Comment écrire, objectivement, sur ce qui se passe en Israël sans être taxé, volens nolens, de «suppôt de Netanyahou, réactionnaire, raciste, même» ?
J’ai fait l’exercice pour la France, je vais essayer de le faire pour Israël aussi.
Tout d’abord, souvenons-nous, cette semaine on y fête, avec joie, bonheur et espoir la Nouvelle Année juive et on célèbre, avec un certain effroi, les 30 ans de la conclusion des Accords d’Oslo qui a valu aux trois impétrants (Y. Rabin, S. Peres et Y. Arafat) un prix Nobel de la Paix. Mais semaine exceptionnelle car pour la première fois de l’histoire du pays sa Cour Suprême, réunie avec tous ses 15 membres, examinait des demandes concernant l’annulation éventuelle d’une «loi fondamentale» Sans en avoir le droit de le faire, selon des juristes distingués.
Donc parlons d’abord de la Cour Suprême (CS) et, ensuite, des Accords d’Oslo.
C’est la Cour Suprême qui avait statué que les lois fondamentales sont quasi constitutionnelles et qu’elles ont donc préséance sur les lois ordinaires. L’autorité judiciaire est accordée par le souverain, le peuple, par le biais de la Knesset, qui légifère, seule, les Lois Fondamentales, tel que prévu par une des 6 lois fondamentales, «Le Judiciaire». Il semblerait connu et admis qu’il n’est pas de démocratie dans laquelle un tribunal puisse débattre des chapitres de la constitution - lois fondamentales dans le cas d’Israël qui ne dispose pas d’une constitution. Wikipédia nous dit : Les lois fondamentales d'Israël sont une série de lois à caractère constitutionnel adoptées par la Knesset. Ces lois ne peuvent être remises en question sans un vote à la majorité absolue. Mais, sans crier gare, la CS semble vouloir passer outre. L’invention israélienne n’est pas la démocratie, mais plutôt – comme l’a appelé l’ancien président de la Cour Suprême, Moshe Landau – une «dictature judiciaire». La Cour Suprême actuelle est, en réalité, une oligarchie juridique qui, de facto, dirige le pays à la place du gouvernement élu. Car elle s’est arrogé, avec le temps, le droit d’intervenir dans toute affaire/sujet qu’elle considère de son intérêt, qui lui serait soumis par n’importe qui, sans passer par une juridiction de premier ou deuxième niveau. La CS est devenue la LOI en soi. Elle annule tout ce qu’elle veut, quand elle veut, quand elle pense que le gouvernement choisi par les électeurs a fait quelque chose qu’une majorité de juges (par exemple, 2 sur 3 qui jugent l’affaire) estiment "déraisonnable" Y compris la nomination de ministres représentant les électeurs ayant voté pour ceux qui ont gagné les élections.
Une réforme judiciaire, qui est en partie une tentative, après 40 ans, de rétablir l’équilibre entre les branches du pouvoir et donc de renforcer la démocratie, a été annoncée par le gouvernement issu de l’élection pour la Knesset en novembre 2022. Pour l’instant il s’agit d’un amendement à une loi fondamentale qui vise à réduire le pouvoir discrétionnaire de la CS, en clair, sa capacité d’annuler une loi promulguée par la Knesset parce que selon deux/trois juges affectés à son examen, elle la considérerait comme «non raisonnable» Si on en restait là il n’y aurait pas grande chose à ajouter. Mais, en réalité, ce que le duel actuel entre la CS - représentant, par sa composition, son mode recrutement et son fonctionnement une catégorie particulière de la population israélienne - et le gouvernement élu représentant d’une autre catégorie de la population (majoritaire aux dernières élections), signifie, c’est une fracture de la société civile israélienne.
Malheureusement, le nouveau gouvernement porte le stigmate de deux tares : il comporte des ministres considérés «d’extrême droite» et est dirigé par B. Netanyahou, tête de turc de la gauche et du centre israélien qui essaye depuis 16 ans (avec des interruptions) lui faire rendre gorge.
Et c’est ainsi que depuis 38 semaines des dizaines de milliers d’israéliens manifestent, pas tellement contre la reforme judiciaire (que pratiquement toute la classe politique israélienne voulait faire depuis des lustres) mais contre le gouvernement élu avec l’objectif premier de détrôner M. Netanyahou. Et tout y est bon, y compris la projection d’un sinistre quolibet sur l’immeuble des Nations Unies à New York et des protestations qui doivent coûter les yeux de la tête à Los Angeles ou à New York.
