En septembre 2010 j’utilisais l’exemple de Sisyphe pour mettre en lumière l’inanité des tentatives, répétées, pour arriver à la fin du conflit « israélo-palestinien » (ou israélo-arabe). On sait très bien ce que ce mythe souligne : il faut avoir la volonté d’arriver même si les tentatives pour ce faire échouent à tour de rôle. Mais, prenons pour raisonner, l’hypothèse selon laquelle Sisyphe aurait réussi à pousser l’énorme pierre jusqu’au sommet de la montagne : on suppose, implicitement, qu’en la posant, il allait obtenir un équilibre stable pour maintenir la pierre. La référence à Sisyphe n’était pas fortuite, il s’agissait du conflit israélo-palestinien. Un texte relatif à ce qui se passe dans certains pays arabes, mis en ligne récemment, a conduit des lecteurs à poser la question « quid d’Israël ». Question légitime car, d’un côté, des changements importants ont eu lieu dans ces pays et parce que, d’un autre côté, les Etats Unis (mais pas seulement eux) recommencent, avec une vigueur retrouvée mais d’autant moins justifiée car pernicieuse, vouloir « trouver une solution » à un conflit qui dure depuis plus de 100 ans.
Faisons court. Il n’est plus possible d’ignorer que le conflit « israélo-palestinien » n’est pas et n’a jamais été un conflit territorial. Il s’agit d’un conflit existentiel alimenté par deux narratives irréconciliables, l’attachement d’Israël à son caractère juif et aux terres qui ont vu la naissance de son peuple et, symétriquement, l’impossibilité (religieuse, politique, culturelle) des palestiniens (des musulmans) d’accepter l’existence indépendante d’un état non musulman dans le territoire, vaste, qu’Allah leur a légué. Occulter cette vérité d’évidence ne peut qu’obscurcir les éléments de toute discussion sérieuse. De plus, faire cela, ne peut par les temps qui courent -qui attestent de la volonté renouvelé de l’islam de conquérir le monde pour y imposer sa loi- cacher que l’on prend partie, en réalité, en faveur d’une des narratives en présence. Laquelle ? Je vous laisse choisir.
Cela étant, pour faire triompher une des narratives, soyons clairs, l’arabe, on n’arrête pas depuis des décennies de vouloir forcer Israël à « faire des concessions ». Elle en a fait. Israël a rendu, deux fois, la totalité de la péninsule du Sinaï, conquise dans des guerres défensives, à l’Egypte. Elle a rendu au Liban la totalité des territoires occupés pendant 18 ans suite aux actions agressives des palestiniens conduits par Arafat qui, expulsés de la Jordanie (où ils ont essayé de prendre le pouvoir contre le roi Hussein) avaient transformé ce pays en « Fatah land » en facilitant l’arrivée de l’Iran et de son supplétif, le Hezbollah. Elle a quitté, entièrement Gaza en laissant, pour la première fois dans leur histoire, aux palestiniens la possibilité de montrer ce dont ils devaient être capables : créer un mini état et assurer son développement comme celui de ses habitants. Pour cette dernière cession, vu les risques que l’on pouvait imaginer, la seule superpuissance existant encore lui a donné des garanties quant aux autres territoires gérés par Israël, territoires disputés depuis leur acquisition à la suite d’une autre guerre de défense. Mais, plus on en donne, plus on en demande … Ce qui précède semble démontrer que le conflit qui perdure n’est vraiment pas un conflit que le ban et l’arrière ban du monde occidental veut pouvoir régler selon la formule miracle, « la paix contre la terre »
Il n’est pas difficile de voir que l’on a tout essayé. On a tout essayé, du partage du territoire par l’ONU en 1947 aux accords Sadate-Begin de 1977, de Madrid et l’autonomie de certains territoires en 1991 à Oslo en 1993, de la « feuille de route » à l’évacuation de Gaza. On sait les résultats. Céder des territoires acquis pendant des guerres défensives. Une « intifada » ayant fait des milliers de morts. Des hommes et des femmes se faisant exploser au milieu de foules aussi nombreuses que possible. L’intrusion des grandes puissances pour essayer de régler le conflit. Des résolutions de l’ONU à tire larigot. La création du « quartette » qui a au moins compris qu’une condition sine qua non était (est) constituée par la nécessité, pour une des parties, de reconnaître l’existence de l’autre et de renoncer à la violence. Rien n’y fait.
Mais les choses se décantent et aujourd’hui on comprend enfin que, par delà le territoire, par delà des sujets à caractère émotionnel (« Mosquée Al Aksa » vs « l’année prochaine à Jérusalem ») le conflit se résume à deux concepts irréconciliables : l’existence d’un état juif dans le monde musulman et l’inimaginable retour des « réfugiés palestiniens » (et de leurs descendants jusqu’à la fin des générations) sur le territoire de l’état dont l’existence n’est pas acceptée.
