne sait plus quoi faire. Les bruits de palais (de l’Élysée) nous apprennent qu’il est en train de proposer un compromis à plusieurs partis de gauche (et un qui se dit de droite) un « accord » : « pas de 49/3 vs pas de censure pour les 30 mois restant jusqu’aux élections présidentielles de 2027 ». Les « macronistes », communistes, les verts et les socialistes ont été accueillis par le président pour ce faire. Le parti de Jean-Luc Mélenchon, la France Insoumise (LFI), a également reçu une invitation mais a décliné. Bien que la motion de censure qui a mis fin au Gouvernement Barnier ait été celle de LFI, on tient rigueur à RN qui n’a pas été invité. Emmanuel Macron vient de faire du RN la seule opposition réelle ! Et voilà qu’un dernier sondage indique que Mme. Le Pen devrait avoir 38% de voix au premier tour d’une élection présidentielle.
Les deux piliers de la constitution de la 5ème république abandonnés pour sauver sa mise. Pauvre France.
Pauvre France. Depuis De Gaulle l’adossement à l’Europe a été le fil d’Ariane de l’évolution du pays, qui se voulait élément moteur d’une construction supposée lui assurer un rôle moteur et, accessoirement, la prédominance dans les industries qui lui tenaient à cœur et à son agriculture qui, jadis, pourvoyait, peu ou prou, aux besoins alimentaires de 10% du marché mondial (Persée, 1978) :
Au bout de 60 ans, de première agriculture de l’Europe elle est devenue seconde (largement distancée par l’Allemagne) comme pour ses activités industrielles qui de 20/24% de son PNB encore il y a vingt ans, ne représentent plus que 10/11% actuellement. Son déclin agricole, industriel et financier (induit par les deux premiers postes) et une croissance démographique essentiellement fournie par une immigration exogène à l’Europe ont contribué à ce qu’elle est aujourd’hui : plus de rôle moteur en Europe car le « couple » France-Allemagne n’existe plus, pas de voix majeure dans les instances de l’Europe (son représentant a un rôle de spectateur face aux actions de la présidente du Conseil Européen). Dernier exemple de l’absence de considération pour notre pays : son opposition, absolue, à un accord avec une zone géographique se trouvant à 10.000 km de l’Europe (Mercosur) n’a pas été suffisante pour qu’il ne soit pas bouclé contre sa volonté. Faisons court : le déclin de notre pays paraît tellement sans possibilité de retour à ce qu’il était il y a 50 ans que plus personne en Europe ne paraît disposé à nous suivre quand notre Président éructe telle ou telle diatribe pour ou contre quoi que ce soit. Pour se donner le sentiment qu’il est encore quelqu’un, notre président part en Pologne pour faire comprendre à M. Poutine que son agression de l’Ukraine qui devait durer trois jours devrait s’arrêter au bout de trois ans.
Mais M. Poutine a d’autres soucis. Par-delà son million de morts en Ukraine (et combien de blessés ?), par-delà la démographie de son pays en chute libre, par-delà la situation économique (1 euro=112 roubles aujourd’hui, 40 roubles avant l’annexion de la Crimée en 2014), par-delà l’importation de soldats nord-coréens et Houthis pour faire la guerre en Ukraine il vient de voir ses investissements militaires, économiques et politiques en Syrie partis en fumée. Il avait réalisé ce que la Russie depuis Catherine II souhaitait, avoir un pied ans une mer chaude, la Méditerranée. En Syrie. Où, pour l’obtenir (avec la complicité irresponsable de M. Obama) il a dû aider le potentat local à trucider plus de 500.000 syriens qui auraient voulu avoir droit à une vie sans dictature.
Mais, comme M. Obama l’a dit à Jeffrey Goldberg, (The Atlantic en 2016), « La concurrence entre les Saoudiens et les Iraniens — qui a contribué à alimenter les guerres par procuration et le chaos en Syrie, en Irak et au Yémen — nous oblige à dire à nos amis ainsi qu’aux Iraniens qu’ils doivent trouver un moyen efficace de partager le territoire et d’instituer une sorte de paix froide » Paix à laquelle Israël n’était pas convié et aurait pu faire le « dessert du repas » Fast forward – ce que nous voyons aujourd’hui peut être retracé à l’attaque catastrophique du 7 octobre 2023 par le Hamas contre Israël, dans laquelle le groupe terroriste palestinien soutenu par l’Iran a massacré 1.200 personnes et enlevé environ 250 personnes retenues en otages à Gaza. Cela a déclenché une réponse israélienne sans précédent qui a fini par décimer « l'Axe de la résistance" dirigé par l’Iran.