Ne demandez pas combien cela coûte… les sponsors des manifs (riches fondateurs de start-ups, State Department via des officines plus ou moins connues, NGO’s liées au Groupe Soros, j’en passe et de meilleurs) ne regardent pas la dépense pourvu que le résultat obtenu soit celui espéré. Résultat des machinations d’un «quarteron de généraux» en manque de commandements et peu «successful » dans la vie civile, qui depuis 2020 ont comploté pour faire tomber un gouvernement qui ne correspondrait pas à leurs idéaux. Regardez https://www.youtube.com/watch?v=6JoIkasc8DI
Il y a vraiment deux débats en cours en Israël aujourd’hui. Il y a un débat sur le fond de la réforme judiciaire, puis un débat plus approfondi sur l’identité, une sorte de guerre culturelle. La gauche israélienne sent qu’elle est assiégée et qu’elle risque de ne plus pouvoir gagner des élections.
La droite israélienne estime qu’elle a enfin une chance de corriger un tort historique qui l’a empêchée, de manière antidémocratique, depuis deux générations de réaliser ce dont elle était porteuse. Et comme cela dure depuis deux générations, le conflit est devenu viscéral, aucun dialogue qui pourrait créer une meilleure réforme, la réforme que la majorité du pays veut vraiment, ne semble possible d’être engagé.
Cela étant, puisque la CS s’est arrogé le pouvoir de décider de TOUT que ce soit avec 3 juges, comme pour les affaires courantes ou avec 15, cela ne change rien car ce n’est pas écrit dans la loi de base Le Judicaire, disent des juristes qui savent de quoi ils parlent. Eh oui, seule la Knesset a le pouvoir de promulguer des lois. Dans un pays normal, avant d’arriver à la CS, on passe par une Première Instance et, éventuellement, une Cour d’Appel. Ceci limite les affaires dont une CS a à s’en occuper. Puisque la CS d’Israël a voulu décider de TOUT, elle ne demande pas le «standing» (devraient arriver à elle seulement les affaires qui sont propres au soumissionnaire et/ou déjà jugées par une ou deux cours qui admettent qu’elles aillent plus loin «l’appel accepté»). La CS d’Israël est en cela différente de tous les autres pays (démocratiques, naturellement) car elle reçoit entre 10.000 et 12.000 demandes de jugement (pétitions) tous les ans (CS aux USA env. 100/an - la France a deux CS, une de Cassation (magistrats professionnels) et le Conseil Constitutionnel (membres nommés par les élus du peuple). La CS en Israël CHOISIT les affaires qu’elle veut (que ses membres non élus par le peuple, veulent) et laisse les autres à attendre pendant des années.
Se réunir, le 12 septembre, pour entendre des pétitionnaires (qui ne seraient jamais admis dans une CS des pays démocratiques) a conduit à une situation grotesque dans laquelle un tribunal judiciaire juge sa propre législation de dépouillement de juridiction promulguée par les députés élus dans un pays sans constitution. Kafka, où es-tu ?
La voilà réunie à la demande d’un pétitionnaire qui pétitionne : «L’accusé numéro 2 (le Premier ministre Netanyahou) a décidé de mener un coup d’État gouvernemental dans l’État d’Israël. Il a décidé d’écraser le pouvoir judiciaire, il a décidé de démanteler le système d’application de la loi, il a décidé de démanteler l’institution du procureur général, il a décidé de démanteler le bureau du procureur, la police - tous les gardiens de la loi. Aussi du gouverneur de la Banque d’Israël, le président de l’Autorité des sociétés d’État et nous transformer en un État dictatorial» Pas mal, n’est-ce pas ?
Recommençons : rien ne peut nettoyer la CS de sa malfaisance actuelle : ce qu’elle est, comment elle se régénère, comment elle fonctionne -sans limites de compétence et sans contre-pouvoir. Mais se considérant au-dessus de tout, elle s’estime parfaitement en droit d’entendre la déposition d’un pétitionnaire et, comme il n’y pas de limites à ce qu’elle peut faire, elle peut dépasser les bornes ! N’oublions pas, elle est le représentant d’une catégorie de la population israélienne (ce dont elle se défend), catégorie pouvant être considérée comme une caste : plutôt riche, plutôt laïque, plutôt de gauche, plutôt ashkénaze. Plutôt riche ? Le Père Marx nous avait appris la lutte des classes, les pauvres (qui n’ont à perdre que les chaînes) contre les riches ; Israël est en train de nous apprendre la lutte des riches (élites) contre les pauvres avec l’évident espoir que les pauvres souffrant de plus en plus, à un moment donné, vont défaire un gouvernement qu’ils ont choisi via d’élections régulières. Un texte publié par TABLET mérite d’être lu : https://urlz.fr/nflz
On ne sait pas ce que la CS va annoncer comme résultat des délibérations de ses 15 juges. Ce sera le 16 janvier 2024 : elle se trouve dans la position inconfortable et sans précédent, de se prononcer sur elle-même : elle peut décider de faire respecter la loi en question, de l’annuler ou de la renvoyer à la Knesset pour qu’elle la modifie. Les paris sont ouverts sachant que quelque soit sa décision cela contentera une partie de la société civile israélienne et désespérera une autre partie. Avec comme corollaire un possible chaos crée par une des parties. Laquelle ?
