On s’est habitué (depuis Chateaubriand, Banville ou Goncourt) à appeler l’Angleterre « Perfide Albion ». On résumait ainsi non seulement la capacité de ce pays de dire une chose et de faire une autre mais aussi, mais surtout, la posture amicale qui se transformait, le cas échéant, en trahison.
Rien ne sied mieux à l’Europe que de reprendre ce surnom tant sa perfidie dépasse ce que l’on pouvait imaginer comme bornes. Jugez-en.
Depuis Atatürk
Voilà maintenant qu’une élection présidentielle est en cours et que par un jeu de chaises musicales on essaye d’installer comme président de la république, l’associé (l’alter ego) du chef du gouvernement qui a été le concepteur de la prise de pouvoir il y a quelques années. Si la manœuvre réussit, le trois leviers du pouvoir (présidence de la république, chef du gouvernement, majorité parlementaire) se trouveront entre les mains d’un parti islamique décrété « modéré » par ceux qui prônent l’apaisement dès qu’il s’agit de l’islam. Mais il y a un hic : l’armée turque vient de mettre en garde les instances politiques (et le peuple turc en même temps) que le pays doit rester laïque. L’Europe, en oubliant le passé, demande à l’armée turque de ne pas se mêler du processus démocratique des institutions turques. En clair, elle demande au garant de la laïcité de ne pas s’opposer à l’instauration d’un régime islamique (fût-il modéré selon certains). Entre deux maux (l’armée garant de la laïcité et arrivée au pouvoir d’un régime entièrement islamique), l’Europe a choisi. Comme pour le Hamas arrivé au pouvoir dans les territoires de l’Autorité Palestinienne et qu’avec d’autres contorsions, elle veut blanchir de ses pêchés (terrorisme, application de la charia, droits des femmes, etc., etc.,) pour pouvoir lui verser, directement, son obole (plus d’un milliard d’euros en 2006 …).
La perfidie de l’Europe ? Première à s’émouvoir quand « les masses islamiques » sont humiliées par les méchants de ce monde (pour simplifier Israël et les Etats-Unis) elle n’a rien à dire quand 1 Million de turcs se réunissent à Istanbul pour défendre la laïcité de leur état. La conclusion n’est pas difficile à tirer : si l’Europe n’a pas eu le courage d’inscrire sur le frontispice de sa constitution qu’elle est le résultat de deux millénaires de développement fondé sur le système de valeurs judéo-chrétien, c’est d’évidence parce qu’elle ne se préparé pas à rejeter l’état islamique qui progresse en Turquie.
Ce n’est pas tout, l’actualité est riche en exemples. L’ineffable J. Solana vient de demander aux Etats-Unis d’entreprendre des négociations directes avec l’Iran. Voilà six longues années depuis que la troïka européenne assistée ou dirigée (c’est selon) du même Solana, palabre avec l’Iran pour arrêter sa course vers l’armement nucléaire. Pendant ces six années l’Europe n’a rien obtenu mais a permis à l’Iran de faire des progrès sensibles vers le but qui est le sien. Curieusement, on oublie que l’Europe a demandé il y a six ans aux Etats-Unis de la laisser mener les discussions, confiante comme elle était dans les vertus du dialogue. Six années d’une longue pantalonnade se terminent par une sorte d’injection adressée aux Etats-Unis qui « doivent » entreprendre des discussions directes avec l’Iran. Mais alors, à quoi ont-ils servis ces six ans ? Uniquement à interdire aux Etats-Unis d’entamer un processus d’application de sanctions sévères, processus qui pouvait être mis en place à un moment où les oppositions russe et chinoise n’étaient pas encore substantielles. Car le prix du pétrole ne se trouvait pas au niveau d’aujourd’hui (qui permet à
La perfidie de l’Europe ? Allié objectif de l’Iran, finançant une partie des besoins de ce pays (un total de 25 Milliards d’euros dont la plus grande partie revient à l’Allemagne pacifiste), l’Europe n’a en réalité rien fait pour arrêter l’Iran dans sa course vers l’arme nucléaire. Le ridicule ne tuant plus, elle exige maintenant, quand la preuve de son incapacité d’obtenir quoi que ce soit de l’Iran a été apportée, que les Etats-Unis entreprennent des négociations directes avec un pays voyou, sponsor de tous les mouvements terroristes du monde (
On devrait dire, avec Cicérone, ô tempora ! ô mores ! tout en se souvenant que la perfidie de l’Europe n’a d’autre explication que la dominance de l’esprit d’apaisement qui perdure depuis presque 70 ans. Et dire, comme Daladier en rentrant de Munich "oh les c…s " !