Selon des sources diplomatiques, en marge du sommet de Helsinki, J. Chirac aurait demandé à G. Bush « Pensez-vous qu’Israël pourrait attaquer l’Iran pour l’empêcher d’acquérir la bombe ? » ce à quoi il a eu comme réponse « on ne peut pas éliminer cette possibilité et si elle devait se réaliser, je le comprendrai »
L’on se souvient que l’année dernière notre Président avait menacé d’une riposte nucléaire tout pays qui aurait utilisé contre la France de moyens de terrorisme de masse. Passons sur le fait qu’à l’aune de cette menace Israël aurait du faire disparaître plusieurs pays …
La dissuasion nucléaire -doctrine militaire de base de la France- a été érigée au rang de dogme par les pays qui, disposant d’un arsenal nucléaire, se sont engagés à ne pas utiliser les premiers les armes de destruction massive. Dans l’équilibre de la terreur, chaque camp comptait sur la rationalité du processus de prise de décision de l’autre y compris en excluant une approche suicidaire. Le drame qui se prépare et auquel nous sommes conviés d’assister comporte, cependant, un changement majeur : l’Iran semble se comporter d’une manière irrationnelle.
Ce pays proteste de sa bonne foi et de son désir d’obtenir uniquement la maîtrise du cycle de combustible nucléaire. Mais cela après avoir caché pendant une vingtaine d’années un programme nucléaire que tout semble désigner comme militaire. Ensuite il se dote de vecteurs à longue distance et, pour des raisons politiques qui tiennent surtout à la rivalité des factions musulmanes, réclame et promet, plusieurs fois par mois la disparition d’Israël. Courant octobre, à la parade destinée à rappeler que Jérusalem est une ville musulmane, son président a conseillé aux pays européens « d’abandonner Israël sans quoi la colère des peuples musulmans risquerait de leur être fatale à eux qui ne sont pas tellement éloignés géographiquement du théâtre des opérations ».
On peut convenir qu’il s’agit d’une approche pour le moins irrationnelle : si on veut détruire un pays et si l’on veut se doter des moyens nécessaires on ne comprends pas pourquoi cela doit être clamé haut et fort, urbi et orbi. Car la moindre des choses, pour le pays menacé, est de se préparer à la riposte et pour la « communauté internationale » -qui ne semble pas vouloir d’un Iran nucléaire- c’est d’utiliser tous moyens possibles pour lui interdire de le devenir.
La situation d’Israël n’est pas simple. Voilà presque soixante ans depuis que des pays arabes ont souhaité sa disparition et lui ont porté la guerre à répétition. Voilà aussi que pour une durée équivalente ni les Nations Unies, ni L’Europe, ni la Chine ou la Russie ne lui ont apporté du réconfort. Le fait est que la majorité des pays qui comptent dans la communauté internationale ne bougeront le plus petit doigt pour empêcher l’Iran, une fois la bombe obtenue, d’arriver à ses buts. Ni ne verseront de larmes sur le sort d’encore six millions de juifs après qu’un nombre égal a été annihilé par la barbarie européenne.
Il n’est pas difficile de conclure que du point de vue d’Israël, pays crédité d’un arsenal nucléaire, il ne peut y avoir question d’une approche dissuasive. Premièrement parce que tout en disposant, probablement, d’une option « deuxième frappe » le pays (28.000 km²) sera anéanti si d’aventure une bombe est lâchée sur lui. La bombe de Hiroshima (puissance équivalente à 14.000 tonnes de TNT) a tué instantanément 140.000 personnes et a détruit (onde de choc, effet thermique, impulsion électromagnétique, radiations) toute forme de vie dans un cercle de 100 km de rayon. La géographie d’Israël est telle qu’une bombe larguée sur Tel Aviv détruirait toute forme de vie jusqu’à Beyrouth et Amman si sa puissance dépasse les 20.000 ou 30.000 tonnes de TNT (valeurs courantes pour ceux qui ont réussi à les fabriquer).
La deuxième raison de la difficulté pour Israël vient de l’irrationalité de l’agresseur présumé. En effet, les plus hauts dirigeants de l’Iran ne cachent pas leur volonté de sacrifier jusqu’à la moitié de leur population pour pouvoir détruire, une fois pour toutes, Israël. A partir du moment où une approche suicidaire est possible toute approche rationnelle devient impossible. Et la dissuasion n’est plus de mise.
