On se perd en conjectures pour comprendre ce que la Turquie de M. Erdogan veut réellement : les dernières éructations de ce monsieur ou de son ministre des affaires étrangères laissent pantois les observateurs, pour ne pas dire les chancelleries, européennes, américaine ou, même, russe. Dernière menace en date : la marine turque interdira à la marine israélienne d’arrêter les bateaux « humanitaires » qui voudront accoster à Gaza et/ou veillera à ce que Chypre ou Israël ne se lancent pas dans l’exploitation des gisements de gaz par eux découverts.
Certes, la Turquie fait partie de l’OTAN et, donc, elle doit être convenablement armée. N’empêche que l’on doit se souvenir d’une escapade de sa marine au 16ème siècle quand une armada a été envoyée pour conquérir Malte : après des jours de mer, ne trouvant pas l’île, l’amiral commandant la flotte a envoyé un message à Constantinople « Malta yok » ("y a pas de Malta") ! Ils l’ont trouvée ensuite (159 galères débarquant 120.000 soldats …) mais … ils y ont laissé 30.000 morts sans pouvoir conquérir cette île, haut lieu de résistance de l’ordre des chevaliers de Saint Jean de Jérusalem. Bon, on suppose que l’OTAN les a doté maintenant de GPS et autre moyens de navigation mais … s’il s’agit de s’affronter à la marine israélienne, ils auront, sans doute à craindre le pire !
Depuis des années Monsieur Erdogan (son pédigrée est connu – islamiste « modéré » mais antisémite notoire, emprisonné, avant de devenir premier ministre, pour des propos antisémites et anti-Ouest, pour faire simple) a, par tous les moyens, oeuvré pour détacher la Turquie de la relation intime qu’elle entretenait avec Israël. Déjà en 2009 il déclarait «qu’il préférait inviter Omar–al Bashir (poursuivi pour génocide …) que de rencontrer Netanyahu » Au vu et au su de tous, relation plus qu’importante pour la Turquie qui a utilisé le potentiel technologique d’Israël pour équiper son aviation, ses chars d’assaut et sa marine pour qu’elles soient compatibles avec les normes de l’OTAN. Relation importante pour Israël aussi car par delà les liaisons militaires (il ne faut pas oublier qu’il s’agissait des « garants » de la laïcité de l’état turc) le commerce et le tourisme représentaient de volumes d’affaires très importants. Mais … tout a une fin. Après avoir insulté Shimon Pérès à Davos en 2009 (« quand il s’agit de tuer des enfants, cela vous savez le faire ») en se référant à l’opération militaire d’Israël à Gaza (décidée après s’être faite bombarder de plusieurs milliers de fusées « artisanales »). Et puis, « la flottille de la paix » et l’incident Mavi Marmara qu’il a qualifié de «raison pour faire la guerre mais … pour la grandeur de la Turquie elle sera patiente ». A la suite de quoi la Turquie a réclamé la création d’une commission d’enquête de l’ONU, certaine qu’elle était que celle-ci allait condamner Israël. Patatras, le « Rapport Palmer » sorti après des mois de palabres imposés par la Turquie pour essayer de changer son texte, ce rapport « relatif aux événements tragiques, survenus le 31 mai 2010, considère que « le blocus de Gaza est légal » et que la réaction armée meurtrière israélienne dans les eaux internationales faisant 9 morts a été simplement « excessive ». A peine rendu public, le rapport est dénoncé par la Turquie (qui y était accusée aussi de n’avoir pas interdit à des civils de tenter de briser un blocus militaire …) qui le considère, dès lors, nul et non avenu. Et ce pays se lance dans une surenchère journalière : demande d’excuses, expulsion de l’ambassadeur israélien à Ankara, il réclame la levée du blocus de Gaza, décide de porter l’affaire devant la Cour Internationale de Justice, menace d’envoyer des bateaux de guerre à la limite des eaux territoriales d’Israël, demande d’exclusion d’Israël du réseau de détection avancée d’éventuelles menaces balistiques venant de l’Iran (réseau auquel Israël est partie prenante depuis plus de deux années), bref, se place en position « d’avant guerre » vis-à-vis d’Israël. Et le monde ébahi reste sans glas.
