Le mémoire de C. me rappelle opportunément le fameux 614ème commandement (après les 613 « mitzvot » compilées par Maimonide) du philosophe allemand E.L.Fackenheim : « il est interdit aux juifs d’accorder à Hitler une victoire posthume »
Ce rappel est particulièrement bien venu par ces temps pendant lesquels on s’occupe des infirmières bulgares (tant mieux) mais pas des soldats israéliens kidnappés ; quand on invite à Paris une organisation (baptisée « parti politique ») dont le but affiché (et combien de fois pratiquement démontré) est la destruction de « l’entité sioniste » ; quand on cajole la Syrie (pour la faire se détacher du sponsor du terrorisme, l’Iran) en oubliant les morts français que l’on lui doit. Quand on récompense un état prouvé terroriste (Lockerby), preneur d’otages (infirmières bulgares) proférant des accusations dont des scientifiques de renom (Montagnier) démontrent l’absurdité, en lui accordant « un certificat de bonne conduite pour son retour parmi la famille mondiale » tout en oubliant le passé. Et derrière tout cela, quelques puissent être le professions de foi et les sourires des uns ou des autres il n’y a qu’un seul but : faire rendre gorge à Israël pour satisfaire le monde arabe.
Certes, il y a la vue de ceux qui disent, pour illustrer la marginalité du conflit arabo-israélien (J.Wolfensohn, ancien Délégué du Quartette pour le Proche Orient), « pendant les quatre dernières années, la guerre entre Israël, les Palestiniens et/ou le Hezbollah a coûté à la communauté internationale -y compris les dépenses militaires - quelque chose entre 10 et $20 milliards de $. La guerre en Irak a coûté $600 milliards. La guerre en Afghanistan a coûté entre 50 milliards et 100 milliards $. Il y a une menace nucléaire en Iran, il y a l'issue de la Syrie et du Liban. De plus, la population arabe va probablement doubler d’ici 10 à 15 ans. Ainsi au lieu de 350 millions, il y en aura 700 millions. Israël, pendant le même laps de temps peut se développer de six millions à huit millions ou peut-être neuf millions». Pas besoin d’explications complémentaires pour comprendre que dans l’esprit de certains la cause de juifs est entendue. Et pas besoin d’Ahmadinejad pour accélérer ce qui paraît une implacable issue.
Mais voilà que s’étant chargé d’une mission à la mesure de ses talents, Tony Blair arrive au Proche Orient compliqué avec des idées simples. Fort de son succès pour arrêter le conflit irlandais, il est convaincu que les mêmes recettes produiront les mêmes résultats. Naturellement, tout le monde lui accorde le bénéfice du doute et le soutien. Sauf les Russes (qui veulent continuer à vendre des armes aux Syriens et à l’Iran), sauf J. Solana (qui voit son « territoire » se rapetisser), sauf la France (qui est prête à passer Israël par pertes et profits pourvu qu’elle sauve le Liban et sa politique arabe). Sauf les Etats-Unis (à la recherche de n’importe quoi qui pourrait aider la « pauvres palestiniens » pour atténuer ainsi la haine de monde arabe à son encontre). Sauf le gouvernement de sa Gracieuse Majesté (qui, par la bouche de son ministre des affaires étrangères prend des positions incompatibles avec la survie d’Israël). Cela fait beaucoup de monde … mais, croyant comme il est, à peine ayant obtenu une bénédiction papale, Tony Blair n’a que faire des oppositions des uns ou des autres. Tant mieux, il connaît peut-être le 614ème commandement de Fackenheim, il pourra aider Israël se l’imposer. La seule chose qui ne semble pas effleurer l’esprit de Tony Blair (ou qui sait …) c’est que les palestiniens ne sont pas des irlandais et que Londonderry n’a jamais prôné la destruction de l’Albion fût-il perfide.
La voie choisie (pas seulement par lui) est celle de l’aide (sous toutes les formes possibles) au Fatah et à Mahmoud Abbas. Oublié les justifications de la victoire du Hamas (« le Fatah est corrompu »), oublié les discours incendiaires (en arabe …) de M. Abbas sur le droit au retour des « réfugiés palestiniens dans leurs maisons », oublié le gouvernement d’union nationale (que M. Abbas a accordé au Hamas), oublié les promesses « d’une seule armée, d’un seul pouvoir ». On recommence. Et l’argent (de l’Europe surtout) recommence à couler. Et on apprend que les fonds versés par Israël à l’Autorité Palestinienne servent, aussi, à payer le salaire de Y. Hannieh premier ministre du Hamas déposé depuis la séparation de Gaza de la Cisjordanie.
Mais Israël ne fait-elle pas la même chose ? C’est vrai, la frénésie actuelle de la classe politique israélienne qui considère qu’il y a « une fenêtre d’opportunité » pour la paix est curieuse. L’acceptation tacite de l’essentiel de « l’initiative arabe » qui n’est rien autre que « la paix contre la terre » (comme pour Oslo et on vu ce que cela a donné) est plus que troublante. Qu’Israël se prête à la mascarade d’une discussion avec des « représentants du groupe de travail de la Ligue Arabe » qui déclarent haut et fort qu’ils ne représentent pas la Ligue Arabe donne la nausée. Et question rituelle « que faire d’autre ? » Trois mois depuis que l’armée libanaise pilonne un camp de réfugiés (30.000 habitants début mai, quelques centaines aujourd’hui) personne ne tenant le compte des morts et des estropiés. Si Israël, au lieu d’assurer l’eau, l’électricité et le pétrole des populations de Gaza bombardait ce territoire dont la population est pourtant entièrement voué à sa destruction, que dirait-on ?
Deux conceptions s’affrontent aujourd’hui quand il est question du conflit arabo-israélien : conflit marginal et conflit planétaire - source d’inspiration pour tous les mouvements terroristes du monde. Les deux passent les intérêts d’Israël (et de la survie de 6 millions d’israéliens, juifs – cela vous rappelle quelque chose ?) sous silence quand elles ne s’appuient pas sur des formules du genre « la création d’Israël a été une erreur historique » (Michel Rocard).
Que doit faire Israël ? Au Nord deux ennemis implacables (Hezbollah et la Syrie ), les deux stipendiés par l’Iran et ayant comme but la destruction d’Israël. Au Sud, un territoire gouverné par une organisation terroriste qui l’a transformé en mini-Afghanistan. Eh bien, elle essaye de tirer son épingle du jeu, de prolonger son existence en faisant sien le 614ème commandement de Fackenheim.
Réussira-t-elle ? En 2002, Yad Veshem a demandé au philosophe allemand une contribution intitulée « Croire en Dieu et dans l’homme après Auschwitz ». Ensuite il a écrit « en ce moment-là personne ne pouvait imaginer notre situation apocalyptique en Israël, dans les Territoires, au Proche Orient, en Europe, aux Etats-Unis et aux Nations Unies ». Et personne ne l’imagine encore aujourd’hui.