Donc, sous l’impulsion de notre président, avec la bénédiction du « gaulliste pur sucre » ministre des affaires étrangères, notre pays fait la guerre en Lybie. Naturellement, sous le parapluie d’une résolution du Conseil de Sécurité de l’ONU car nous, nous ne sommes pas comme les autres qui commencent des guerres avec des coalitions de « volontaires »…
Pour une fois, toutes les formations politiques (sauf le FN) et les pacifiques de tous poils, vociférant en cœur, ont apporté leur adhésion à ce qui a été appelé « une opération humanitaire destinée à sauver le peuple libyen d’un massacre concocté par le dictateur Kadhafi » Devant une telle unanimité, on est en droit de se poser de multiples questions. En voilà quelques unes, quant à leur apporter des réponses, c’est une autre paire de manches.
Pourquoi la Lybie ? Sur un continent où les massacres de populations se déroulent tous les jours de la semaine, pourquoi la France a-t-elle choisi de s’opposer au massacre supputé dont l’exécutant devait être le Colonel ? Pourquoi ne s’est-on pas occupé, plutôt, du Zimbabwe et de Monsieur Mugabe, du Soudan et de Monsieur Omar al Béchir, du Nigéria et de Monsieur Goodluck Jonathan? Au Soudan l’on décompte, à ce jour plus de 400.000 morts, c’est vrai, pas des musulmans, seulement des noirs animistes ou chrétiens. Au Nigéria, on compte, à ce jour des milliers de morts (200 seulement en janvier 2011), c’est vrai, tous chrétiens mais noirs. Quant au Zimbabwe … on a assassiné, par la faim, le sida ou le choléra, en détruisant un des anciens greniers de l’Afrique, des dizaines de milliers de gens, leur religion n’étant pas très importante car de toute manière, Dieu reconnaîtra les siens …
L’explication qui nous a été fournie pour la Lybie est simple, « un dictateur fou qui allait massacrer son peuple » et ce sur fond de « révolutions démocratiques dans le monde arabe ». Un peu court, cependant, quand on se souvient que ledit fou a été pendant des années un des meilleurs clients de la France pour ses ventes d’armement. Mirages ? Des douzaines. Rampes de lancement de fusées sol-sol, sol-air, en veux-tu en voilà. Radars de surveillance et/ou de poursuite, à profusion. Et la France n’a pas été mauvaise fille : en décembre 2007 elle a déroulé le tapis rouge pour celui qui allait, quelques années après, devenir un « dictateur fou » en le laissant planter sa tente (au propre) à deux pas du Palais de l’Elysée et être accompagné de 400 serviteurs dont 40 filles vierges, ses gardes du corps ... Certes, il venait de passer commande pour 21 Airbus, beaucoup d’armes et un réacteur nucléaire (pour la désalinisation de l’eau …), le tout pour plus de 10 Milliards d’euros. Renoncer à un tel client qui apportait un complément non négligeable de travail aux 250.000 personnes de l’industrie française de l’armement ?
Et pour obtenir quoi ? La Lybie n’est pas un « état-nation », il s’agit d’un pays regroupant un certain nombre de tribus qui, sans la poigne du dictateur fou qui a massacré ce qu’il fallait de membres des tribus qui n’étaient pas la sienne, aurait pu se démembrer tout seul depuis belle-lurette. Le dictateur, s'étant fait la main sur les populations locales pendant longtemps, fou comme il était, s’est lancé dans des aventures multiples : tentatives d’unification des pays arabes, velléité de devenir le président de l’Afrique, tentatives de déstabilisation du monde occidental par de multiples actes de terrorisme ayant fait des milliers de morts, on en passe et de meilleures. Il a pris peur en 2003 quand la guerre contre l’Irak a commencé et … à la surprise générale il a renoncé au programme d’armement nucléaire qu’il développait en secret au nez et à la barbe de tous les « services » occidentaux. Ce pourquoi il a été élevé au rang de chevalier d’honneur, reçu partout dans le monde où il n’avait de cure que de donner des leçons de géopolitique et/ou de menacer le monde judéo-chrétien des foudres de l’islam. On l’a laissé faire.
Alors, la guerre en Lybie, pourquoi faire ? Question qui pourrait rester sans réponse. D’autant plus que l’on commence à s’interroger sur la consistance de ceux qui se sont « révoltés » contre le dictateur. Un ramassis d’islamistes de base, des suppôts d’Al-Qaida (qui avait des camps d’entraînement en Lybie …)1, plus un grand nombre d’idiots utiles dont la contribution actuelle est d’accompagner des individus braillards portant des keffiehs palestiniens et tirant en l’air avec moult Kalachnikov. Ou même paradant sur des mitrailleuses anti-aériennes sur la route de Benghazi à Tripoli. Rien qu’en les regardant on devrait se poser la question de savoir quelle mouche a piqué notre Nicolas pour les reconnaître comme « comité de transition nationale du peuple libyen » en rompant ainsi les relations de la France avec un de ses anciens clients.