Bon, pour la Cour Internationale de Justice (qui juge des litiges entre des états) la Turquie a oublié qu’elle ne fait pas partie de 117 pays qui ont ratifié la création de la Cour (pour des raisons évidentes, craignant que l’Arménie pourrait faire appel à cette instance pour toute la partie noire de l’histoire de la Turquie – le génocide arménien, entre autres). De plus, Israël non plus n’est pas soumis à cette juridiction (pour des raisons aussi très pertinentes …). C’est dire le sérieux du binôme « Erdogan – Davutoglu » (son ministre des affaires étrangères, créateur de la politique « zéro problèmes avec les pays voisins »). Quant à empêcher la Grèce, Chypre et Israël d’exploiter les ressources gazières découvertes, premièrement, par Israël … là, l’Europe a commencé à prendre conscience que les turcs allaient trop loin (tant qu’ils menaçaient Israël, bon, on va pas s’en faire mais … Chypre et Grèce c’est une autre paire de manches). Les américains aussi car leur principal porte-avion en Méditerranée s’appelle Israël et ils savent que si les turcs vont « un pont trop loin » ils risquent d'être ceux qui payeront les conséquences.
Remarquez, ils ne sont pas tout à fait propres les américains. Ils savaient que le blocus de Gaza était parfaitement légal. Ils savaient que la Turquie, en laissant partir une « flottille » dont un bateau était rempli de « candidats au martyre » étant préparés à en découdre avec les commandos israéliens, cherchait en réalité un nouveau prétexte pour réduire encore le niveau des relations entre les deux états. Pourtant, tout en connaissant la teneur du Rapport Palmer, les USA faisaient pression sur Israël pour que ce pays passe par les fourches Caudines imposées par le Turquie. Tout en ayant parfaitement conscience que si Israël cédait cela n’aurait aucun effet sur la dérive islamiste de la Turquie. Avec des amis comme ceux-ci …
Mais … la Turquie commence a avoir quelques difficultés … Tout d’abord, elle ne soutient pas les rebelles en Libye. Naturellement, Monsieur Erdogan avait reçu en 2010 (!?) le "Prix international pour les droits de l’homme, Al-Kadhafi".
Droits de l’homme ? Décerné par Kadhafi ? Les kurdes opprimés, les journalistes emprisonnés, les militaires accusés de complot ? Bravo, Monsieur Erdogan.
Ensuite, tueries journalières en Syrie que son « ami » Bachar el Assad chapeaute en se fichant comme d’une guigne des vociférations internationales (même la Ligue Arabe s’y est mise … sans beaucoup de succès). Et, bien que voulant sauver le régime syrien (car, en réalité, il s'agit d'un supplétif de l’Iran) il ne peut, pour des raisons internes aller trop loin. Et la Turquie est obligé de se détacher de la Syrie car … il s’agit d’un régime dont les actions sont « barbares ».
Mais, pour amadouer les américains, et garder l’excellente relation qu’il a bâti avec BHO, voilà la Turquie qui accepte (après deux années de discussions pendant lesquelles rien ne présageait l’issue) que les Etats Unis installent un des Radar Bande X sur le sol turque. Au grand dam des iraniens qui, après la Syrie, se voient déconsidérés par la Turquie. Qui n’oublie pas de réclamer que les données dudit radar ne soient pas transmises à Israël … Trop c’est trop, les Etats Unis font savoir que si elle ne renonce pas à cette demande l’équipement sera installé en Roumanie.
