L’illusionniste
Sonnez trompettes, résonnez musettes, avissse aux populations : l’Union pour la Méditerranée, projet majeur de notre président vient d’être lancée.
C’est-à-dire, pas vraiment … Tout d’abord, tout en avalant de travers, notre président a dû accepter que le titre du nouveau machin soit « Le processus de Barcelone : une Union pour la Méditerranée » Le processus de Barcelone a été lancé en 1995 et s’est distingué depuis par … rien. C’est donc la raison pour laquelle Mme Merkel a imposé au petit Napoléon le changement de programme.
Ensuite … il faut attendre un peu car l’Article 28 de la Déclaration Commune dit « Les détails du mandat de la nouvelle structure institutionnelle, le fonctionnement de la coprésidence ainsi que la composition, le siège et le financement du secrétariat, seront arrêtés par consensus par les ministres des affaires étrangères en novembre 2008, sur la base de discussions approfondies et des propositions présentées par tous les partenaires » Faut-il que l’on soit des jobards consommés pour ne pas comprendre que le charabia qui précède traduit l’impossibilité de se mettre d’accord sur les premiers réquisits de ce machin. Pour ne pas parler de la co-présidence qui sera assurée par le représentant de l’Europe pour les affaires étrangères (encore un job pour l’ineffable, le marathonien des discussions avec l’Iran, pour celui qui demandait conseil au Cheik Yassine -fondateur du Hamas- pour celui qui assurait que « le Hamas ne veut que la liberté pour son peuple », le nommé Javier Solana) et un représentant du Sud choisi par consensus …
Mais c’est quoi ce machin ? Le bon docteur Kouchner (« qui n’était pas bien à l’aise » en juin 2008 quand il a appris que Bachir el Assad allait être invité à Paris) assène «La conférence de Paris sur l’Etat palestinien fut un succès mais l’essai doit être transformé. La France entend s’y employer activement lors du sommet et en faire une des priorités de sa présidence européenne car le processus de paix est menacé. L’Union Européenne doit jouer sans complexe tout le rôle qui lui revient au Proche-Orient. Ce sommet se veut celui de la paix entre tous les Méditerranéens» Suite à quoi le ministre syrien des affaires étrangères quitte la salle quand son homologue israélien prend la parole et son patron fait de même quand le premier ministre israélien se lève pour parler. Et N. Sarkozy est pris en flagrant délit de mensonge : quand on lui demande en conférence de presse publique si cela est vrai il dit que non. Pour être contredit illico par son collègue, le co-président Moubarak, qui explique d’une manière alambiquée que, peut-être, M. Assad avait quelque chose à faire et c’est pour cela qu’il est sorti …
Essayons de comprendre ce que notre visionnaire de président voulait et ce qu’il a obtenu. Le processus de Barcelone ayant ingurgité plus de 5 Milliards d’euros sans rien produire, N. Sarkozy a cru qu’il pourrait créer une nouvelle structure, éventuellement, contrôlée par la France et constituant un des projets majeurs de sa présidence française et européenne. Mais cela enquiquinait prodigieusement autant l’Espagne (vu que l’argent pour Barcelone était, en grande partie, dépensé là-bas), l’Italie qui savait que son client la Libye allait rejeter le projet (vision prémonitoire car le Guide Suprême a traité le projet « d’acte d’humiliation et de soumission » de l’Afrique) ou de l’Allemagne (qui ne comprenait pas pourquoi il n’y aurait de partenaires que ceux qui touchent la Méditerranée quand l’argent venait de tous les pays de l’Europe »). Ajoutez à cela qu’entre le moment ou N. Sarkozy a lancé l’idée (2006) et aujourd’hui l’Europe se retrouve à 27 … Mais qu’à cela ne tienne, il a peu d’idées mais comme elles sont fixes … voilà 42 chefs d’état ou de gouvernement qui se retrouvent à Paris pour faire ripaille aux frais de la princesse …
Ce que N. Sarkozy voulait c’était créer un mécanisme d’intégration des économies du Sud et du Nord pouvant conduire, à terme, à une création du genre de la Communauté Européenne. En laissant de côté le fait que les 275 millions d’habitants du Sud de la Méditerranée sont tous musulmans. Ce qui ne peut que continuer l’œuvre de destruction des structures européennes car il s’agit de continuer la voie de l’Eurabia (Bat Ye’or). En laissant aussi de côté que ce qui prévaut pour les dictateurs au grand pied (Moubarak et consorts) ou au petit pied (Bachir el Assad et consorts) n’est pas l’avenir économique de leurs peuples mais leur maintien au pouvoir. Pour lequel le rejet d’Israël sous toutes les formes est primordial. Et pour donner des gages, voilà que l’on invite comme partenaires la Ligue Arabe, l’Organisation de la Conférence Islamique, l’Union du Maghreb Arabe, le Conseil de Coopération des Etats Arabes du Golfe et l’Alliance des Civilisations (créature de l’ONU pour promouvoir la collaboration avec le monde musulman). Ce qui a fait que la Déclaration commune n’a pas pu enregistrer une formule classique sur « deux états » car personne du côté arabe ne veut reconnaître le caractère juif de l’Etat d’Israël.
Et alors ? L’illusionniste a encore frappé ! Conférence, dîner, parade pour le 14 juillet, si on montre tout cela c’est que c’est vrai ! Et le bas peuple, de toute manière tout à ses soucis de pouvoir d’achat ou de bouchons sur les routes ou d’un mois de juillet pluvieux … s’en contrefiche !
C’est pour que le spectacle soit complet que l’on a invité celui qui a commandité l’assassinat de l’ancien premier ministre libanais. Président par droit dynastique d’une république responsable de l’assassinat d’un ambassadeur français au Liban et de la mort de presque 100 soldats français. Et dont le pays, création de la France et de l’Angleterre, a toujours « mangé l’appât et pissé sur l’hameçon » comme N.Sarkozy (après d’autres, J. Chirac en particulier) le découvrira rapidement. Mais pour lui montrer de quel bois on se chauffe on lui a fait entendre debout la Déclaration des Droits de l’Homme pendant le défilé du 14 juillet ! Le tout pour faire la nique à son prédécesseur qui quittant l’Elysée occupe maintenant un appartement de la famille du même ancien premier ministre.
A tout seigneur, tout honneur : l’irremplaçable Bernard Kouchner chante des louanges pour l’événement et rappelle, parmi d’autres éléments positifs qui permettraient (selon lui) de voir l’avenir en rose « Il faudrait aussi citer la trêve à Gaza sous l’égide de l’Egypte, les pourparlers israélo-syriens grâce à la médiation turque, ou les échanges humanitaires entre Israël et le Hezbollah. » Le macabre (que peut-être ne lui était pas connu) le dispute à l’ignoble (qui ne pouvait pas lui être inconnu).Echanges très humanitaires, il s’agit d’échanger les deux cadavres des soldats israéliens kidnappés en juillet 2006 contre, du côté d'Israël, en sus de 200 cadavres de « combattants libanais », la libération d'un assassin qui purgeait une peine de « trois fois la vie + 47 ans) » pour avoir assassiné deux policiers et un civile en commençant par tuer une fille de quatre ans sous les yeux de son père … et qui arrivera en héros au Liban. Le Liban, ce pays que la France soutient toujours et qui déclare le retour d’un assassin « fête nationale ». Bernard Kouchner n’a pas perdu seulement ses repères en migrant de la gauche vers la droite, il a perdu aussi son âme.
En ce 14 juillet on pourrait quand même se poser la question « c’est quoi la France ? République bananière ? C’est quoi exactement une république bananière ?