Si j’ai demandé la permission de mettre en ligne le texte d’André Grjébine (Le Monde du 01.12.11) c’est, essentiellement, pour servir d’appui à une démonstration : la crise actuelle pour la France (AG s’occupe principalement de l’Europe) a été la conséquence de plusieurs décennies de gabegie et d’irresponsabilité, plus que celle des déséquilibres financiers (européens et/ou mondiaux). Et tordre, à l’occasion, le cou à des vulgates avec lesquelles les élites de droite ou de gauche lavent nos cerveaux depuis des lustres.
1. Etat providence - une des causes majeures des déséquilibres en Europe est constituée, selon moi, par les contours de l'état providence dans les pays en cause ; quand l'Allemagne s'est rendue à la raison (Schröder, socialiste pourtant) et a instauré un régime drastique pour certains privilèges (indemnités chômage, absence de revenus de « solidarité », âge de la retraite, etc.,) la France et tutti quanti n'ont pas eu le courage de faire de même - la Grèce étant la caricature (retraites, fonctionnaires, corruption généralisée, etc.,) ; une autre cause est la dépense publique (non pas d'investissement mais de fonctionnement), deux pays en Europe ont (avaient) plus de 25% du monde du travail émargeant au budget de l'Etat (la Grèce et la France) et, quand l'Etat coûte 100 chez nous il ne coûte que 80 en Allemagne ; enfin, pour un pays comme la France le déséquilibre marqué "contribution-consommation" de la "diversité" est aussi un élément significatif du déséquilibre financier du pays ; tout cela (et encore plus ...) a conduit, dans notre pays, à la destruction systématique de l'appareil industriel pendant les trente dernières années ayant comme conséquence une absence, de plus en plus grande de création de "valeur ajoutée" et, partant, un déséquilibre systémique (pour l'instant sans retour en arrière visible) des échanges - en laissant de côté la mondialisation.
1. Les choix des pays – en détruisant, systématiquement, son appareil industriel la France (ceux qui l’ont gouverné, de gauche comme de droite) a cru pouvoir remplacer ses activités industrielles par celles de « services ». L'industrie se caractérise par la fabrication d'objets en "trois dimensions" tandis que les services produisent des objets en "deux dimensions" - une machine-outil fabriquée en Allemagne sera toujours fabriquée uniquement là-bas (sauf des accords de fabrication sous licence - très rares, sinon inexistants, pour ce pays) tandis qu'un "logiciel" crée par Cap-Gemini (par exemple) se multiplie par « copié-collé » (Xerox ou moyens numériques) et sa valeur ajoutée tend à zéro (selon le père Marx, "le temps socialement nécessaire" pour créer le support service tend vers zéro tandis que pour la machine-outil il reste toujours le même – en exagérant un peu) - bref, c'est parce que la France a détruit son appareil industriel qu'elle a cru pouvoir le remplacer par des services - mais qui emploient de moins en moins de force de travail de plus en plus qualifiée ce qui a comme conséquence la sortie de millions de personnes du champ actif (créateur de valeur) pour les retrouver dans le champ passif (absorbant les "douceurs" de l'état providence) mouvement accéléré par la durée de vie croissante et les idioties du genre retraite à 60 ans et/ou 35 heures. Mais on a inventé "le service aux personnes" qui n'est que du chômage déguisé ...