Alors ? Le slogan «zéro problèmes avec les pays voisins » ne semble pas résister aux vicissitudes de la vie …
Et voilà le Sieur Erdogan se lancer dans la conquête du monde arabe. Il essaye de devenir le nouveau Nasser de ce monde, tout en oubliant que le héros avait perdu au moins deux guerres contre Israël et, à deux reprises, la totalité du Sinaï (ses ressources pétrolières aussi). Du Caire à Tripoli et ensuite à Tunis il se fait l’apôtre des « révolutions démocratiques » en proposant le « modèle turc » qui combine l’islam et la démocratie (exception faite des Kurdes, des journalistes, des militaires ou d’autres opposants – copie du modèle « Putin », variante Dardanelles …). Et promet un monde de merveilles fondé sur l’économie « florissante » de son pays. Voire …
Longtemps considérée comme ayant un taux de croissance voisin de 10%, ce n’est que récemment que l’on a compris que la Turquie avait crée une « bulle » sur le modèle des sub-primes. En effet, du crédit bon marché offert à tout un chacun qui voulait construire, surtout pour attirer des touristes, et qui semblait réaliser une spirale vertueuse (crédit-construction-travail-ressources-dépenses-crédit). Le temps de s’apercevoir que la recette de Von Schacht (inventeur du développement allemand pendant Hitler, en fonctionnant en autarcie et en faisant tourner la planche à billets) ne marchait pas tellement avec un commerce extérieur ouvert et que le modèle (irresponsable, lancé pendant la présidence Clinton aux Etats Unis) des sub-primes n’était qu’un « schéma Ponzi » à l’échelle du pays. En 2007 la dette publique représentait 120% du PIB et la lire turque a dû être dévaluée de 100%. Des mesures drastiques imposées par le FMI, ensuite, ont permis d’assainir, en partie, l’économie. Mais la perte de plus d’une centaine de milliers de touristes israéliens, les « cadeaux » faites à des groupes islamistes ou pays en manque, les crédits sans contreparties, etc., font qu’aujourd’hui la Turquie a un taux d’inflation de presque 6%, que le chômage est supérieur à 20%, que la moitié des exportations turques est destiné aux pays du Maghreb et, qu’à ce titre, les ressources y relatives sont problématiques et que la monnaie turque s’est dévaluée d’environ 30% entre avril 2011 et août 2011. Erdogan « le magnifique » (pas comme Soliman …) montrera rapidement que le roi est nu.
Quant à ses relations avec Israël, il aura perdu un accès utile et efficace à des technologies que son pays n’aura pas la possibilité de développer ou d’acquérir.
Pourquoi ?
Une fois n’est pas coutume, regardons ce qu’écrivent deux chroniquers saoudiens (?!) à propos d’Israël : « Le secret de la survie d'Israël, en dépit de tous les grands défis auxquels elle a dû faire face, réside dans la démocratie et le respect de la valeur de l'individu… Le secret de l'effondrement des pays arabes, l'un après l'autre, réside dans la dictature et l'oppression de l'individu » et « la prospérité d'Israël était due à son investissement dans l'éducation et la science – "Grâce aux travaux du Centre médical Hadassah, 60% des Arabes qui ont besoin de transplantations trouveront des donateurs au sein de leurs familles, et 90% des demandes de greffes de moelle osseuse sont pour des enfants arabes souffrant de maladies héréditaires dues aux mariages consanguins, … Le nombre d'études publiées soit 12 études par 10.000 habitants place Israël à la première place mondiale » (Khalaf Al-Harbi, OKAZ et Fawaz Al-‘Ilmi, Al-Watan).
Erdogan ? Pendant qu’il accuse Israël de « terrorisme d’état » quand elle ne veut pas se laisser bombarder par le Hamas, il bombarde, lui, des Kurdes en Irak (?!), occupe la moitié de Chypre depuis 1974 avec 30.000 soldats et menace l’Europe de « geler ses relations avec si Chypre, membre de l’Union Européenne, prend la présidence de l’ensemble en janvier 2012 ».
Fanfaron populiste, antisémite notoire, grand menteur devant l’éternel mais … ami de BHO. Il vient de prendre la place d’Ahmédinejad pour fustiger les juifs, Israël, l’Amérique et l’Occident. Ainsi va la monde, ainsi va la Turquie mais …. « Malta, yok » ?