9 décembre 2007
7
09
/12
/décembre
/2007
20:14
Monsieur le Président,
Je vous écris une lettre,
Que vous lirez peut-être,
Si vous avez le temps …
Oui, le temps, car un voyage en Chine, un autre en Algérie, une rencontre avec Angela Merkel et une autre Europe-Afrique, pour ne rappeler que les principales … ne doivent pas vous laisser beaucoup de temps. Surtout quand vous devez expliquer ce que depuis trente longues années on occulte, à savoir que les caisses de la France sont vides. Ce qui n’empêche pas votre gouvernement de «sponsoriser» une réunion de donateurs pour le pauvre peuple palestinien dont l’essentiel des dons demandés (plus de 5 milliards de $), se retrouvera probablement dans les poches de ses dirigeants comme souvent par le passé … Juste pour illustrer le propos, pendant que l’on ne nous montre que des dépôts d’ordures, des masures et des rues plein de gadoue dans les camps de «réfugiés» palestiniens, on oublie de nous montrer les propriétés de certains de leurs hommes politiques : voilà celle de M. Munib-al-Masri, entrepreneur aussi, à côté de Naplouse :
Mais auparavant vous allez recevoir un clown. Vous avez accepté qu’il monte son chapiteau juste en face du Palais de l’Elysée (il aurait pu avoir la forme d’un avion comme celui de l’UTA détruit par des membres des services de sécurité de votre invité), car il a accepté de libérer les infirmières bulgares pour lesquelles son fils Seif el Islam, à propos du traitement subi dans les geôles libyennes par ces infirmières et le médecin palestinien, a déclaré à Al Jazeera «Il y a bien eu des tortures à l’électricité et aussi des menaces de s’en prendre à leurs familles» tout en reconnaissant que les six soignants n’étaient pas responsables de la contamination par le virus du sida d’enfants libyens dont 56 ont trouvé la mort.
Et vous avez accepté de lui fournir, toujours selon son fils, 14 Rafales, des flopées d’Airbus et, semble-t-il, un réacteur nucléaire. Remarquez, les Rafales personne n’en veut, les vendre à la Libye permettra d’oublier que les armées françaises sont obligées d’en acheter plus de 300, payés avec l’argent qui fait défaut aux caisses de notre pays.
Mais c’est vrai, c’est un clown qui a un cursus méritoire : actes terroristes de ses services secrets, ayant financé, entre autres, Carlos qui croupit dans une prison en France, et dont le seul mérite pour qu’il «réintègre» la communauté mondiale est d’avoir mis fin à un programme nucléaire militaire dont personne (et surtout pas l’Agence pour l’Energie Atomique Internationale et son Prix Nobel de chef) n’a eu vent. Mais peut-être l’avez vous invité à Paris car c’est un visionnaire qui en avril 2006 déclarait, toujours à Al Jazeera «Il y a 50 millions de musulmans en Europe. Des signes montrent qu’Allah accordera à l’Islam la victoire en Europe, sans épées, sans fusils, sans conquêtes. Les cinquante millions de musulmans d’Europe feront qu’Allah mobilise la nation musulmane de Turquie et l’ajoute à l’Union Européenne…/… Cela fait 50 millions de musulmans en plus…/…Cela fera 100 millions de musulmans en Europe. L’Albanie, qui est un pays musulman, fait déjà partie de l'Union européenne. La Bosnie, qui est un pays musulman, fait déjà partie de l'Union européenne qui deviendra un continent musulman en l'espace de quelques décennies»…/… «L’Europe est dans de beaux draps, ainsi que l’Amérique. Ils devraient accepter de devenir islamiques avec le temps, ou alors déclarer la guerre aux musulmans».
Mais vous, vous savez tout cela car le livre qui fait autorité pour l’avenir musulman de l’Europe (Eurabia, Bat Ye’Or) ne vous est pas inconnu comme vous n’ignorez pas les cris désespérés d’Orlana Fallaci ou les analyses d’un savant comme Bernard Lewis. Pourtant, vous voilà mettre en chantier le projet d’union Europe - Méditerranée que vous essayez de « vendre » aux pays du Maghreb. Il n’a qu’un seul inconvénient, d’ailleurs clairement souligné par votre prochain invité, c’est qu’il s’adresse aussi à Israël ce qu’aucun de vos interlocuteurs arabes n’en veut pas. Vous savez tout cela mais ceux qui vous ont élu avaient cru vos promesses qui, au plan des affaires étrangères, semblent antinomiques avec ce que vous faites aujourd’hui.
Mais, de la Libye à l’Algérie il n’y a qu’un pas et il fallait bien le franchir, sinon pour faire repentance pour les «méfaits du colonialisme», tout au moins pour obtenir des contrats… Cette obsession des présidents français à jouer les commis-voyageurs vous a rattrapé aussi. Vous avez commencé en Chine où, enfin, on a signé (pour la dixième fois ?) une commande pour des Airbus et (ce n’est pas encore certain …) une autre pour des réacteurs d’une nouvelle génération (EPR). Et vous avez continué en Algérie obtenant 4,5 milliards de commandes. Et un réacteur nucléaire ? Le tout se payant en passant l’éponge sur les vexations à répétition que l’Algérie nous inflige et, bien sûr, en facilitant l’arrivée en France de ses citoyens qui ne veulent pas prendre leur part dans l’essor économique de leur pays pour ne pas parler de celui culturel qui se fait de plus en plus en dehors du français. Mais l’Algérie s’oppose à l’adhésion d’Israël à la « francophonie » dirigée aujourd’hui par un autre grand ami de la France, Boutros Galhi.
