Confrontée à une guerre d’usure qu’elle pensait avoir gagné, la Russie ne s’en sort pas de ses malheurs caucasiens. Certes, il y a dix ans, Monsieur Poutine promettait de « poursuivre les terroristes tchéchènes jusque dans les chiottes » Et dix ans après, suite à un autre attentat, il utilise le même langage fleuri « C'est maintenant une question d'honneur pour les services de répression de racler les fonds des égouts pour les envoyer au royaume de leur Dieu ». Allusion transparente à la religion des fauteurs de trouble que le paradis d’Allah attend avec 72 vierges pour chacun d’eux. Ou 72 burkas, vu que les deux assassins suicidaires étaient des femmes ... La Russie se trouve dans une phase historique pour le moins difficile. Ayant raté le passage d’une dictature politique fondée sur un système économique absurde vers une organisation démocratique incluant l’économie de marché, d’un côté, subissant le contrecoup des 70 années d’absence d’initiatives des masses, vivant sur la rente pétrolière et gazière (80% de ses exportations, une grande partie du reste étant les armes), d’un autre côté, elle est en train de se dépeupler (154 millions d’habitants au moment de la disparition de l’Union Soviétique, 144 millions aujourd’hui) et voit, d’une manière inexorable augmenter le pourcentage des populations musulmanes par rapport à celles chrétiennes. Consciente des risques induits par ce fait elle pense le compenser par un rapport d’amitié avec les pays musulmans qui ont le vent en poupe, l’Iran le premier. C’est de la géopolitique simple, « si on ne peut pas les vaincre, faisons alliance ». Accessoirement, pour montrer sa bonne volonté aux musulmans (en espérant une attitude non belligérante de leur part) on fait le coup de poing en Géorgie en démembrant une partie de ce pays, on érige au niveau de concept stratégique sa volonté de considérer les pays qui l’entourent à l’Ouest comme faisant partie de sa sphère d’influence et on s’oppose à toutes initiatives de défense préventive contre, mettons, l’Iran (bouclier anti-missile en Europe de l’Est). Par delà les « affaires », par delà l’opposition têtue aux intérêts américains, par delà les aspects « être pour tout ce qui est contre et contre pour tout ce qui et pour », la stratégie géopolitique de la Russie n’a qu’une seule ambition, éviter le choc frontal avec le monde musulman en attendant d’être le dernier bastion auquel celui-ci s’attaquera dans sa conquête du monde. Et le maillon le plus fort du monde musulman est l’Iran. D’où la politique d’apaisement de la Russie vis-à-vis de la marche de ce pays vers l’armement nucléaire.
M Mais la politique d’apaisement de la Russie vis-à-vis de l’Iran a des conséquences géopolitiques immédiates et cela pas très loin de ses frontières (ou de ses anciennes républiques d’Asie Centrale, toutes à dominance musulmane). En tout premier lieu, les pays du Golfe. Séparés de l’Iran chiite par une obédience musulmane différente (sunnite), ils sont forts d’une expérience historique qui les a fait comprendre que ce pays s’attaquera plus facilement, tout d’abord à eux, plus qu’aux ennemis désignés de longue date (Etats Unis et Israël). Tout en tenant à leur merci grâce à leurs fusées balistiques l’Europe (si celle-ci avait de velléités d’intervention nonobstant les excellentes affaires industrielles et commerciales qui représentent des bouées de sauvetage pour les économies allemande, italienne, française, espagnole, suédoise, etc.,). Les pays du Golfe, graduellement, ont compris que leur ennemi principal n’est pas Israël mais l’Iran. Ce qui a fait dire au ministre des affaires étrangères de l’Arabie Saoudite « la menace posée par les ambitions nucléaires de l'Iran exige une solution plus immédiate que les sanctions ». Il a décrit les sanctions comme une solution à long terme en soulignant que la menace est plus pressante. » Géopolitique simple : la Russie apaise l’Iran mais provoque, par contrecoup, une réaction majeure d’autres pays musulmans qui se sentent, tout d’un coup, menacés par un ennemi religieux avec lequel aucun compromis n’est possible car ... nous sommes dans le monde musulman ! Guerre de religion ? Feutrée, se déroulant pour l’instant aux abords des « points de pression maximum » (Yémen, par exemple) mais s’étendant insidieusement du Golfe Persique jusqu’en Egypte en route vers le Maghreb. Guerre froide de religions ? Cela pourrait paraître curieux mais il n’est pas exclu qu’elle devienne chaude ...
