Un nouveau texte.
Point de départ, avant les vacances, pour savoir mesurer à la rentrée ce qui s’est passé entre temps.
Le point de départ : l’actualité se mouvant avec une vitesse moindre pendant les vacances d’août, pour pouvoir apprécier en septembre ou octobre la distance parcourue, on est tenus de préciser le point de départ. Parallèlement, je réponds aussi à des lecteurs qui trouvent mes « productions » trop espacées !
Les trois sujets abordés par le blog depuis bientôt deux ans sont la France, Israël, et l’Ukraine. Commençons dans l’ordre, en surfant d’abord sur la cime des vagues, en laissant et les nombreux détails et les démonstrations (souvent nécessaires) de côté.
France – trois aspects essentiels pour l’existence de notre beau pays : économie, éducation, sécurité.
L’économie : le résumé fait par N. Baverez (Le Figaro, 10.07.23) me semble tellement clair et (presque) exhaustif qu’il n’est pas nécessaire d’en ajouter: « Faillite économique avec une croissance nulle et des gains de productivité en diminution, annonçant la sortie (du groupe) des dix premières puissances économiques mondiales avant la fin de la décennie. Faillite sociale, avec une richesse par habitant inférieure de 15 % à celle de l’Allemagne, un chômage de masse et une pauvreté touchant plus de 9 millions de personnes. Faillite financière, avec une dette publique qui a dépassé 3000 milliards d’euros, redoublée par une dette privée de 146 % du PIB ainsi qu’une balance commerciale déficitaire de 7 % du PIB. Faillite civique, avec un État-providence qui a détruit la citoyenneté - les revenus de 70 % des Français dépendant de manière critique des aides sociales -, la sécession d’une immigration incontrôlée, une jeunesse ayant pour seul repère les réseaux sociaux. Faillite politique d’un État obèse et impotent, qui monopolise 58 % du PIB tout en étant incapable de remplir sa mission première de maintien de la sécurité comme d’assurer les services essentiels dans les domaines de l’éducation, de la santé ou des transports. Faillite morale liée à la dynamique de la haine, de la violence et de la peur, qui alimente la défiance des citoyens envers la démocratie et prépare l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite. N. Baverez – Le Figaro, 10.07.23
Ce que l’on peut ajouter, quand même, c’est :
- Les rodomontades fallacieuses des gouvernants élevant le taux de chômage au panthéon des réalisations exceptionnelles des quinquennats « Macron », fallacieuses car ce qu’on a ajouté au champ du travail ce sont des emplois subalternes, essentiellement occupés par des travailleurs issus de l’immigration, légale ou illégale ;
- Il y a certes aujourd’hui presque 6% d’emplois de plus qu’en 2019 MAIS le PIB n’a augmenté, lui, que de 1,3% (Mathieu Plane, 18.05.23) ;
- Le solde export-import est devenu systémiquement négatif ; il faut se souvenir que dans les années 70/80 les produits industriels fabriquées en France représentaient env. 24% du PIB, ils ne représentent plus qu’env. 10% du PIB que les 235.000 entreprises industrielles produisent avec quelque 2,7 millions de salariés directs (soit env. 11% des 25.000.000 des salariés français) ; ajouter que le nombre d’heures travaillées annuellement (par env. 6.000.000 personnes) s’est réduit de 350 heures (INSEE) et que tout cela fait que la France 3ème puissance économique il y a 50 ans va probablement sortir du groupe des 10 premières puissances économiques en 2024 et se trouve 28ème du monde pour le PIB/habitant – 15% de moins que l’Allemagne et (presque) 20% de moins qu’Israël (Banque Mondiale).
Education – un changement de ministre dans un remaniement ministériel de pacotille devient un espoir visant à réparer le délabrement du système éducatif français, jadis un des meilleurs du monde. Loué pour représenter l’ascenseur social le plus socialement égalitaire et qui a, presque, disparu en totalité. Il ne faut pas tirer sur une ambulance, dit-on, il s’agit pourtant d’une tragédie majeure dont on a commencé à subir le coût et qui sera notre handicap le plus important pendant les années à venir.