Les choix de la France ont été particulièrement ruineux : depuis la dernière guerre, un régime « colbertien » (capitalisme d’état) a maîtrisé les destins du pays. Des élites, toutes sorties du même moule, ont présidé aux aventures ruineuses qu’ont été Les Abattoirs de la Villette (des milliards de Francs), le Concorde (des dizaines de milliards de Francs) ou, d’une certaine manière, la « force de frappe nucléaire ». Cette force de frappe a couté, en dépenses d’équipement uniquement, une moyenne annuelle de 3 Milliards d’euros (constants) soit depuis la fin de « l’empire du mal » (Union Soviétique, 1989 "ennemi principal le plus probable") quelques 60 Milliards d’euros. Si l’on ajoute les dépenses d’entretien et de fonctionnement on peut multiplier par deux ce montant. Depuis la création de l’euro les dépenses de la France à ce titre ont dépassé 60 Milliards d’euros. Certes, le pays dispose de quelques 350 têtes nucléaires ce qui fait un équivalent de 47 Millions de tonnes de TNT suffisantes pour faire (à l’aune de Hiroshima) entre 700 et 900 millions de morts …
Et comme la folie prospère quand elle n’est pas traitée, on a ajouté le Rafale : commencées en 1980, les études et le développement ont coûté env. 10 Milliards d’euros ; entré en service en 2004, sur la base d’un programme de fabrication de 286 avions le coût unitaire est estimé à 140 Millions d’euros MAIS, comme aucun pays n’a jugé l’avion (pourtant un des meilleurs sinon le meilleur dans sa catégorie) digne d’être commandé, l’état français s’est engagé à acheter à Dassault 180 appareils (jusqu’en 2020) et si l’on sait que le prix d’un avion est multiplié par dix pendant sa durée de service (30/40 ans) faites le compte : l’état supportera, au moins jusqu’en 2020, des dépenses cumulées de l’ordre de 250 à 300 Milliards d’euros ! Certes, les Rafales ont été utilisés en Libye : coût horaire env. 50.000 € (sans compter le porte-avions Charles de Gaulle) et comme ils ont fait 1900 sorties (armée de l’air et marine) et environ 6000 heures de vol, en voilà pour 300 Millions d’euros. Le maintien d’une force de frappe nucléaire a-t-il été justifié quand les Etats Unis avaient déployé sur toute l’Europe un « parapluie nucléaire » ? Probablement pas mais … la grandeur de la France demandait (demande) le maintien du nucléaire militaire qui ne servira, probablement, jamais, à rien. N’empêche qu’à raison d’environ 7 Milliards d’euros annuellement, la force de frappe a coûté au pays 70 Milliards d’euros rien que depuis la création de l’euro …
Heureusement, la France s’est dotée d’un « nucléaire civil » : une soixantaine de centrales d’un âge moyen de 25 ans fournissent (chiffres publiés en 2009) 86 % de l’énergie électrique consommée par le pays et rendent la facture « pétrole » supportable (l’équivalent pétrole du nucléaire dépasse 100 millions de tonnes …). Naturellement, puisqu’il ne s’agit pas d’une folie … il faut arrêter le nucléaire civil - la gauche poussée par les écologistes veut faire sortir la France du nucléaire. Sous un triple prétexte fallacieux : le danger (Fukushima) en occultant le fait qu’il s’agit là de centrales d’un type ancien (eau bouillante) réputées moins fiables que celles à eau sous pression (toutes les centrales françaises), la possibilité de remplacer le nucléaire par des énergies renouvelables (10% de l’électricité de la France sont déjà obtenus via l’hydraulique et il n’y a pas de site encore économiquement aménageable …) et la création de centaines de milliers d’emplois y relatifs (comme pour les 35 heures …). Et ce qui est incompréhensible c’est que les chiffres utilisés par les politiques (de gauche surtout mais de droite aussi, c’est dire) sont faux : vous entendez tous les jours dire que 75% de l’énergie électrique vient du nucléaire, non, ce n’est pas vrai, le chiffre (donnés publiées en 2009) est 86,3% !
1. Les cigales et les fourmis – la germanophobie apparaît, à fleur de peau, dès que l’on ose comparer ce qui s’est passé en France avec ce qui a été fait en Allemagne pendant la dernière décennie. A vol d’oiseau, regardons quelques chiffres. En 2010 l'excèdent commercial allemand fut de 174 milliards d'euros, tandis que le déficit commercial de la France fut de 55 milliards d'euros. Comment expliquer cet écart ? En effet, auparavant la France avait un excèdent commercial très important: de 20,7 milliards d'euros en 1998. Le fait est que depuis 1999, et surtout depuis la fin mai 2004 - avec l'intégration de des pays de l'Est dans l'UE - l'Allemagne a pratiqué la sous-traitance pour des pièces avec les pays de l'Est où les coûts de production sont très faibles. Puis, ces pièces, sont assemblés en Allemagne. Les cerveaux d’acier qui nous ont dirigé ont choisi, eux, les délocalisations … avec une double conséquence : des déficits commerciaux croissants et un chômage qui atteigne des sommets, surtout, pour les « sans qualification » se recrutant principalement dans la « diversité ».