Massacres partout en Afrique, « révolutions » dans certains pays arabes, qu’est-ce que la France a à faire avec tout cela ? Après avoir fermé les yeux, depuis De Gaulle et sa politique arabe, sur tout ce qui se passait dans le monde arabe, après avoir activement participé à la construction d’Eurabia (Bat Ye’or), pendant que l’Iran marche à pas cadencés vers la bombe et la Turquie laïque se détache de l’Occident pour redevenir une terre de l’islam, la France a pris la tête de la croisade (regarder le dictionnaire, comme l’a fait M. Guéant) pour libérer le peuple libyen de son dictateur. On a même envoyé notre porte-avion nucléaire croiser en Méditerranée. On croit rêver.
Hasardons une explication. La politique « arabe » actuelle de la France est en lambeaux et pas seulement pour des raisons d’actualité. Celles-ci ont pu être un facteur déclenchant à ce qui s’est passé. Effectivement, la France a raté le moment propice pour se solidariser avec le peuple tunisien (déboussolée qu’elle était par la conviction que « son » ami Ben Ali allait tenir et sur fond de la pantalonnade de Mme Alliot-Marie). La France a raté le coche pour crier haro sur le baudet quand le co-président de l’Union Europe-Méditerranée (projet phare de la diplomatie française), Monsieur Moubarak a été poussé vers la sortie par des émeutes populaires justifiées non pas par une soif de démocratie mais par la faim. Et par un avenir bouché pour un peuple de 80 millions d’êtres que la chape de l’islam a conduit à faire vivre de la mendicité. Alors, quand des émeutes, cette fois-ci tribales, ont commencé à se dérouler en Lybie, notre Nicolas national avec les conseils, ô combien sagaces, d’un BHL disposé et disponible pour toute ingérence à caractère humanitaire … a trouvé que c’était le bon moment pour faire accentuer sa stature d’apprenti maître du monde. Présider le G20 et courir la planète pour expliquer aux gens médusés comment il faut gérer leurs économies quand on est président d’un pays menacé de faillite … c’est dur, prendre la tête d’une croisade pour montrer au « peuples » arabes qui est leur meilleur défenseur, voilà ce qu’il fallait faire. Certes, on ne peut pas tout faire en même temps, alors, on laisse les yéménites et les bahreïnis se faire trucider par les autocrates locaux (avec l’aide de l’Arabie Saoudite – attention, premier client de la France pour un armement extrêmement cher …) mais on s’occupe du peuple libyen. En prenant le risque de voir son premier partenaire, l’Allemagne, se désolidariser d’une politique risquée et sans perspective.
Et c’est ce qui est le plus curieux dans ce que la France vient de faire. D’un côté, on voit que les autocrates qui n’ont pas froid aux yeux et qui font tirer à volonté sur leur peuple (regardez Bahreïn, regardez Yémen, pensez à l’Arabie Saoudite) se maintiennent. Et de se mettre mal avec l’Arabie Saoudite … même les Etats Unis ne le font pas. Et on voit que le « dictateur fou » s'accroche et que personne n’a envie d’envoyer des troupes au sol pour faire gagner « la guerre » aux « démocrates en herbe » de Benghazi ou d’ailleurs. Il semble incroyable que ceux qui ont convaincu Nicolas de se lancer dans l’aventure libyenne n’aient pas pensé « au jour d’après.
Décision absurde, absence de perspectives, coûts importants pour une aventure sans lendemain ni conclusion bénéfique possible pour notre pays, tout devait aller à l’encontre de ce que Nicolas a décidé de faire. Et s’il pensait qu’ainsi la France, pays des droits de l’homme (et qui les défend quand cela l’arrange …) allait se refaire une virginité du côté du monde arabe … quelle galéjade … Les paris sont ouverts, l’Arabie Saoudite qui a la dent dure n’oubliera pas ce que la France a fait et, si d’aventure, le « dictateur fou » reste en place (hypothèse parfaitement plausible à l’heure actuelle) même si on essaye de nouveau, on aura du mal à lui vendre des Rafales – le meilleur chasseur au monde … dont personne n’en veut.
Bravo, Monsieur le Président, la France, ce beau pays, ce grand pays, vous en sait gré pour ce que vous faites sinon pour sa grandeur au moins pour la vôtre …
1. Un des "commandants" des combattants pour le démocratie (al-Hasadi) vient de déclarer à IL SOLE 24 ORE "J'ai été capturé en 2002 au Peshawar au Pakistan, alors que je revenais de l'Afghanistan, où je me suis battu contre l'invasion étrangère. J'ai été remis aux Américains à Islamabad puis remis à la Libye et libéré de prison en 2008"