Nouveau concept trouvant sa place dans toutes les chancelleries, du State Department au Quai d’Orsay, de Bruxelles à Moscou, suggéré avec doigté mais avec force à Israël : ne rien décider d’une manière unilatérale, négociez ! Naturellement, l’absence d’interlocuteur pour négocier n’a pas l’air d’impressionner grand’monde. Méthode Coué aidant, on veut se convaincre et convaincre Israël que Mahmoud Abbas est la bonne porte à laquelle il faut frapper. On appelle ce détachement de la réalité du surréalisme.
Unilatéralisme ? Toutes les décisions touchant à la survie d’Israël, depuis sa création, ont été unilatérales. La Déclaration d’Indépendance de Ben Gurion a été faite à l’encontre de la demande du State Department qui souhaitait qu’elle fût reportée. La guerre de 56 (bien qu’en association avec la France et l’Angleterre) a été une décision unilatérale. La guerre de 67, nonobstant l’avertissement du Général de Gaulle, a été une décision unilatérale. Et celle conduisant à l’occupation du Sud du Liban aussi. Et la négociation d’Oslo (avec ses conséquences plus que négatives) aussi. Et la marginalisation d’un assassin corrompu (Y. Arafat) aussi, à l’encontre de la volonté de la France qui lui a assuré des funérailles de chef d’état. Et le départ de Gaza aussi.
C’est vrai, chaque fois, Israël a dû payer un prix fort pour ne pas avoir suivi les conseils de ses amis ou qui se déclaraient tels. En 48 elle a dû accepter l’aide du bloc soviétique pour s’armer car l’Angleterre était du côté arabe et l’Amérique avait conseillé le report de la Déclaration d’Indépendance. En 56, suite à l’ignoble lâchage par la France et l’Angleterre, elle a dû arrêter la guerre devant la menace nucléaire de la Russie et celle, non moins sérieuse, de l’Amérique. En 1967, la France a mis Israël sous embargo pour tous les armements et ce n’est que 35 ans après (quand l’industrie française de l’armement comprenait la richesse israélienne en la matière et entendait y trouver une nouvelle source pour des produits exceptionnels – exemple – les drones) que le cours des choses a changé.
Et cela recommence. De quoi parle-t-on réellement ? La guerre d’Indépendance s’est terminée par des Accords d’Armistice : les fameuses frontières (qui ne l’étaient pas) datent d’avant la guerre de 67. Mais ces frontières n’étaient pas reconnues en tant que telles car les Pays arabes n’ont voulu les reconnaître que comme des lignes d’armistice. Et la guerre de 67 s’est terminée, elle, par le triple NON de Khartoum (non à la reconnaissance d’Israël, non aux négociations, non à la paix). Pourtant, la fameuse résolution de l’ONU 242 demandait l’établissement, par la négociation, de « frontières sures et reconnues » tout en réclamant le retrait d’Israël d’une partie des territoires occupés (selon la version anglaise). Depuis 1967 Israël a tenté par tous les moyens de négocier.
La position traditionnelle des Arabes sur les territoires occupés en 1967 était, cependant, qu'il n'y avait aucun besoin de négociations, de dialogue ou de reconnaissance diplomatique. Ils demandaient que Israël se retire du Sinaï, les hauteurs du Golan, de la Cisjordanie et du Gaza, mettant en application la résolution 242 du Conseil de sécurité de l'ONU (sans pour cela « négocier »). Pendant ce temps, Israël acceptant les vertus de la négociation prônée par la Communauté Internationale demandait des négociations. C'est comment cela que l’on est arrivé à la formule « la terre contre la paix ».
Elle a réussi avec l’Egypte (à laquelle elle a rendu, pour une deuxième fois, le Sinaï) et avec la Jordanie. Anouar Sadat est venu à Jérusalem et a obtenu le Sinaï. La Syrie a refusé les discussions de paix et a perdu le Golan. Jusqu’à leur dernière initiative (Arabie Saoudite – Beyrouth 2002) demandant comme condition de la reconnaissance d’Israël le retrait sur les frontières d’avant 67. Non pas une négociation mais une demande impérative valant création de frontières pour le futur éventuel Etat palestinien (dont les pays arabes n’en ont pas voulu depuis la décision de partage de l’ONU en 1947).
Résumons : Israël ne doit pas se retirer de la Cisjordanie d’une manière unilatérale, elle doit négocier cela avec des partenaires palestiniens.
Mais on se retrouve ainsi devant deux incompatibilités : (a) comment et quoi négocier avec soit une autorité (Mahmoud Abbas) qui n’a aucun pouvoir soit (b) avec une autre, qui dispose d’un pouvoir établi par les urnes mais dont l’objectif clair, affiché, maintes fois répété et celui de la destruction totale d’Israël pour établir un Etat palestinien de « la rive à la mer » (du Jourdain à la Méditerranée) ?
Devant cette double incompatibilité Israël a choisi de se séparer, d’une manière unilatérale, des palestiniens. Et on entend maintenant des rives du Potomac jusqu’aux bords de la Seine, qu’il faut négocier. Et les pays arabes, oubliant le passé et leur volonté d’imposer, d’une manière unilatérale, des frontières à Israël se joignent au cœur des tricheurs de tout acabit pour réclamer la négociation … La communauté internationale les soutient comme elle a toujours soutenu les demandes arabes contre Israël.
Trop tard. Les décisions actuelles d’Israël sont dictées par sa conviction selon laquelle, qu’il s’agisse du Fatah ou du Hamas, aucun des deux représentants du peuple palestinien n’ont en vue pour l’avenir prévisible le souhait d’établir un état à côté d’Israël. La démonstration est d’une simplicité biblique ( !?) : s’ils l’avaient voulu, depuis 48, depuis 73 (accords égypto-israéliens) depuis 93 (Oslo), depuis 2000 (Camp David) les occasions ont été multiples, on ne peut pas mettre sur le compte du hasard ou de la mauvaise tactique le fait de ne pas en avoir saisi aucune. Ce qui est clair c’est qu’ils veulent un état, un seulement, incluant Israël actuel.
Dès lors il est illusoire de penser qu’un accord global pourra intervenir l’espace d’une ou deux générations supplémentaires. Et comme, du point de vue stratégique Gaza et la Cisjordanie ne représentent plus un grand atout devant une très improbable guerre lancée par un pays arabe « du front » la décision de séparation unilatérale prise par Ariel Sharon pour Gaza et reconduite par Ehud Olmert pour la Cisjordanie découle d’une logique impeccable. Pour la contester il faudrait soit n’avoir rien compris à ce qui se passe au Proche Orient, soit être de la plus parfaite mauvaise foi, le cumul n’étant pas interdit.
Et voilà que maintenant Israël est en train de se plier à ce que les arabes demandent depuis 67 : quitter les (ou des) territoires occupés sans rien demander ou obtenir en échange. Naturellement, les arabes demandent dès lors une négociation (sur quoi ? avec qui ? pourquoi faire ?) et la communauté internationale qui n’est pas à une inconséquence près, les soutient !
Résumons : Israël veut se retirer de certains territoires occupés en 67, les arabes, les palestiniens et la communauté internationale lui demandent de ne pas le faire. Vous avez dit absurde ? Surréaliste ?
La seule conclusion qui s’impose est que « la terre contre la paix » est une formule vide de sens. Et que rien ne se passera jusqu’au moment ou des générations futures de palestiniens auront compris qu’entre la misère et la terreur qui est leur lot depuis 6à ans et la possibilité de s’émanciper à côté d’un état développé, le choix devrait être évident. Vaste programme …