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20 septembre 2022 2 20 /09 /septembre /2022 11:35

La récente contre-offensive de l’Ukraine a, d’une certaine manière, remis les horloges à l’heure et a créé un sentiment curieux... En faisant comprendre que devant le rouleau compresseur de l’artillerie russe les Ukrainiens, mieux motivés, disposant d’armes mieux adaptées au combat et d’une stratégie - d’évidence - meilleure que celles de l’armée russe, peuvent ne pas perdre la guerre. Peut-être, même, la gagner si…

Faisons simple. La Russie, une tyrannie vieillissante, n’ayant jamais réussi à devenir une démocratie, cherche à détruire l’Ukraine, une jeune démocratie défiante. Par quoi commencer ? Par l’émotion des gens qui voient la barbarie des militaires russes en action, les charniers de centaines de corps torturés et/ou mutilés et se demandent s’ils vivent dans la même époque que nous ? Car on est surpris par le sadisme de la guerre russe contre l’Ukraine. L’armée russe est engagée dans des actions visant à raser des villes, l’attaque intentionnelle de cibles civiles, la destruction de barrages sur des rivières importantes (ils ne peuvent pas dire qu’il y avait des « nazis » dedans, non ?) et d’autres crimes de guerre évidents, associés à une guerre d’extermination.

Je l’ai déjà écrit, un génocide, car visant la destruction de tout ce que fait une nation : langue, culture, infrastructures, économie, territoires et populations. Et on a tort d’appeler la guerre en Ukraine « la guerre de M. Poutine ». À tous les niveaux de la société russe, du chauffeur de taxi dans la rue à l’initié du Kremlin, on croyait fermement que l’armée russe serait accueillie comme une libératrice, en particulier dans les régions russophones de l’Ukraine. En effet, le plan militaire russe initial reposait sur l’hypothèse que les soldats ukrainiens refuseraient de se battre et que les dirigeants « nazis » ukrainiens feraient défection. Or, cela n’a pas été le cas.

Ce qui est encore plus frappant, ce sont les deux plus grandes villes russophones d’Ukraine, Kharkiv et Odessa, qui se sont révélées être les points focaux de l’échec de l’invasion russe. Et, bien sûr, on se demande s’il y a quelque chose dans la formation des soldats russes ou si leurs antécédents les rendent plus difficiles à contrôler ? Ce qui est apparu évident c’est que leur efficacité en tant que force de combat ne s’est certainement pas améliorée depuis l’époque soviétique. Car ce qui s’est passé après la retraite honteuse après le désastre de l’attaque de Kiev, après des mois et des mois de destruction d’infrastructures civiles et, correlativement, sa perte de dizaines de milliers de soldats, la Russie vient de subir un deuxième échec majeur – presque 10.000 km2 de terrain perdus dans le Donbas suite à une contre-offensive ukrainienne.

              Territoire reconquis par l'Ukraine en moins de dix jours

C’est le moment de se souvenir du mot de E. Hemingway “How did you go bankrupt?” Two ways. Gradually, then suddenly.” (The sun also rises – 1926). Et un des blogguers militaires russe écrivait, au risque d’une condamnation pénale, « Nous avons déjà perdu, le reste n’est qu’une question de temps. » (Telegram, 08.09.22). Situation impensable – une défaite stratégique des forces armées de la Russie par un ennemi manifestement plus faible et sans aviation. Il est certain que ce qui s’est passé ces deux dernières semaines créera des doutes dans l’esprit des commandants russes quant à la fiabilité et à la résilience de leurs troupes. La Russie perd, mais elle n’a pas encore perdu. Ce qui amène, des uns et d’autres a prophétiser : le résultat est de plus en plus clair : l’Ukraine gagnera si elle continue à recevoir le soutien occidental, tandis que la Russie peut au mieux atténuer l’ampleur de sa défaite.

Résumons : les Russes voulaient toute l’Ukraine mais ils n’ont pas pu pas la prendre. Ils voulaient la capitale Kiev, ils n’ont pas pu pas la prendre non plus. Ils ont donc décidé de prendre l’Est et le Sud (le Donbass) et d’établir un pont terrestre vers la Crimée occupée. S’ils n’arrivent pas à tenir ce qu’ils ont pris jusqu’ici, ils risquent d’échouer. Monsieur Poutine abandonnera-t-il ses rêves apocalyptiques ? Il doit avoir réalisé que, selon ses attentes, la Russie ne peut pas gagner la guerre. En fait, l’ironie, c’est que les troupes russes ont répondu au récent Blitzkrieg ukrainien de la même manière que les Ukrainiens étaient censés répondre à l’offensive russe du 24 février : en jetant les armes et en se dirigeant vers les collines.

Et l’Europe ? Je devrais dire “et les Etats-Unis” mais vu qu’eux soutiennent massivement l’Ukraine tandis que l’Europe - tout en prétendant le contraire - le fait à contre-coeur et voudrait bien que l’Ukraine combatte avec une main liée dans le dos… De plus, les grands (France, Allemagne) occultement et les moyens (Autriche, Hongrie) ouvertement, expriment une sorte de neutralité, entre autres, pour trouver une porte de sortie honorable pour - ce qui est maintenant indiscutable - un criminel paranoïaque – M. Poutine. Ceci résulte clairement du fait que les États Unis ont, déjà, fait un effort de 19 milliards de $ en faveur de l’Ukraine quand la France en a fait un de 1% de ce que les Etats Unis ont mis sur la table et même pas 10% de ce que la Pologne a donné (Kiel Institute of World Economy). Et les dirigeants européens continuent leur myopie, eux, qui ont renoncé aux sources d’énergie traditionnelles (charbon, gaz et surtout nucléaire) au profit du soleil et du vent, bien qu’ils sussent que ces sources ne peuvent être que d’appoint, et qui ont mis leur confiance dans le gaz de M. Poutine. On vient d’apprendre que Olaf Scholz joue un jeu similaire. Il dit soutenir l’Ukraine, mais on sait aussi qu’il a joué un double jeu dans le passé. Il vient d’avoir un appel téléphonique de 90 minutes avec M. Poutine cette semaine. Les médias allemands ont seulement rapporté que Scholz a appelé M. Poutine à retirer ses troupes. Mais on soupçonne fortement que la reformulation des positions connues n’était pas la partie principale d’une conversation de 90 minutes. (Eurointelligence, 16.09.22). Comme on soupçonne que d’avoir promis des armes (chars d’assaut, chars anti-aériens, véhicules de transport de troupes, etc ,) en avril et ne rien avoir envoyé ce n’est pas un oubli.

