Il fait chaud à Paris, samedi dernier -jour de grand départ en vacances nonobstant la crise économique que le pays traverse- on décomptait 683 km de bouchons cumulés et les hôtels et les campings affichent un taux d’occupation de plus de 80%. On prend des forces pour pouvoir, à la rentrée, s’opposer fermement à tout ce que le gouvernement a préparé, la reforme des retraites en premier lieu …
Pendant ce temps, pas très loin de nous, au Moyen Orient, l’Iran continue sa marche vers la bombe. Certes, les déclarations dithyrambiques n’ont pas manqué depuis des années : « la bombe ou le bombardement » disait notre Président il y a trois ans, « Il ne devrait y avoir aucun doute - les États-Unis et la communauté internationale sont déterminés à empêcher l'Iran d'acquérir des armes nucléaires" déclarait le 1erjuillet le Président américain.
Pendant que les uns parlent, les centrifuges de Natanz et/ou d’Ispahan continuent de tourner et l’Iran a accumulé plus de 2.500 kg d’Uranium faiblement enrichi (3,5%) et a commencé, depuis février 2010, la production d’Uranium enrichi à 20%. Aucune des raisons mises en avant par ce pays pour justifier ce qu’il fait n’a été considérée comme plausible mais on sait qu’atteindre le seuil de 20% confirme la maîtrise du processus pouvant pousser l’enrichissement au delà de 90%, ce qui est nécessaire pour une arme nucléaire. Et les centrifuges tournent …
Selon un rapport de International Atomic Energy Agency (IAEA) de juin 2009 le site d’enrichissement de Natanz disposait de plus de 7.000 centrifugeuses dont 5.000 tournaient à plein régime. Cela représentait une augmentation de 30% par rapport à ce que l’IAEA avait trouvé en février 2009. A ce rythme on peut supposer qu’actuellement l’Iran dispose (sur le site connu …) de plus de 8.000 centrifuges et de plus de 400 tonnes d’Hexafluorure d’Uranium qui attendent à être injectées dans lesdites centrifuges ….
Et une fois que Natanz fonctionnera à pleine capacité - 50.000 centrifugeuses selon l’Iran - l'usine sera en mesure de produire environ cinq cents kilogrammes d'uranium de qualité militaire par an, assez pour environ trente à quarante armes nucléaires.
Mais l’Iran, à part sa quête d’armement nucléaire est en train de pousser ses pions dans plusieurs directions du Proche et du Moyen Orient, de l’Afrique et de l’Amérique Latine. On s’est habitué à la présence directe ou de supplétifs de l’Iran en Syrie, au Liban ou à Gaza. On a fait moins attention aux tentatives (presque toutes couronnées de succès) d’implantation en Afghanistan et Tadjikistan, en Algérie et Mauritanie, au Yémen ou en Somalie ou, plus loin en Afrique, par exemple au Zimbabwe.
C’est ce qui a commencé à inquiéter les états arabes car ils se voient, d’un côté, menacés d’un encerclement par le Sud et l’Ouest et, d’un autre côté, par l’éventualité d’un Iran « nucléaire ». Et ils ne voient pas d’un bon œil le fait que l’Iran encourage l’Algérie ou le Maroc, par exemple, de se doter de moyens nucléaires.
Ces états ne sont pas, seulement, des alliés des Etats Unis. Ils ont des relations fortes avec l’Europe, la Russie ou la Chine. Ils ne comprennent pas, pour l’instant, la dérive de la Turquie vers une alliance avec l’Iran tout en faisant partie de l’OTAN (ni les risques pris par ce pays quant aux soucis éventuels liés à la « question du génocide arménien » ou à la répression des mouvements kurdes). C’est dire que les « maux de tête » des pays arabes provoqués par un Iran nucléaire commencent à faire comprendre aux trois partenaires cités que le temps est venu pour faire quelque chose. Quoi ?