Car, (nous le savons, depuis le Général) l’Orient est compliqué. Faisons simple, cependant. Deux autres pays en quête de leur ancienne gloire, la Turquie et l’Iran, pour des raisons qui leur sont propres (la Turquie pour massacrer les kurdes - comme ils ont massacré les Arméniens - car insoumis au renouveau d’un islamisme promu par un visionnaire musulman intégriste et l’Iran qui avait inscrit sur le frontispice de sa république islamique l’ardente obligation d’éradiquer le seul état juif du monde, Israël) se sont arrogé le droit de partager la Syrie. La Turquie a occupé des dizaines de milliers de km2 au Nord-Ouest en ayant fait du nettoyage ethnique pour expulser les kurdes ayant habité l’endroit. L’Iran en remplaçant, pratiquement, l’armée syrienne par ses propres effectifs et disposant, avec l’acceptation du potentat local, d’un côté, de dépôts de munitions et armes sophistiquées y compris de la possibilité de les fabriquer et, aussi, des voies d’alimentation en armes et munitions d’un de ses suppôts, le Hezbollah, dans le Liban voisin.
Mais l’Orient est compliqué…
20 ans après la deuxième guerre d’Irak on trouve toujours, entre le Tigre et l’Euphrate (mais pas seulement) des restes des organisations terroristes y ayant poussé comme des champignons. État Islamique, Al-Qaïda, Al-Nostra, Tahrir-al Sham, j’en passe et des pires. Dans ce magma alimenté par la Turquie, le Qatar, l’Iran et d’autres, une d’entre elles vient d’atteindre le Graal : en douze jours, après avoir conquis les trois villes principales de la Syrie (Alep, Hama, Homs) elle vient de « libérer » Damas, sa capitale. L’armée syrienne en totale déconfiture l’a laissé faire, le potentat local a fui en Russie, l’Iran a retiré ses effectifs militaires et civils et (AFP, 11.12.24) M. Blinken a promis que l’Amérique « reconnaîtrait et soutiendrait pleinement » un gouvernement syrien qui émergerait d’un « processus inclusif et transparent » pour remplacer Bachar al-Assad, actuellement entre les mains d’une branche d’Al-Qaïda dirigée par un terroriste recherché par les États-Unis.
M. Blinken (les EU de M. Biden, en attendant M. Trump) a tort : les « libérateurs » de la Syrie nonobstant leurs tentatives de projeter une image "propre" pour l’Occident, sont sans équivoque djihadistes par nature. Les djihadistes « modérés » c'est comme les femmes « moitié enceintes », cela n’existe pas. Une fois qu’ils auront monté leur califat à Damas, leur objectif sera d’aller vers Al-Aqsa - Jérusalem, en suivant le même chemin que celui souhaité par leurs homologues sunnites islamistes du Hamas.
Car, traduisons : Tahrir-al-Sham = Libération du LEVANT : le Levant désigne traditionnellement les régions bordant la côte méditerranéenne de l'Asie : en premier lieu la Syrie, ainsi que le Liban la Palestine, Israël, la Jordanie, l'Anatolie, la Mésopotamie et l'Égypte (Wikipédia). Peut-être ils laisseront la Jordanie et l’Égypte tranquilles mais Israël…
N’ayons pas peur des mots : Mohammad Ali Abtahi, un ancien vice-président iranien, deux jours avant la fuite d’Assad, nous dit « La chute du gouvernement syrien serait l’un des événements les plus importants de l’histoire du Moyen-Orient... La résistance dans la région resterait sans soutien. Israël deviendrait la force dominante. » The Strategist 10.12.24. Pour commencer Israël a fait deux choses : (a) occuper la zone tampon constituée après la guerre de 1973 et surveillée par des troupes ONU, à l’occasion d’une attaque des « libérateurs » de la Syrie contre elles (les EU ont indiqué qu’ils approuvaient la chose)
et (b) a détruit l’essentiel de l’armée syrienne (armes, munitions -y compris chimiques, dépôts divers, marine, fabrications de munitions, etc.,) via 500 interventions de son aviation pour éviter leur prise par les « libérateurs » tant que l’on ne sait pas ce qu’ils sont réellement et ce qu’ils veulent.