On a le temps de regarder des choses autrement sérieuses. Par exemple, le dernier rapport de l’OCDE : «Israël est l’un des pays les plus instruits de l’organisation. Ainsi, les élèves de primaire étudient 918 heures par an contre 805 pour la moyenne des pays de l’OCDE. Israël est aussi l’un des seuls pays, avec la France, le Mexique et la Hongrie où l’enseignement est obligatoire à partir de 3 ans.
Le pourcentage de diplômés de l’enseignement supérieur est de 50.6% en Israël contre 40.4% en moyenne dans l’OCDE. En Israël, 88% des élèves terminent leur scolarité au lycée contre 81% pour la moyenne de l’OCDE.
Par ailleurs, Israël est l’un des pays où l’enseignement de l’héritage social et spirituel est le plus important. L’accent est mis sur l’expression orale, l’héritage social et spirituel, les mathématiques et les langues étrangères auxquels sont consacrés plus d’heures d’enseignement que dans la moyenne des pays de l’OCDE». Environ 7,1 millions de Juifs et deux millions d’Arabes vivent en Israël, partagés en 73% et 21% de la population; il y a plus d’un demi-million d’Israéliens de différentes origines religieuses et ethniques. Quelque 74.000 nouveaux immigrants sont arrivés en Israël en 2022, rejoignant les quelque 3,4 millions de personnes qui ont immigré en Israël depuis la création du pays. Bon à savoir, malgré les épreuves douloureuses et les tribulations de ces derniers temps, pas moins de 90% des Israéliens se disent satisfaits de leur vie (Israël se trouve parmi les 10 pays les plus heureux au monde - World Happiness, Report 2023). Certes, la protestation anti-réforme a traversé les frontières d’Israël il y a longtemps : menaces de retrait de fonds, d’émigration à l’étranger, tweets et articles en anglais rédigés par des personnalités israéliennes et même des manifestations en Europe et aux Etats Unis. Il semblerait que parce que la nation "ne sait pas comment" élire des représentants approuvés par la gauche, cette dernière c’est donné le droit d’aller pleurer sur les épaules des pays étrangers (so to speak). Sans se soucier du fait que pour les ayatollahs d’Iran, l’islam radical, l’extrême gauche mondiale et autres ejusdem farinae, les pour ou contre la réforme en discussion font partie de la même catégorie : à faire disparaître. Et qui regardent avec une hyperphagie manifeste le déchirement du tissu sociétal israélien par ceux qui préfèrent détruire le pays que de laisser la «droite» gouverner.
Le produit intérieur brut (PIB) par habitant d’Israël, 58.270 $ (Banque Mondiale), est le 13e plus élevé au monde; il a dépassé celui de la France, du Japon et de l’Allemagne. Parmi ses prouesses, semble-t-il, Israël est la quatrième puissance militaire au monde et se trouve parmi les dix premiers exportateurs d’équipements militaires. Y compris des chars d’assaut, deuxième constructeur mondial de drones (elle les a inventés)
A propos de la chose militaire. Une toute petite proportion des réservistes de l’armée (moins de 2%, mouvement qui s’étiole - Commander of the Reserve Forces Corps Brigadier-General Benny Ben Ari, 15.09.23) menace de ne pas servir si la réforme judiciaire passe car la démocratie sera détruite. Bigre.