Tous à leurs affaires avec l’Iran jusqu’ici, les Européens commencent, eux aussi, à avoir vraiment peur. Ils savaient que les états arabes sunnites ont toujours été inquiets face à l’impérialisme iranien mais ils ont sous-estimés les capacités de l’Iran à les mener, eux, par le bout du nez. La Russie est en train de jouer un jeu curieux (un jour elle est pour les sanctions, le jour d’après elle dit ne pas les respecter …), mais après la révolte massive islamiste en Tchétchénie et plus récemment les attaques terroristes à Moscou ou en Russie même, les Russes ne peuvent pas oublier qu’ils ont combattu les envahisseurs musulmans pendant plus de cinq cents ans. L'Eglise orthodoxe russe, aujourd’hui un des piliers de la Russie de Poutine, est en conflit avec l'Islam, depuis la chute de l'Empire byzantin. La Chine, bien que les plus de 50 millions de musulmans (ouïghours) lui créent des soucis sans nombre (mais leur répression sans pitié n’a jamais ému les droithommistes du monde entier) n’a en tête que la recherche de sources d’approvisionnement en énergie et l’Iran lui fournit actuellement plus de 10% de ses besoins totaux. Paysage compliqué pour les états arabes pour obtenir des attitudes claires et fermes de la part de leurs partenaires européens, russes ou chinois.
Sans le dire, tout le monde attend que quelqu’un se charge de faire ce que l’on doit : arrêter la course de l’Iran vers la bombe, définitivement ou la retarder d’une dizaine d’années. Bien que les choses soit totalement différentes (étendue du programme, dissémination des sites, nombre et formation des scientifiques engagés, capacités de réaction directe ou par supplétifs, etc.,) on a toujours présent à l’esprit la destruction du programme nucléaire de l’Irak de Saddam Hussein centré sur le réacteur Ossirak (fourni par la France de Giscard et de Chirac). Pour disposer de moyens de rétorsion en cas de besoin, pendant des années, l’Iran a poursuivi une stratégie simple : s’approcher autant que faire se peut de sa première cible, Israël, et disposer de moyens militaires importants pouvant menacer les armées américaines présentes en Irak ou en Afghanistan ou leurs bases dans les pays du Golfe. Le Hezbollah au Nord d’Israël, la Syrie au Nord-Est, le Hamas au Sud (Gaza) constituent autant de têtes de pont mais elles n’avaient pas l’air de fâcher les états arabes vu leur rejet de l’état juif. Ils oubliaient, cependant, que pour l’Iran Israël n’est qu’un domino (par delà la vulgate du Coran « tue le juif » et par delà la « libération d’un territoire musulman ») et que l’Iran a toujours convoité le pétrole du Golfe (Arabie Saoudite, les Emirats, etc.,soit, en 2007, peu ou prou, entre le tiers et la moitié des besoins mondiaux en, hydrocarbures - regardez le graphique qui suit) et toujours souhaité devenir le gardien des cités saintes, Mecque et Médine.
Alors, tant qu’Israël se faisait entourer de pays hostiles disposant de missiles balistiques et/ou de croisière, tant que des SCUD pouvant porter une demi tonne d'explosif entraient dans l’arsenal de la Syrie ou de l'Hezbollah, les pays arabes regardaient ailleurs. Mais savoir que les Iraniens pourraient disposer d’un engin nucléaire à brève échéance et que même maintenant ils peuvent lancer des armes nucléaires « sales » (qui utilisent des explosifs conventionnels combinés avec des métaux radioactifs), là ces états arabes montrent qu’ils sont courageux mais pas téméraires ... Et si l’on ajoute que l’Iran est crédité d’une capacité lui permettant d’atteindre l’Europe ou les Etats Unis dans moins de cinq ans … l’Occident aussi commence à se poser des questions. Bien que, ce qui a prédominé jusqu’ici en Europe (mais pas seulement en Europe) a été l’idée (ou l’espoir) d’un pragmatisme réel des iraniens. Mais leur volonté d’obtenir la défaite des États-Unis et la destruction d'Israël commence à être comprise pour ce qu’elle est : non pas une position de négociation ou l’expression d’une rhétorique irréalisable. Un Iran acquérant des armes nucléaires détruira l'équilibre entre l'idéologie et le pragmatisme en faveur de la première. Une preuve ? Revendiquer, par exemple, l'Etat arabe de Bahreïn en tant que 23ème province iranienne car 70% de sa population est chiite.