Et calmement, aujourd’hui, ils nous préviennent qu’un hiver gelé, sombre et coûteux nous attend. Il n’est pas exclu qu’ils puissent se tromper encore. Curieux. D’autant plus que, d’un côté, les choses ne vont pas bien dans l’économie russe et, d’un autre côté, il semblerait que les perspectives européennes (hiver, gaz, électricité, etc.,) sont beaucoup moins mauvaises que ce que l’on nous a dit ces dernières semaines. En effet, la campagne économique visant à contraindre les gouvernements européens à abandonner leur soutien à l’Ukraine en freinant brusquement leurs approvisionnements en gaz naturel semble moins pertinente à mesure que les prix du gaz baissent, que les finances publiques russes se détériorent et que le continent prévoit, sérieusement, d’alléger la pression sur les ménages et les entreprises. Regardez.

« Selon le Kremlin, 230000 emplois industriels sont déjà en jeu. Les recettes fiscales se sont effondrées : l’excédent budgétaire de la Russie, toujours impressionnant au début de l’année, a chuté à presque zéro au cours de l’été » – Der Spiegel 16.09.22. Mais il y a mieux (ou pire pour la Russie) : « Mais un consensus croissant parmi les fonctionnaires, les spécialistes de l’énergie et les économistes suggèrent que, bien que les actions russes causent de graves difficultés dans de nombreux endroits, M. Poutine échouera probablement et que l’Europe devrait passer l’hiver sans manquer de gaz ou d’essence. Une fois cet hiver terminé, l’emprise de M. Poutine sur l’approvisionnement énergétique de l’Europe aura décliné de façon critique » (hill.daylyfeedmail.net 19.09.22). Mais on sent, déjà, que la roue peut tourner : les revenus des taxes en Russie ont diminué en juillet 2022 vs juillet 2021 de presque 30%.

Les données du gouvernement russe publiées lundi montrent que le gouvernement est passé à un gros déficit budgétaire en août. L’excédent budgétaire a diminué à 137 milliards de roubles, soit 2,3 milliards de dollars, pour les huit premiers mois de l’année, d’environ 481 milliards de roubles en juillet depuis le début de l’année (bnn.bloomberg.ca/r) soit août/moyenne 7 mois = 45% ! Ce qui risque de faire atterrir l’économie russe dans un déficit budgétaire à court terme.

Car (toujours Bloomberg) si les soldes budgétaires de cette année ont été prévus à 100 $ le baril de pétrole, les revenus de l’année prochaine pourraient avoir besoin de 108 $ à mesure que les dépenses augmentent. Surtout quand on sait que les ventes à la Chine ou à l’Inde (qui remplacent celles à l’Europe) se font au maximum de 65 $ le baril (voire même, selon certains portails, à 35 $ le baril). Avoir fait peur, surtout à l’Europe, avec les livraisons de gaz (aujourd’hui arrêtées pratiquement en totalité -moins pour la Hongrie, Bulgarie et Slovaquie) se retourne comme un boomerang : le prix du gaz a entamé une réduction (45% entre août 26 et 16 septembre :

Tout ce qui précède fait dire au Professeur Lawrence Freedman (King’s College, Londres) : « Les récents revers militaires de la Russie et les difficultés économiques qui ont peu à peu encouragé l’économie russe, surtout russe, ont fait naître l’espoir que la guerre serait terminée le plus tôt possible, mettre fin à la mort, à la destruction et aux perturbations économiques mondiales qu’elle a causées. Ce qui semblait être une confrontation plutôt lente est maintenant plus dynamique. À un égard clé, l’offensive réussie de l’Ukraine, dans laquelle Kiev a repris des milliers de kilomètres carrés de territoire oriental en quelques jours, a rapproché un peu la paix. Les seules conditions pour une paix stable impliquent que la Russie retire ses forces de l’Ukraine. La perspective de nouvelles humiliations sur les champs de bataille devrait encourager le président russe, Vladimir Poutine, à chercher une sortie digne. (Lawrence Freedman, 15.09.22). Et je me permets d’ajouter, ceci devrait faire taire (ou faire faire taire) les Pythies delphiques de chez nous qui prédisent, tous les jours de la semaine, l’apocalypse maintenant.

A ceux qui prônent « une certaine neutralité » l’ancien Secrétaire de l’ONU Ban Ki-Moon vient de dire « : « La neutralité face à l’agression de la Russie n’est défendable ni moralement ni juridiquement » (Le Monde 20.09.22). Ce qui fait rappeler une citation apocryphe qui circule, avec un grand succès, sur les réseaux sociaux - Les places les plus chaudes en enfer sont réservées à ceux qui lors des grandes crises morales maintiennent leur neutralité. (Histoire d’une fausse citation de Dante – Divine Comédie, Mark Mentré juin 2020).

 

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