Monsieur le Président, libre à vous de faire croire à notre peuple que les quelques milliards de commandes comptent réellement vis-à-vis de la dette de plus de 1.200 Milliards d’euros (sans compter les autres 800 Milliards liés aux retraites des fonctionnaires et assimilés). Libre à ceux qui le veulent de le croire. Mais, en revanche, ce que vous n’avez pas le droit d’occulter, car il s’agit là du sort des pays limitrophes de la Méditerranée, et donc de la France, c’est à qui vous vendez les matériels militaires et, surtout, les réacteurs nucléaires.
Le Président Bouteflika dans un mouvement qui a consterné le Maroc voisin, a augmenté d’une manière faramineuse les budgets militaires de l'Algérie. En 2006, il a signé un contrat de 7.5 milliards de dollars avec la Russie qui modernisera l’aviation algérienne en la dotant des derniers modèles de MIG et de Soukhoï (chasseurs-bombardiers). L’Algérie est menacée ? Pourquoi des bombardiers ?
Le peuple français ne le sait pas mais vous,vous le savez : l’Algérie entretient un programme nucléaire militaire depuis de très longues années. Il a été conçu dès l’origine avec un but militaire clair et ce pays continue de s'équiper des installations nécessaires pour effectuer toutes les activités liées au cycle complet pour obtenir le plutonium de catégorie militaire, ce qui constitue un élément principal dans tout programme nucléaire militaire.
Le programme nucléaire militaire de l'Algérie, centré sur le réacteur nucléaire d'El Salam à 250km au sud d'Alger a été longtemps caché au monde. Et quand les inspecteurs de l'Agence Internationale de l'Energie Atomique ont visité le site, ils ont découvert des matériaux non déclarés comme trois kilogrammes d'uranium fortement enrichi, plusieurs litres d'eau lourde et des plaquettes d’uranium. Et pour faire plaisir à la France, sans doute, l’Algérie utilise les emplacements souterrains qui lui ont servi pour faire ses expériences militaires à la fin des années 50 et au début des années 60… De plus, Monsieur Bouteflika est un défenseur vigoureux du programme nucléaire iranien.
Monsieur Bouteflika que vous acceptez de dédouaner après les propos antisémites qui vous étaient adressés par un de ses ministres et qui, nonobstant ce qu’il vous a dit en français à ce sujet, avait indiqué clairement en arabe quelques jours auparavant que les remarques du ministre engageaient le régime. Pour faire bonne mesure, ses adjoints ont fait savoir que le chanteur Enrico Macias, un de vos amis… ne devait pas se joindre à la délégation française. Et vous ne trouvez rien de mieux à faire à Constantine que de rendre équivalents deux termes (islamophobie et antisémitisme) qui n’ont rien de commun. Mais le propos est remarqué et apprécié.
Monsieur le Président,
Si seuls les contrats (somme toute, pas exorbitants) justifient votre attitude vis-à-vis d’un clown ancien terroriste ou d’un président qui en 1983 a été convaincu d’avoir détourné environ 900.000 dollars pendant sa carrière diplomatique tout en échappant à une condamnation (grâce à une amnistie du Président Chadli Ben Jedid sous la condition d’un exile pendant six ans) alors pourquoi l’ostracisme vis-à-vis de l’Iran ? Au moins quand les mollahs passent des commandes aux Russes, c’est par centaines d’avions militaires qu’ils le font, et ils savent pourquoi.
Une étude d’un «think tank» américain (Institute for Strategic and International Studies) esquisse les effets d’une guerre entre l’Iran et Israël, quelque part entre 2010 et 2020, au moment où l’Iran disposera de, mettons, 30 ogives nucléaires d’une puissance de 100 kilotonnes de TNT. Deux hypothèses sont étudiées : les missiles iraniens n’arriveront pas en Israël (défense anti-missiles existante déjà aujourd’hui) mais la Syrie utilisera son arsenal chimique et bactériologique. Les victimes seraient 28 millions d’iraniens, 18 millions de syriens et 800.000 israéliens (même pas tous juifs …). Remarquez bien, seule la date est hypothétique nonobstant les dernières tentatives visant à minimiser le danger constitué par l’Iran. Entre autres la réunion d’Annapolis qui, selon ses initiateurs américains, a donné la possibilité de réunir les pays arabes «modérés» désireux de s’opposer aux tentations hégémoniques iraniennes qui s’appuieraient sur la possession d’une bombe atomique. Et voilà, quelques jours après, le modéré roi d’Arabie Saoudite, que vous avez aussi reçu à Paris il y a quelques semaines, arrivait souriant, en tenant par la main M. Ahmedinejad à une rencontre des pays du Golfe :
Alors, les 3,5 milliards de dollars rapportés d’Algérie, comparés même avec le programme d’investissements algérien de 143 Milliards pendant les quelques années à venir, cela vraiment prête à sourire. Et on parle de dollars pas d’euros !
Qu’il n’y ait pas de malentendu cependant. En votant pour vous, on pouvait dire que si vous alliez faire la moitié du tiers du quart de ce que vous annonciez, cela valait la peine car la France n’en pouvait mais. Deux espérances se faisaient jour : au plan intérieur, faire sauter les verrous qui empêchent notre pays de suivre la voie de tous ceux qui se développent, et faire retrouver à la France une place de choix sur le plan mondial qui tournerait le dos à tout ce que ce pays avait fait de compromis et de compromissions avec des dictateurs sanguinaires en Afrique, au Proche-Orient ou ailleurs.
Monsieur le Président, c’est vrai que votre mandat finira en 2012 mais… on est loin de la moitié du tiers du quart…
©Michel Poirier pour LibertyVox