Naturellement, la Turquie (sponsor de Tahrir-al-Sham) a protesté violemment, comme le Qatar (protecteur d’une autre partie des « libérateurs ») et la France aussi (sans doute se souvenant du fait qu’elle a créé la Syrie - accords Sykes-Picot et qu’elle entretenait des espoirs sur la Syrie - M. Chirac seul chef d’État occidental à l’enterrement du premier satrape de la dynastie Hafez et M. Sarkozy ayant invité le fils, car république avec droit de succession, à Paris en 2008). Naturellement, la Turquie car il semble possible de considérer plausible que M. Erdogan ordonne directement aux groupes djihadistes opérant à la frontière israélienne d’attaquer Israël ou, à tout le moins, les soutient dans cette action. On se souvient de sa diatribe « Comme nous sommes entrés au Karabakh et en Libye, nous ferons la même chose à Israël » 29.07.24, RTL Info. Car, n’oublions pas, il est convaincu qu’il peut faire cela vu la disparition de la civilisation occidentale :
La Syrie « libérée ». On ne sait pas ce qui va se passer (« La prédiction est très difficile, surtout si elle concerne l'avenir » Niels Bohr, Prix Nobel). Mais ce que l’on sait c’est que ce qui s’y est passé c’est la suite d’une guerre civile qui a entraîné plus de 500.000 morts et 6,5 millions de réfugiés syriens, déplacés de force de leurs foyers sous le régime brutal de M. Asad. La grande majorité des réfugiés syriens ont été accueillis par les pays voisins. La Turquie a pris à elle seule environ 3,6 millions de personnes. Le Liban a accueilli 1,5 million de réfugiés et la Jordanie, 1,3 million. Environ 70 % de ces réfugiés vivent dans la pauvreté, pris au piège et incapables de se déplacer. « Avec plus de 180 journalistes tués et exécutés par le régime et ses alliés depuis 2011, avec l’emprisonnement et la torture des reporters dans ses geôles depuis des années, Bachar el-Assad et ses alliés ont fait de la Syrie l’un des pires pays au monde pour les professionnels des médias, selon le classement de la liberté de la presse de RSF en 2024 », déclare, dans un communiqué, Jonathan Dagher, responsable du bureau Moyen-Orient de RSF 11.12.24. Le monde libre a échoué pour la Syrie et il a échoué pour le peuple syrien. Mais la ICC n’a pas émis un mandat d’arrestation pour M. Asad ou ses collaborateurs, probables coupables de génocide et de crimes contre l’humanité. La Turquie ne l’a pas demandé, elle qui est la plus grande prison pour journalistes depuis que M. Erdogan dirige le pays (Wikipédia).
Ce qui peut surprendre un observateur de Sirius c’est quand même Israël. Une guerre (Hamas depuis 14 mois, Hezbollah itou mais différente) et pourtant elle est 10ème puissance économique mondiale avec un PNB/habitant supérieur de 22% à celui de la France et supérieur à ceux de l’Allemagne, Japon, UK. Plus de 300.000 réservistes qui passent des mois et des mois sous les armes et pourtant l’économie du pays devrait montrer une croissance de 2,4% en 2025 (chez nous 1% depuis des années). Et preuve pour tout ça, la bonne tenue de sa monnaie :
Par rapport à 2022 (avant le commencement de la guerre) le shekel a gagné 10% vs le dollar (ou l’euro). C’est dire la confiance des marchés quant à la gestion de ce pays.
Mais, d’aucuns, n’arrêtent pas de se poser une question simple : en 1967 Israël a mis en six jours à terre les armées les plus fortes de trois pays (Égypte, Jordanie, Syrie). Pourquoi diable a-t-elle besoin d’années pour le Hamas ou le Hezbollah ? Certes, les actions pernicieuses de l’Administration Biden qui a pressé Israël de n’utiliser que des opérations ciblées en réponse au 7 octobre et de ne pas envoyer de troupes à Gaza pour prendre et tenir le territoire et éradiquer le Hamas y sont pour quelque chose. Malgré son voyage de « solidarité » en Israël le 18 octobre 2023, M. Biden (ou ceux de ses collaborateurs, anciens de M. Obama) s’est opposé à chaque étape des opérations israéliennes à Gaza et a même coupé la fourniture des armes vitales en réponse à l’étranglement par Israël de la route d’approvisionnement du Hamas en entrant dans Rafah. N’oublions pas que lorsque Israël a pris les mesures qui, à la fin, ont affaibli l’Iran et ses suppôts, il a été accueilli par des menaces et la désapprobation de Washington. Le 24 septembre de cette année, à l’Assemblée générale de l’ONU, M. Biden a plaidé pour qu’Israël accepte une solution diplomatique. « Depuis le 7 octobre, nous sommes également déterminés à empêcher une guerre plus vaste qui embrasserait toute la région », a-t-il déclaré. Cela s’est passé trois jours