Et voilà qu’arrive l'administration Obama, entrainée par la logorrhée ivre du Président qui, avec son éloquence flamboyante se convainc tout seul que ceux qui l’attendaient sont hypnotisés par ce qu'il leur dit. Un discours au Caire, la main tendue pendant 14 mois à un Iran qui n’en rien à en faire, des demandes restées sans suite à des états arabes qui considèrent que le dossier « israélo-palestinien » n’est qu’une diversion par les temps qui courent, des tentatives toutes échouées pour « détacher » la Syrie de l’Iran, cette Administration a totalement raté son arrivée au Proche Orient et ce pour des raisons géopolitiques simples et claires. Le Proche Orient ne souffre pas de l’inexistence d’un 24ème état arabe ni de l’absence dans le patrimoine musulman légué par Allah de 0,05% des terres sur lesquelles s’est installé un Etat Juif. Le Proche Orient souffre des luttes intestines entre chiites et sunnites (l’Iran dispose maintenant de têtes de pont en Syrie, au Liban, à Gaza, au Soudan en attendant la pénétration d’une partie de l’Afrique noire dont l’accession à l’islam se fait à grands pas). En 2007, les États-Unis ont offert 20 milliards de dollars en aide militaire à l'Arabie saoudite et aux cinq autres membres du Conseil de coopération du Golfe, 30 milliards de dollars d’aide à Israël sur dix ans et 13 milliards de dollars à l'Egypte pour la même durée. Les trois bénéficiaires ont compris, parfaitement, la raison des largesses américaines : faire front à l'ennemi commun contre lequel une stratégie était en train de se forger.
Et il n’y a eu aucune réaction arabe contre Israël quand il a bombardé une installation nucléaire syrienne construite en collaboration avec la Corée du Nord et l'Iran en Septembre 2007. En 2008, l'Egypte n'a rien fait pour interférer avec le blocus de Gaza par Israël ou avec les assassinats ciblés d'activistes du Hamas et d'autres militants palestiniens soutenus par l'Iran. Et lors de l'offensive dans la bande de Gaza à la fin de l'année, aucun Etat arabe n’a levé le plus petit doigt contre Israël. Et en juin 2009, le Hezbollah a perdu les élections au Liban face aux candidats pro-occidentaux soutenus par un partenariat américano saoudien construit par l'administration Bush et qui incluait aussi la France, la Jordanie et l'Egypte. Dommage que l’administration Obama a laissé aller à vau-l’eau les acquits libanais pour se lancer dans une tentative absurde, irresponsable et vouée à l’échec visant à détacher la Syrie de l’Iran en lui laissant les mains libres au Liban ... Faudra attendre aussi longtemps que pour les pays de l’Est européen que les libanais croient encore au soutien des Etats Unis ...
Mais les contraintes géopolitiques des Etats Unis ne sont pas, elles, simples. Ne sachant pas encore comment ils quitteront l’Irak (sans qu’une mainmise rapide de l’Iran sur ce pays n’intervienne), l’administration Obama a fait le pari curieux d’envoyer des troupes supplémentaires en Afghanistan tout en annonçant leur retrait dans douze mois ... Ayant du mal à continuer d’être le gardien de la sécurité des pays de l’Europe de l’Est ou de ceux de l’Asie du Sud Est, devant faire face à une crise économique créée pour l’essentiel, à l’origine, non pas par les banques mais par la politique immobilière des deux administrations Clinton (« donner tout, tout de suite à tout le monde » via Fanny May et Freddy Mac), les Etats Unis se sont lancés dans des aventures non moins curieuses dont l’issue ne semble, loin de là, leur être favorable. Ils ont commencé avec la Russie en renonçant au bouclier anti-missiles promis à la Pologne et à la Tchéquie et dont le but était la protection du flanc Est de l’Europe mais aussi l’interception possible d’éventuels vecteurs tirés par l’Iran vers le Nord Est américain. Et la Russie ne leur a rien donné en échange. Ils se sont lancés ensuite dans le changement profond de leur stratégie nucléaire : en renonçant et à une première frappe contre des puissances disposant d’armes nucléaires mais qui attaqueraient, directement ou indirectement, les Etats Unis avec des moyens conventionnels ou de destruction massive (chimiques et biologiques) et à l’utilisation d’armes nucléaires contre tout pays qui les attaquerait ils viennent de donner un signal simple, les Etats Unis ne sont plus le gardien de la paix mondiale. Conséquences géopolitiques immédiates : l’Iran qui n’a plus rien à craindre en cas d’agression sur un autre pays et la Corée du Nord qui continue à augmenter sensiblement son arsenal nucléaire disposant ainsi d’une capacité d’agression sans égale vis-à-vis de la Corée du Sud ou des pays anciennement frères comme le Vietnam, le Cambodge ou le Laos. Là, l’idéologie tiers-mondiste, anticapitaliste et antioccidentale du président américain a pris le pas sur les contraintes géopolitiques qui, d’évidence, auraient dû conduire à des agissements diamétralement opposés. Mais ce faisant les Etats Unis se sont trouvés devant une situation difficilement envisageable il y a encore dix ans : l’émergence de la Chine.
