5 décembre 2007
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Voilà tous nos journalistes (et pas seulement eux) se jeter sur le rapport américain (NIE – National Intelligence Estimate) comme des chiens affamés sur une charogne : enfin on a la preuve que l’Amérique mentait et que l’Iran ne veut pas avoir la bombe. Pas depuis hier, depuis … 2003 !
Pour ceux qui peuvent lire le « rapport » en anglais il est instructif de le faire : neuf pages dont 5 détaillant la procédure de constitution du texte et une détaillant les différences entre divers contributeurs. Soit trois pages qui, selon ce clament les partisans de la paix, vont changer la face du monde car on a la preuve que l’Iran est un pays pacifique et que Bush n’était qu’un va-t-en guerre. Essayons de voir de plus près.
Le rapport : trois extraits donnent une idée de la fiabilité de ce qu’il véhicule. (a) – « Nous jugeons avec une confiance élevée que l’arrêt du programme militaire a duré au moins plusieurs années mais … nous évaluons avec une confiance modérée le fait que Téhéran n’aurait pas remis en marche ce programme d’armes nucléaires » ; (b)- « Nous ne savons pas si le programme nucléaire de l’Iran prévoit actuellement le développement d’armes nucléaires » ; (c) - Nous évaluons avec une confiance modérée que l'Iran emploierait probablement des emplacements secrets plutôt que les sites connus pour la production d’uranium fortement enrichi à but militaire. Une quantité croissante de renseignements indique que l'Iran a été engagé dans des activités secrètes d'enrichissement en uranium »
Le contexte : le programme clandestin de l’Iran a démarré en 1982 et ce n’est qu’en 2002 que la « communauté internationale » a commencé à comprendre qu’il y avait anguille sous roche (découverte du site de Natanz) ; depuis, pendant cinq années, l’Europe a essayé d’obtenir des preuves irréfutables du caractère pacifique du programme (ce qui est absurde car si tel était le cas l’Iran ne l’aurait pas caché pendant 20 ans …) ; quelque chose s’est passé récemment (destruction par Israël d’un site probablement nucléaire en Syrie, visite de M. Poutine en Iran, « démission » du négociateur iranien, et d'autres événements encore). Et l’appointement d’un nouveau négociateur qui au cours de sa dernière rencontre avec X.Solana à Londres lui aurait déclaré, selon la New York Times : « Du passé on fait table rase (?!) et tout commence avec moi. Aucune de vos propositions n’est plus de mise. Aucune de vos propositions n'a plus de substance aujourd’hui et tout que Larijani (l’ancien négociateur pendant cinq ans) a proposé est lettre morte et nous devons repartir de zéro.» Cinq années de discussion sans résultats mais … les services français, anglais, allemand (surtout car l’industrie allemande a fourni des équipements au moins « duals » sinon directement utilisables pour le programme militaire) se seraient tous fourvoyés dans leurs évaluations ?
La conclusion : (1) les paraphrases compliquées du rapport américain laissent comprendre que des gens de Washington utilisent la pratique connue « cover your ass » pour contrecarrer la honte de l’Irak ; (2) les services américains ont été pris de court quant le Pakistan a fait exploser sa bombe en 1998 et aussi quand l’Inde a fait la même chose quelques mois après (l’Inde dont on ne connaissait que le programme civil) ce qui en dit long sur ses performances ; (3) l’Agence Internationale pour l’Energie Atomique (et son chef, prix Nobel) qui existe depuis 1957 n’a mis à jour aucun des programmes nucléaires de par le monde (la dernière surprise – la Libye).
Il suffit aussi de voir comment les représentants de l’Iran se précipitent pour crier « victoire » et dire « on vous l’a toujours dit » en oubliant qu’ils ont menti pendant plus de 20 ans … Sic transit gloria mundi …