avant que les frappes aériennes israéliennes ne tuent le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah. En mai de cette année, M. Biden a menacé de bloquer des livraisons d’armes vitales à Israël s’il envahissait le dernier bastion du Hamas à Rafah. Mais Israël a ignoré les conseils de son allié le plus important. Au lieu de cela, il a poursuivi les frappes qui ont décapité le Hezbollah, il a tué Yahya Sinwar (celui qui a tout commencé) à Rafah et cet automne, il a prouvé que ses avions peuvent survoler Téhéran sans crainte. En conséquence, l’Axe de la résistance a été relégué à un axe de subsistance. Certes, l’attitude des puissances mondiales occidentales qui craignant les réactions d’une partie de leur population (immigrés d’origine arabo-musulmanes) y a été pour quelque chose. Certes, l’inimaginable veulerie d’institutions internationales (ONU, ICC, ICJ, UNESCO, etc.,) y a été pour quelque chose. Certes, la situation du « proto » État Libanais sous le contrôle de l’Administration absente mais partiale de J. Biden et celle du gouvernement inexistant de la France y a été pour quelque chose. Mais par-dessus tout, c’est le courant antisémite sans autre équivalent que celui qui a conduit à la Shoah, de Sydney à Montréal et du Daghestan à Londres en passant par tous les pays de l’Europe de l’Ouest (pas celles de l’Est …) qui a obligé Israël à se battre (à détruire) à Gaza avec une main dans le dos. Et cela n’a pas suffi, vu comme elle est vilipendée et vouée aux gémonies.
Cela étant aujourd’hui, avec la chute de M. Assad, l’Iran est plus faible que jamais. Trois de ses piliers – le régime d’Assad, le Hezbollah et le Hamas – ont été paralysés, et les Houthis du Yémen ont également subi des revers importants. Israël a démontré sa capacité à frapper les actifs stratégiques de l’Iran, le laissant exposé à d’autres attaques aériennes. En décapitant les suppôts de l’Iran et en détruisant ses défenses aériennes, Israël a ouvert la voie du renversement du tyran le plus cruel du XXIe siècle. Il a également démontré la fragilité de l’impérium iranien et les illusions de M. Obama sur cet imperium.
« Pour Israël, tout cela est une épée à double tranchant. Le démantèlement de l’Axe de la résistance représente une victoire stratégique, mais les risques sont importants. Les forces rebelles qui contrôlent la Syrie sont dominées par des groupes liés à des idéologies extrémistes, dont Hayat Tahrir al-Sham, un groupe ayant des racines au sein d’Al-Qaïda. Cela soulève le spectre de la Syrie devenant un État en faillite ou, pire, un bastion terroriste. Newsweek, 08.12.24. Oui, mais pour l’instant, les attaques directes entre l’Iran et Israël ont montré que ce dernier avait le dessus. Les capacités de l’Iran -défensives et offensives à la fois - ont été affaiblies. Israël, après l’échec catastrophique du 7 octobre, semble plus fort que jamais. Et en incitant les États arabes à être prêts à aider à repousser les attaques de l’Iran, Israël a montré que des gouvernements arabes sont prêts à se joindre à l’État juif pour dissuader l’Iran, malgré la sympathie des populations arabes pour les Palestiniens. Sans doute aucun, l’éviscération des actifs les plus précieux de Téhéran, le Hezbollah et le régime d’Assad, est un coup catastrophique pour la République islamique. Un an après le 7 octobre, grâce à la réponse robuste d’Israël, le Hamas et le Hezbollah sont paralysés. Leur leadership est en très grande partie éliminé, et le régime de M. Assad est tombé. La vision de M. Obama, rétrospectivement, semble stupide. Il s’avère que l’Iran n’était pas là pour rester.
Il s’avère qu’une autre puissance régionale, Israël, a réussi à éteindre une grande partie du fameux cercle de feu iranien, malgré les avertissements, les remontrances de son allié (et des puissances occidentales) et les retards dans la fourniture d’armes de l’administration de M. Biden. Les Saoudiens, le peuple syrien, les Libanais et les Israéliens avaient un choix depuis le début. Ils n’avaient pas à « partager » la région avec un régime qui voulait la dominer.
Et, d’un autre côté, écoutons le nouveau shérif qui va prendre ses fonctions dans six semaines : « Assad est parti. Il a fui son pays. Son protecteur, la Russie, la Russie, la Russie, dirigée par Vladimir Poutine, n’était pas intéressé à le protéger », la Russie et l’Iran sont en ce moment dans un état affaibli, l’un à cause de l’Ukraine et d’une mauvaise économie, l’autre à cause d’Israël et de ses succès au combat. » Reuters 09.12.24. Vaya con dios compañeros.