Devenue l’usine du monde et tout d’abord celle des Etats Unis, la Chine, par un phénomène d’osmose inversée, est devenue son fournisseur et son bailleur de fonds : elle dispose aujourd’hui de plus de trois mille milliards de $ en bons du Trésor Américain. Mais obligée a respecter « je te tiens, tu me tiens, par la barbichette ... » elle ne s’occupe que de ses intérêts. Comme cet Empire du Milieu le fait depuis des millénaires en laissant « les barbares incultes » (fussent-ils chrétiens ou musulmans) s’étriper entre eux tandis qu’elle s’assure des sources d’énergie qui lui sont nécessaires pour faire venir à une vie développée le milliard de chinois qui survivent dans un état moyenâgeux dans des campagnes éloignées des lumières de Shanghai ou de Beijing. Conséquence géopolitique simple – elle s’en fiche comme d’une guigne d’un éventuel armement nucléaire de l’Iran, de l’éventuelle mainmise de ce pays sur les richesses des pays du Golfe ou de la présence des Etats Unis sur des territoires qui ne lui ont jamais appartenu (l’Afghanistan, par exemple). Il ne s’agit pas d’apaiser, comme c’est le cas de la Russie. Il s’agit de faire comprendre et admettre que le milliard et demi de chinois en train de devenir la troisième économie du monde disposant de tous les attributs militaires qui vont bien avec (satellites, armes nucléaires, armement conventionnel, bientôt des porte-avions nucléaires, etc.,) n’ont rien à craindre ni d’un Iran nucléaire ni d’éventuels terroristes auxquels ce dernier pays confierait des armes de destruction massive.
Et l’Europe ? On ne tire pas sur une ambulance, a-t-on l’habitude de dire. Après avoir choisi deux personnages falots et insipides comme président de l’Union et comme responsable de sa politique étrangère, voulue commune, ce continent se trouve à l’orée de grandes difficultés économiques dont la Grèce n’est qu’un hors-d’œuvre. Ayant à admettre que « l’état providence » a vécu son temps, que la création de valeurs et de richesses à distribuer fait défaut à cause même de la poursuite ad nauseam des acquis de l’état providence, elle s’enlise dans une crise sans fin, les victimes immédiatement visibles étant les « PIIGS » (le Portugal, l’Irlande, l’Italie, et l’Espagne). Quant à notre beau pays de France, avec une dette extérieure dépassant 2.400 milliards d’euros (dette de l’Etat + provision pour les retraites des fonctionnaires) il n’aucun moyen sérieux pour la diminuer (faites les comptes, la piste « ne remplacer qu’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite » soit 50.000 personnes ferait une économie annuelle de, mettons, 0,5 milliards d’euros ... à comparer avec la dette 5.000 fois supérieure ...). En guise de géopolitique il se lance dans des envolées planétaires sans lendemain (gouvernance financière, réchauffement de la planète et autres ejusdem farinae ...) et pour maintenir le tonus des populations on lance en pâture des rumeurs d’alcôve d’un président de plus en plus contesté et de sa dame, exemple de moralité de gauche pour un peuple qui n’en peut mais ...
Voilà, rien de plus simple que la géopolitique ! Sauf quand le leader du monde, les Etats Unis, prennent partie au Honduras contre la légalité existante en penchant du côté du Venezuela de Chavez. Ou quand ils ont abandonné le bouclier anti-missiles à installer en Pologne et en Tchéquie. Ou quand ils se préparent à sacrifier Israël sur l’autel de la nouvelle alliance avec le monde musulman. En lui demandant de rendre les territoires qu’elle a gagné dans une guerre initiée par des pays arabes ce qui est de la même nature qu’une éventuelle demande des mexicains de leur rendre les territoires que les Etats Unis ont conquis dans leurs guerres. Tout en lui interdisant de se défendre contre l’Iran qui a mis sur le frontispice de sa constitution l’ardente obligation de faire disparaître Israël. Et les Etats Unis de prétexter que l’existence de millions d’arabes en et autour d’Israël sera la meilleure dissuasion contre une bombe musulmane (iranienne). Bernard Lewis (What went wrong ? ») a dit à plusieurs reprises, que « ce type d'immunité est imaginaire, car les musulmans sont convaincus qu’Allah saura faire la différence entre juifs et musulmans ».
La géopolitique ? Mais c’est très simple ...