Allons plus loin : l’excédent commercial de l’Allemagne avec la zone euro ne dépasse pas 50% de son total. Autrement dit, rendre l’Allemagne responsable des déficits de pays comme la France est non seulement inexact, c’est absurde. Mais … de toute manière il faut que « les boches payent » … Et peu importe que le solde (bénéficiaire) du commerce allemand avec la France ne dépasse pas 2% de sont excédent commercial … quand il faut « équilibrer les déséquilibres » … on peut faire feu de tout bois, n’est-ce-pas ? Parce que le modèle économique allemand (laissons de côté le modèle social) est ce qu’il est (apprentissage, petites et moyennes entreprises, système bancaire comme principal partenaire de l’industrie, excellence des produits a grande valeur ajoutée – Mercedes, BMW, Audi sont des exemples) que l’export de ce pays fait environ le tiers de l’export de biens de l’Union Européenne. Vous savez quoi ? Depuis la crise l’export allemand a augmenté de 30% pour être aujourd’hui supérieur à celui d’avant la crise … La France aussi exportait beaucoup – fût un temps mais … son modèle économique est différent (pas d’apprentissage, plus d’un million d’enseignants produisant annuellement 100.000 analphabètes et 250.000 individus sans aucun diplôme, étranglement des petites et moyennes entreprises par les grandes dirigées toutes (ou presque) par des anciens serviteurs de l'état, les banques et l’état, productions sans grande valeur ajoutée – que l’on se rappelle les barrières douanières demandées pour « sauver » l’industrie textile). Mais il y a l'Airbus ... en oubliant de dire que la part française n'est que de 30%! Quant à son modèle social (que le monde entier nous envie …) n’en parlons plus : vicié dans son essentiel, vivant à crédit en laissant les dettes aux générations futures. Regardez l’évolution de la dette publique de notre pays (bleu – gouvernement de droite, rose – de gauche) : elle est aujourd’hui de presque 1.700 Milliards d’euros (sans compter les provisions pour les retraites des fonctionnaires) et notre pays s’endette de 5.500 € chaque seconde (pour pouvoir payer ses dettes …) :
1. Les riches et les pauvres – transposé au plan des nations (Europe) on entend dire qu’il ne serait que justice et, partant, une voie de salut, que de demander aux pays excédentaires de renoncer à une partie de ce qu’ils ont accumulé en faveur des pays déficitaires. Et on appelle à la rescousse Keynes qui, en 1946 (Bretton-Woods) affirmant que « l'étalon-or n’était pas un système autorégulateur » proposait, déjà, (comme tous les socialistes ou crypto-socialistes) l'idée maîtresse, vulgate dominante actuellement, "prendre aux riches". (nations qui disposaient de surplus). Les « riches » en Europe, aujourd’hui, sont les allemands. Qu’ils se soient serrés la ceinture pour en devenir, peu nous chaut ! Mais "prendre aux riches pour donner aux pauvres" n'a jamais été une panacée, on le sait depuis les Grecs Anciens (Platon, Socrate, Périclès) ou les Latins (Cicérone) car ce que cela fait c'est d'avoir des riches un peu plus pauvres mais pas de pauvres un peu plus riches ... La France (mais pas seulement elle) s'est "gavée" pendant les 10 dernières années à l'abri du parapluie qui s'appelle euro (auparavant, entre 1948 et 2003 elle a connu 6 dévaluations ...) mais qui n'est, en réalité, qu'un Deutsche Mark déguisé ... qui, pour des tas de raisons, a mis (ou va mettre) le holà.
Ecoutons Cicéron : « les finances publiques doivent être saines, le budget doit être équilibré, la dette publique doit être réduite, l’arrogance de l’administration doit être combattue et contrôlée, l’aide aux pays étrangers doit être diminuée de peur que Rome ne tombe en faillite. La population doit encore apprendre à travailler au lieu de vivre de l’aide publique ». Il y a plus de deux mille ans … et je ne puis m’empêcher d’utiliser, à répétition cette citation.
En réalité, il n'y a pas de compatibilité possible entre "l'état providence" (ou l’irresponsabilité de gestion) et l'économie de marché. "There are no free lunches, someone has to foot the bill" Pendant des périodes de croissance (surtout après une guerre comme celle de 39/40) on ne s'aperçoit pas de ce qui va arriver si la croissance n'est plus là (là, la mondialisation a été, est, sera néfaste, sans retour possible, pour les pays développés) ou si l'espérance de vie augmente significativement - sur 50 ans, en France, on est passé de 4 actifs pour un retraité à 1,8 actifs pour un retraité (dans le privé) et l'espérance de vie (hommes) de 60 à 78 ans - il ne faut pas sortir de Saint Cyr (comme on dit ...) pour comprendre que maintenir le système de retraite par répartition a été (est) une aberration - et tout à l'avenant.
Alors ? Que faire ? Il me semble que pour des raisons idéologiques (venant de loin, la Révolution … Jean-Jacques Rousseau …) notre pays n’a ni la volonté et de moins en moins la possibilité de s’en sortir. Certes, on peut encore espérer que « les boches paieront » mais s’ils regimbent à le faire notre déclin se lit sur les murs …
Qu’à cela ne tienne, les syndicats majoritaires de la SNCF viennent d’annoncer quatre préavis de grève, un pour chaque week-end, Noël et Nouvel An compris ! La France ? C’est beau, c’est grand, c’est généreux … Et pendant les dix minutes que vous avez mis à lire ce texte … elle s’est endettée d’encore 3.300.000 €.