Pourtant, on continue. Mais pourquoi ne pas accepter l’évidence ? Ce conflit ne peut pas trouver de solution, on devrait s’habituer à laisser les choses en l’état. Chacun devrait vaquer à ses occupations et laisser le temps faire son oeuvre .Et comprendre que tous ceux qui ont essayé de pousser à la roue pour avancer vers une situation acceptable et stable (« l’existence d’un état palestinien à côté d’un état juif, vivant en paix et sécurité ») n’ont fait qu’aggraver les choses. Le dernier en date, le président actuel de la seule superpuissance. Certes, rien ne l’a préparé à être sensible à la narrative israélienne. Musulman dans sa première enfance, éduqué dans un milieu communiste ensuite, nourri de concepts tiers-mondistes et pro-palestiniens, il a chaussé les sabots de tous ses précurseurs ayant eu des cursus identiques ou équivalents1. Et tout ce qu’il a réussi jusqu’ici a été de faire dérailler, un peu plus, le fameux « processus de paix » qui de moribond est devenu mort. Pour ce faire il a mis en avant des demandes que les palestiniens n’ont jamais exprimé, en les rendant dès lors encore plus résistants à tout éventuel progrès (le « gel des colonies » et les « frontières de 1967 » explicitent le propos).
Alors ? Comme toute action devrait, doit, avoir un sens, quel est celui de l’obstination du monde occidental à vouloir trouver une solution à un conflit qui ne peut pas en avoir une ? Et à supposer que l’on torde les bras des deux protagonistes en leur faisant avaler, aux uns de renoncer au caractère juif de leur état et, aux autres, le renoncement aux droit au retour de quelques millions d’êtres, en supposant, donc, que Sisyphe est arrivé en haut de la montagne, obtiendra-t-on un équilibre stable ?
Rien ne permet d’imaginer cela car, d’un côté, le « jamais plus » des héritiers de l’holocauste perpétré en Europe ne les fera renoncer à ce qu’ils sont, juifs dans un état juif sur un territoire ayant appartenu pendant des millénaires à leurs ancêtres et, de l’autre côté, l’impossibilité existentielle de renoncer à ce qui fait leur être collectif depuis 1.400 ans, l’idée de la suprématie de leur religion et de leur droits sur tous territoires à eux légués par Allah.
Mais voilà que des importants mouvements de foules sont apparus, pour la première fois dans l’histoire moderne, dans des pays musulmans. Ces mouvements, que d’aucuns qualifient de « révolutions » et même « démocratiques » (!?!) ont démontré clairement que les raisons de mécontentement desdites foules n’avaient rien à voir avec l’existence d’un état juif au sein du monde musulman. Certes, il n’a pas fallu attendre longtemps pour comprendre que des forces organisées et puissantes sont en train de changer la nature des « révolutions » et que, probablement, le caractère islamique (avec son cortège de joyeusetés) prendra le dessus en imposant à l’Occident médusé la seule vérité qui vaille : l’islam, système fermé politico-religieux, n’est pas soluble dans la démocratie. Ce qui n’empêche pas, le même Occident, à faire la guerre en Libye en faveur d’un ectoplasme méta ou proto-islamique dont les desseins, en cas de victoire sur le colonel fou (très récemment encore ami du Perfide Albion ou de la France) sont parfaitement claires : imposer la création d’un califat.
Quelle importance peut avoir ce qui se passe dans les pays arabes ou, même, les conséquences de ces évènements sur la marche du monde ? Ce qui importe c’est le conflit israélo-palestinien. Et on va changer de « braquet ». La « communauté internationale » se prépare à reconnaître en septembre l’existence d’un « état palestinien » sur un territoire disputé depuis plus de 40 ans. On voit tout de suite que le pauvre Sisyphe n’est pas au bout de ses peines : à la place d’un conflit entre des palestiniens « occupés » et des israéliens « occupants » on aboutira à un conflit entre deux états … Dont, un, n’aura que peu des attributs qui vont avec l’existence d’un état (contrôle du territoire, appareil politique et administratif, collecte des impôts et redistribution, contre-pouvoirs, souveraineté reconnue, etc.,) tandis que, l’autre se dégagera de tout ce qui lui incombait auparavant car « puissance occupante ». Et le conflit perdurera sous d’autres formes mais, sans doute, encore plus irréconciliables. Croire ou vouloir faire croire que les grands de ce monde qui sont impatients de régler ce conflit ne comprennent pas ce qui va se passer c’est prendre des vessies pour des lanternes. Et imaginer que la pierre poussée par Sisyphe a trouvé un équilibre stable.
Cela étant, en apparence tout du moins, encore et encore, BHO veut faire croire que les protagonistes pourraient troquer le « droit de retour » des refugiés palestiniens contre la cession de la Cisjordanie par Israël. Aussi absurde que grotesque. Naturellement, les palestiniens refusent en espérant qu’un jour ils auront et le territoire et le retours de millions d’entre eux en Israël. En espérant. Il ne faut pas être grand clerc, cependant, pour comprendre qu’ils n’auront ni un état ni le retour de leurs populations en Israël. Car autant Israël peut accepter un état palestinien autant elle n’acceptera jamais que des millions de musulmans détruisent ce qui est unique, l’état du peuple juif. Jamais plus…
1. Pour comprendre l'impossible compréhension de l'un par l'autre, de BHO et "Bibi", il suffit de regarder leurs photos quand ils avaiient un peu plus de 20 ans : l'un défendant son pays (avec un frère mort au combat) et, l'autre, discutant nonchalamment les thèses d'un Frantz Fanon ou un autre guide des pauvres ...