N’empêche, le prix Nobel Prof. Yisrael Aumann a affirmé aujourd’hui (12.09.23) dans une interview avec Kan que «l’État d’Israël est déjà au milieu d’un coup d’État militaire, mais qu’en cas de guerre civile, il sera de ceux qui agitent un drapeau blanc». (INN – 12.09.23) Il est de «droite» et depuis Begin/Altalena on sait que la gauche n’hésite pas à tuer pour garder le pouvoir tandis que la droite ne l’a jamais fait.
ooo
Et les accords d’Oslo. En très bref, il s’est agi d’une reconnaissance mutuelle (Israël, OLP), de la permission aux troupes et aux civils de M. Arafat de s’installer à Gaza et à Ramallah (Cisjordanie), de leur faciliter une certaine autonomie provisoire en vue de solutions plus pérennes, bref, d’imaginer une coexistence pacifique fondée, essentiellement, sur le renoncement palestinien au terrorisme. Les accords Oslo ont été votés avec 61 voix par la gauche (y compris les députés arabes) contre 59 voix (tous juifs) – un an après, (apocryphe) «Shimon Peres – c’était une erreur», Rabin «on a eu tort de croire Arafat» (selon Y. Carmon, ancien Conseil de Y. Rabin).
Et toujours en résumé : depuis Oslo jusqu’au 16.11.22 (Wikipédia) 305 attentats terroristes palestiniens faisant plus de 1.000 morts et on continue à compter, plus de deux douzaines en 2023. Oslo était censé mettre fin au terrorisme palestinien. Comme on le sait, il n’a rien été.
On s’était habitué à penser que les accords d’Oslo ont été une double défaite, celle de la droite nationaliste et des ultra-orthodoxes israéliens qui ne pensaient qu’au Grand Israël et celle de l’islam radical pour lequel Oslo paraissait signifier la fin du rêve de rédemption de la terre de Palestine, de toute la Palestine, et de la réalisation de l’objectif sacré de liquider Israël et d’en expulser les juifs. Ces deux «défaites» constituent la clé pour comprendre la ligne politique de ces deux courants. Mais on oublie la gauche (Rabin) qui a accepté les accords et le «camp de la paix maintenant» disparu depuis qu’il avait compris qu’Oslo était une sinistre fumisterie car les palestiniens n’ont jamais renoncé à ce qui reste écrit dans la Charte de l'OLP, savoir, la libération de la Palestine «du fleuve (le Jourdain) à la mer» c’est-à-dire la destruction d’Israël. Mais «Oslo» a, quand même un mérite : plus jamais Israël n’abandonnera la souveraineté militaire sur des territoires qui autrement deviendraient, comme Gaza, des repaires du terrorisme alimentés par l’Iran qui a écrit sur le frontispice de sa constitution l’ardente obligation de la destruction de l’Etat Juif. Et les palestiniens ?
Depuis la renaissance d’Israël (1948) le nombre des palestiniens a doublé neuf fois (WAFA, 13.05.20). ONU a crée un organisme indépendant Unrwa pour les réfugiés palestiniens alors que le reste du monde est géré par le HCR sachant qu’il y a aujourd’hui près de 70 millions de réfugiés à travers le monde et 258 millions de personnes déplacées. Et les 5,4 millions de palestiniens disposent d'un budget de 1,2 milliards USD tandis que les 65 autres millions se partagent 6 milliards USD. Cela aurait-elle quelque chose à voir avec un certain désamour international concernant Israël ?
The NGO, United Nations Watch, reported in 2022 that, during that year, the UN General Assembly adopted 15 resolutions against Israel versus just 13 for the rest of the world combined. Furthermore, from 2015 through 2022, the NGO reported the UNGA adopted 140 resolutions on Israel alone versus only 68 on other countries.
Depuis les Accords d’Oslo le ban et l’arrière ban de la «communauté internationale» avec en tête les Etats Unis (sous Administration Démocrate) et l’Union Européenne (sous l’impulsion, souvent déterminante de la France, la Belgique et l’Irlande) s’évertue à faire avaler à Israël la «solution à deux états». Qu’en réalité les palestiniens n’en veulent pas, 80% d’entre eux préférant la solution d’un état (71% des sondés ont exprimé leur soutien à la constitution de groupes armés palestiniens – I24, 15.06.22) le leur, en faisant disparaître celui des juifs. Mais qu’a cela ne tienne, l’Union Européenne contribue au bonheur des palestiniens qui attendent, patiemment, la destruction d’Israël pour environ 400 millions € tous les ans (Le Monde, 16.06.22) et les Etats Unis pour 450 millions $ (Les Echos, 08.04.21).
Les Accords d’Oslo ? 30 ans après on se rend compte, parfaitement, qu’ils n’ont valu même pas le coût du papier sur lequel ils étaient écrits. Car, comme l’islam nous l’apprend, ce n’était que mensonge, mensonge permis dans trois cas : un homme qui cherche à plaire à sa femme, en cas de guerre et dans le cadre d’une réconciliation. Et comme les palestiniens sont en guerre avec les juifs …