Pendant de très longues années Israël s’est efforcé de convaincre la communauté internationale que les guerres qui lui étaient portées n’avaient rien à voir avec un conflit territorial classique. Mais qu’il s’agissait (il s’agit) d’un conflit à caractère existentiel dans la mesure où le monde musulman ne peut pas accepter qu’une parcelle de la terre de l’oumma se trouve entre les mains d’infidèles fussent-ils juifs et à ce titre des gens du Livre. Elle n’a réussi à convaincre personne et s’est faite imposer la formule « la paix contre les territoires » pour régler le conflit avec les palestiniens. La sortie du Liban en 2000 (et la transformation du Sud de ce pays en place forte pour les supplétifs de l’Iran), la sortie de Gaza en 2005 (et la transformation de ce territoire en « Hamastan » rappelant furieusement l’Afghanistan des talibans, l’agression caractérisée du Hezbollah en juillet 2006 (et le retour au status quo ante après l’arrêt de la guerre imposé par la communauté internationale sont autant de preuves pour justifier la position d’Israël. Ces essais répétés (qui traumatisent un peuple qui se voit refuser le droit à une existence propre dans un état de dimensions lilliputiennes) supposaient aussi qu’en se retirant sur des frontières reconnues internationalement, des forces « multilatérales » allaient les défendre pour empêcher toute nouvelle guerre lancée par des ennemis irréductibles. C’est ainsi qu’Israël a accepté que la frontière entre Gaza et l’Egypte soit contrôlée par ce pays et que sa frontière Nord avec le Liban soit contrôlée par des Casques Bleus essentiellement venant d’Europe. Les résultats ne se sont pas faits attendre : Gaza est devenue un dépôt d’armes, munitions et explosifs sans équivalent dans la région et les troupes de l’ONU (en oubliant les résolutions 1559 et 1701 qui, les deux, prévoient le désarmement du Hezbollah) avec la France en tête, menacent Israël de tirer sur ses avions qui survolent le Liban (pour démontrer que les livraisons d’armes de l’Iran via la Syrie ne se sont pas arrêtées).
Il n’échappe à personne, cependant, que l’acteur principal de ce qui se trame autour d’Israël est l’Iran et sa volonté affichée de rayer ce pays de la carte. Et l’alternative devant laquelle se trouve Israël est claire : se voir détruite par des guerres d’usure (Le Liban et Gaza étant les deux têtes de ponts de l’Iran) ou attendre à être détruite par la bombe iranienne.
Les garants de l’ordre mondial ne semblent pas être affectés outre mesure par les ambitions de l’Iran. L’Europe a, cependant, pris sur soi de démontrer qu’une politique de la main tendue privilégiant le dialogue peut apporter le résultat escompté, arrêter la course de l’Iran vers la bombe.
Pourtant, l'Iran ne s’est pas gêné de traiter la « troïka » européenne (et son ineffable « Haut Représentant) comme la communauté internationale comme on traite des idiots. L’Europe a négocié pendant des années et quand elle pensait voir le bout du tunnel, les iraniens changeaient de sujet tout en réaffirmant leur disponibilité pour de nouvelles négociations. Pendant ce temps (six longues années) l’Iran a pu faire des progrès remarquables sur la voie qu’il s’est choisie. En déclarant à Moscou, en présence de V. Poutine, « qu’Israël ne peut se permettre le luxe de vivre avec un Iran qui à la bombe » le Premier Ministre d’Israël a clarifié pour le monde entier ce qui ne manquait pas de clarté : il n’y a rien à négocier avec quelqu’un qui veut votre mort et qui vous le fait savoir.
En laissant de côté la Chine (dont la nonchalance condamnable vis-à-vis des problèmes du monde n’a d’explication que sa volonté de réussir sa transformation de pays arriéré en premier pays du monde -elle représente déjà par son PNB environ 15 % de celui du monde entier) deux pays permettent à l’Iran de faire ce qu’il souhaite faire. La France, dont les intérêts géopolitiques depuis De Gaulle, l’ont amenée à devenir le champion européen du partenariat avec le monde musulman. Aujourd’hui, pour ce qui est de l’Iran, les investissements sociétés françaises dans ce pays représentent plus de 25 % du total d’environ 25 milliards de $ investis ces dernières années pour moderniser son industrie pétrolière et gazière. Tout comme dans la production de voitures ou, dernièrement, dans les télécommunications. On voit mal la France prendre une attitude ferme vis-à-vis des intentions de l’Iran, surtout pour défendre Israël. Quant à la Russie (dont certaines armes se sont retrouvées dans la dotation du Hezbollah qui les a utilisées contre Israël) elle participe, avec profit, à l’effort nucléaire iranien par la construction du réacteur de Bushehr. Et en même temps elle fourni à ce pays des moyens ultramodernes pour « défendre » ses sites sensibles contre des attaques éventuelles. Un contrat signé en 2005 pour lequel les livraisons doivent commencer incessamment, couvre la fourniture de 29 systèmes de missiles montés sur des véhicules, chacun pouvant suivre 50 cibles jusqu’à 50 km de distance et les détruire avec une probabilité de succès de 95 %. En attendant l’installation des systèmes de radars trans-horizon fournis par l’Ukraine (?!) et qui peuvent détecter des cibles se situant à plus de 700 km. Autant des choses pour rendre la vie difficile à tout un chacun qui voudrait arrêter la marche de l’Iran vers la bombe.
L’Iran veut détruire Israël, la dissuasion n’est pas opérante, les pays qui assurent la paix du monde n’ont que faire des angoisses existentielles d’Israël. Sauf, peut-être, l’Amérique de George Bush.
Que doit faire Israël ? C'est le cœur du dilemme de ce pays et il est le seul à pouvoir y faire face. Hors d’une première frappe préventive il ne semble pas qu’il y ait d’autre solution. Si quelqu’un essaye de vous rayer de la carte, la raison vous commande de l’empêcher de le faire. C’est sans doute ce qu’a compris J. Chirac et c’est ce qui l’a fait poser sa question à George Bush.