Tout cela fait que l’on a compris que ce qui a fonctionné pendant la guerre froide (MAD = Mutual Assured Destruction) n’est pas de mise aujourd’hui : les deux acteurs de la guerre froide, les Etats Unis et la Russie, étaient rationnels, les mullahs qui dirigent l’Iran ne le sont pas. De plus, l’Iran ne cache pas son idéologie de conquête du monde car les mullahs pensent que Dieu veut qu'ils contrôlent le monde (et l’Arabie Saoudite le sait bien, elle qui a contribué plus que tout autre à la dissémination conquérante du wahhâbisme dans le monde, dissémination sous-tendue par la même volonté de conquête du monde).
Mais à part les états arabes, une grande partie du monde a commencé à se demander comment répondre à la menace potentielle de l’Iran sur l’approvisionnement en pétrole (fermeture du Détroit de Hormuz ?), à sa capacité d’initier des guerres asymétriques (Hezbollah au Liban, Hamas à Gaza, Houti au Yémen, etc.,) ou à la prolifération nucléaire qui suivrait l’accession de l’Iran au nucléaire militaire ou l’éventuelle utilisation par ses supplétifs (la Syrie) de moyens chimiques ou biologiques.
Tant que l’Iran n’affichait que sa détermination de « rayer Israël de la carte du monde » … on pouvait vivre avec. Vivre avec un Iran nucléaire dont la volonté de domination (mondiale) s’affirme (et se réalise … voir les « diagonales du fou ») c’est une autre paire de manches. Et les états arabes, premièrement, n’en ont d’envie aucune de cela : cela fait plus de mille ans depuis que les perses en veulent aux arabes d’avoir « cassé » leur empire et autant depuis que les chiites veulent dominer les sunnites …
Alors ? Eh oui … on regarde du côté d’Israël. Une des raisons majeures pour lesquelles les états arabes font semblant d’accepter l’existence d’Israël en demandant, à corps et à cris (d’une manière totalement fallacieuse) la création d’un état palestinien, est parfaitement visible : laisser Israël attaquer, détruire ou retarder le programme nucléaire iranien. De leur point de vue, si Israël réussit, c’est gagné. Si Israël ne réussit pas, c’est gagné aussi car le monde entier verra qu’Israël est un fauteur de guerre qui ne mérite pas d’exister …
Du point de vue d’Israël les choses ne sont pas très différentes : elle ne peut pas vivre (ou admettre) sous la menace permanente d’un Iran nucléaire et qui a inscrit sur le frontispice de sa constitution l’obligation ardente de la détruire. Si Israël détruit, préventivement, les capacités nucléaires (ou autres) de l’Iran elle sera condamné par la communauté internationale avec un enthousiasme non dissimulé. Mais qui ne dissimulera, non plus, sa satisfaction de voir le problème iranien résolu comme le nœud gordien … Si Israël ne fait rien elle devra vivre avec un Iran nucléaire autant dire avec une épée de Damoclès permanente. Si Israël réussit à détruire (ou retarder) le programme nucléaire iranien elle sera encore plus « le juif des états » et condamnée par tous mais … l’Iran n’aura pas la bombe …
Disposant de trois systèmes d’armes sans équivalent en Iran (fusées balistiques intercontinentales, sous-marins pouvant effectuer des tirs de missiles de croisière –charges conventionnelles ou nucléaires tactiques- et d’une aviation sans égale au Moyen Orient, Israël va se trouver très rapidement en obligation de décider de son avenir. A ce moment-là, l’Occident (mais pas seulement) aura à se décider aussi : si l’Iran riposte contre les troupes américaines ou contre les pays du Golfe, personne ne pourra rester inactif. Et toute menace sérieuse de l’Iran se verra opposer la réponse simple, donnée par Hillary Clinton pendant la campagne électorale de 2008 à la question « si l’Iran attaque, vous ferez quoi ? » - ce pays sera vitrifié. Certes, celui qui a été élu président, à la même question, à répondu, lui : « je vais y penser ». Peu probable, cependant qu’il ne fasse rien car par delà le nucléaire « les diagonales du fou » montrent une volonté impérialiste que personne aujourd’hui (sauf les états faillis comme le Zimbabwe ou en attente de l’être comme le Venezuela ou la Bolivie) ne peut accepter.
Au fait, le fou c’est qui ?