Israël – Un pays qui ne laisse personne indifférent surtout depuis 56 ans, depuis qu’il a réussi, en six jours, de vaincre les armées arabes de cinq pays qui voulaient « jeter les juifs à la mer » Pays qui, en 1948, quand il a été admis à l’ONU était pour l’essentiel un territoire encore plein de marais et en grande partie, un désert.
Aujourd’hui, presque, auto-suffisant pour tous ses besoins alimentaires, exportateur de beaucoup d’entre eux. Il s’est hissé parmi les premières puissances militaires mondiales (4ème armée du monde ?) et s’est dotée d’une industrie qui fabrique tout ce dont il a besoin, des cartouches jusqu’aux chars d’assaut Merkava (parmi les six premiers au monde). Des drones (il les a inventés, aujourd’hui 2ème fournisseur mondial après les Etats-Unis). Informatique ? Cybernétique ? Sécurité Internet ? Plateformes de paiement ? Fabrication de microprocesseurs et chips divers ? Logiciels pour Microsoft ? Systèmes GPS que Google utilise mondialement ? Comme on dit en anglais : You name it. Mais ce n’est pas pour cela qu’aujourd’hui il occupe les premières pages de la presse bien-pensante du monde : on nous explique que la démocratie est en danger de mort en Israël.
On devrait se souvenir qu’Israël a connu depuis 1948 37 élections et 55 gouvernements de gauche, de centre et de droite et que sa démocratie a tenu bon. Ce que le nouveau Gouvernement sorti des élections de novembre 2022 veut changer c’est ce qui a été insidieusement introduit par le Président de la Cour Suprême, A. Barak, en 1995, le déséquilibre entre les trois pouvoirs (législatif, juridique et exécutif) en donnant la prééminence au juridique (avec des juges non nommés/validés par des élus comme aux EU ou en UK ou même en France et qui se succèdent et se cooptent par un processus qui leur accorde un droit de véto).
Robert Bork, qui a été nommé par le président Ronald Reagan à la Cour suprême des États-Unis en 1987, a écrit dans son livre de 2003 intitulé Coercing Virtue : «Ce n’est pas aux États-Unis, ni au Canada, mais à l’État d’Israël que l’on attribue la première place pours la déformation judiciaire la plus importante du gouvernement d’un pays démocratique. La Cour suprême israélienne est en train de devenir l’institution dominante du pays, une autorité qu’aucun autre tribunal au monde n’a jamais atteinte.» Et la situation s’est considérablement aggravée depuis que R. Bork a fait cette observation. (Daily Caller 29.07.23).
A tel point que la Cour Suprême a déjà déclaré qu’elle considérerait, en vue de juger, les pétitions juridiques contre la loi dite "raisonnable" (loi promulguée par la Knesset et qui lui interdirait de contester les décisions des ministres ou du Premier Ministre comme non «raisonnable »). Ce qui conduirait à une situation grotesque dans laquelle un tribunal judiciaire jugerait sa propre législation de dépouillement de juridiction promulguée par les députés élus dans une société sans constitution. Kafka, où es-tu ?
Sauf si j’ai tout mal compris, ce que B. Netanyahou et les siens veulent faire (c’était dans leur programme électoral) c’est de rétablir la balance entre les trois pouvoirs. Et, ça, il me semble que c’est raisonnable, comme dans toute démocratie. Mais que non.
On crie, on bloque des rues, on annonce les pires perspectives apocalyptiques pour l’économie du pays (des prévisions, d’habitude auto-réalisatrices), le tout d’après une approche idéologique clairement proposée par un ancien général, ancien premier ministre, depuis trois ans. Qui se considère investi par une caste (laïque, riche, ashkénaze, de gauche) qui n’entend pas céder les leviers du pouvoir qu’elle détient depuis des lustres. En réalité, deux raisons sont à l’origine de ce qui se passe actuellement. La première tient à la haine (je mesure mes mots) que la gauche israélienne et mondiale voue à B. Netanyahou. Il a été élu premier ministre six fois, il a gouverné pendant 16 ans, il est à l’origine de la transformation d’Israël, pays socialiste, en économie de marché libre, à l’éclosion des startups High Tech, à l’origine de l’industrie gazière construite ex nihilo, à l’origine de plusieurs percées diplomatiques, les Accords Abraham étant la dernière. Et encore la semaine dernière, une enquête d’opinion le montre comme le plus capable d’être premier ministre (45% des sondés, donc, plus que les 35% de l’électorat juif qui lui ont fait gagner les élections). La deuxième est d’ordre social. La «caste» craint l’avenir : la démographie d’Israël change, les «déplorables» (plutôt religieux, pauvres, plutôt de droite, séfarades) commencent à prédominer dans les élections et, sans doute, le pli est pris pour contester les pouvoirs de ceux qui les détiennent aujourd’hui. Seul moyen d’empêcher, au moins de retarder, c’est de garder en place les institutions qui vont bien. Peu importe que parmi les 55 premiers ministres qu'Israël a connu il n’y ait pas eu un seul séfarade. Ou que parmi les membres de la Cour Suprême (15) il n’y a jamais eu plus qu’un séfarade.
La gauche israélienne (et la population dont on lave le cerveau, env. 30% de l’électorat juif) menace d’arriver à une guerre civile qui, selon elle, a pour origine la destruction de la démocratie israélienne par les actuels gouvernants. Tu parles…
UKRAINE – Un peu plus de 500 jours depuis que la Russie a agressé un pays 20 fois plus petit qu’elle, avec une population trois fois plus moindre que la sienne et un PIB 8 fois inférieur. Aujourd’hui elle constate (et nous, avec elle) qu’elle a perdu, jusqu’ici, plus 4.000 chars d’assaut, de milliers de drones, systèmes d’artillerie, avions, hélicoptères, bateaux et que tout en détenant encore 16% du territoire ukrainien elle s’est vue reprendre, presque la moitié de ses gains de février/avril 2022. Elle a perdu (informations dignes de confiance) plus de 250.000 soldats (probablement 100.000 morts et 150.000 blessés). A titre de comparaison, pendant les 9 ans de guerre en Afghanistan elle a perdu 26.000 soldats.
La Russie n’a pas réussi à atteindre son objectif principal, de prendre le contrôle politique de l’Ukraine, mais semble toujours capable de soutenir la guerre à son niveau actuel. Naturellement, il n’est pas question que l’Occident reconnaisse de jure l’annexion des territoires ukrainiens par la Russie.
L’offensive ukrainienne actuelle ne réussira peut-être pas de façon spectaculaire – les critiques ont peut-être raison – tout en sachant que l’Occident qui aide l’Ukraine le fait d’une curieuse manière : en lui donnant, pratiquement, ce dont elle a besoin mais… avec un retard de six mois. En face, la Russie a besoin de faire plus que s’accrocher à des lignes de défense des territoires encore détenus. Elle doit gagner, de façon décisive, pour forcer l’Ukraine à négocier, pour mettre fin à cette guerre dont l’hémorragie risque de sérieusement affecter son avenir. L’Ukraine, en revanche, a juste besoin de durer, ce qu’elle a montré qu’elle peut et qu’elle veut. En cela l’aide des Etats Unis et l’Europe (PIB 25 fois supérieur à celui de la Russie) est fondamentale et ne devrait pas être parcimonieusement accordée.
Encore un mot : notre pays et l’Ukraine. On n’a pas fait preuve de générosité après nous avoir parlé, à répétition, des 18 canons Caesar livrés à l’armée ukrainienne. Ou après la mise à leur disposition des «chars sur roues» modèles 1980 qui sont sortis de la dotation de nos armées. Mais notre Président, après s’être égaré dans une approche pacifiste de M. Poutine, après avoir fait croire qu’il était de tout cœur du côté de l’Ukraine, il n’est plus crédité par les pays de l’Est, qui ont connu le joug russe pendant des dizaines d’années, d’une grande vision géopolitique. Dommage, il se présentait en «président de l’Europe» c’est parti à vau l’eau.