20 novembre 2008
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L’illusionniste
Ou l’irresponsabilité de la politique étrangère de la France
Ou l’irresponsabilité de la politique étrangère de la France
Depuis l’invasion de la Géorgie par la Russie, arguant de sa responsabilité de président de l’Union Européenne, on a vu Nicolas Sarkozy vibrionner en s’apparentant plus à une sorte de maladie de Parkinson mâtinée d’un peu d’Alzheimer. On laisse de côté le caractère épileptique de ses agissements en France (le matin il s’occupe du meurtre d’un étudiant poignardé par un malade mental tandis que l’après-midi il décide de « renationaliser » des chantiers navals …). Contentons-nous de regarder ce qu’il fait au plan international là où, par delà l’Europe, il s’agit de la politique étrangère de notre pays.
Trois sphères d’intérêt et d’actions sans répit pour notre président : la Russie et ses nouvelles ambitions impériales, la Syrie et son ancien vassal, le Liban et, naturellement, la sauvetage de l’économie mondiale par la réforme du «capitalisme financier»
La Russie. Représentant en chef des tenants de la politique d’apaisement, notre président s’est fait avoir par les Russes qui, une fois qu’ils lui ont fait signer les termes d’un accord de « cessez-le-feu » en Géorgie, les ont transgressés sans vergogne. Et la France de dire « problème de traduction » … Trois fois ensuite l’ineffable Bernard Kouchner est allé sur place pour constater que les Russes ne respectaient pas leurs engagements. Avec deux conséquences : le dépeçage de deux territoires de la Géorgie (après avoir pendant des années assuré qu’ils allaient respecter sont intégrité territoriale) et, encore plus important, l’annonce d’une politique « impériale ». Le nouveau président russe (D. Medvedev) et à sa suite le ministre des affaires étrangères, S. Lavrov, ont érigé au rang de nouvelle politique le postulat des « sphères d’influence » édicté comme « cinquième principe de la politique étrangère russe ». En clair, la Russie s’arroge le droit d’intervenir dans des pays situés dans des zones frontalières si ses intérêts le commandent. Et, naturellement, ils sont les seules à déterminer quels sont leurs intérêts … Et quand on regarde les zones frontalières on comprend que l’Europe a quelques soucis à se faire pour l’avenir …
En rouge clair des pays conquis par la Russie au fil du temps, en rouge brique pays contrôlés après la 2ème guerre mondiale.
Pour ce qui est de la Géorgie, sacrifiée aux intérêts des promoteurs de l’apaisement vis-à-vis de la Russie, rien à faire. Et voilà notre président, trois mois après, en allant à l’encontre de la volonté d’un grand nombre de membres de l’Union, accepter le « business as usual » avec la Russie (et le même Kouchner de dire « Oui, les russes n’ont pas fait ce qu’ils avaient promis. Et alors ? On a arrêté la guerre, non ? »). Et il invite Medvedev à Nice pour discuter du développement des relations entre la Russie et l’Europe. Comment justifier ce nouvel engouement de la France pour un pays à régime autoritaire et qui a déçu tous les espoirs formulés au moment de l’implosion de l’Union Soviétique quant à sa marche vers la démocratie ?
Dernière avancée démocratique de la Russie de Poutine et Medvedev, la durée du mandat présidentiel sera portée à 6 ans. On peut déjà parier sur le fait que Medvedev, qui n’est qu’un clone de Poutine, présentera sa démission en 2009 et que … Poutine redeviendra président. Peut-être même avec Medvedev comme premier ministre … Ce tandem aura pleins pouvoirs, obtenus d’une manière « démocratique jusqu’en 2020 … C’est ce tandem qui, non seulement a fait abandonner à la Russie la voie démocratique initiée par Gorbatchev et développée par Eltsine, préside à la transformation de leur pays en pays sous-développé, que notre président a choisi d’appuyer comme Jacques Chirac l’a fait en son temps.
Russie qui, par exemple, n'a montré aucune amélioration de la santé publique au cours des huit dernières années. Malgré tout l'argent des coffres du Kremlin, les dépenses de santé ont été en moyenne de 6 % du PIB de 2000 à 2005, comparativement à 6,4 pour cent de 1996 à 1999. Ce qui veut dire environ 450 $/habitant à comparer avec les 6.400 $/habitant chez nous … La population russe a diminué depuis 1990 (de 157 à 143 millions), à cause de la baisse de la fécondité et de l'augmentation du taux de mortalité et cette baisse s'est aggravée depuis 1998. Les maladies non transmissibles sont devenues la principale cause de décès (maladies cardio-vasculaires représentant 52 % des décès, trois fois le chiffre des États-Unis), l'alcoolisme compte maintenant pour 18 % des décès des hommes âgés de 25 et 54 ans. À la fin des années 1990, la consommation annuelle d'alcool par adulte était de 10,7 litres (par rapport à 8,6 litres aux États-Unis et 9,7 au Royaume-Uni) tandis qu’en 2004, ce chiffre était passé à 14,5 litres. Et on estime que 1,0 pour cent de la population russe est actuellement infectée par le SIDA et que son taux d'infection est supérieur à celui de n'importe quel autre pays en dehors de l'Afrique. Ce pays qui dispose de plus de moyens nucléaires qu’il faut pour détruire 1.000 fois la planète laisse sa population disparaître car il a choisi de retrouver le rang de super-puissance qui était celui de l’Union Soviétique. Quitte, pour cela être rongée par la corruption généralisée qui la place selon les classements mondiaux entre les Philippines et le Rwanda (Transparency International) …
Mais, la vulgate dominante de nos élites (droite et gauche confondues pour le support de Nicolas Sarkozy apporté à la Russie) est très simple : la Russie ne peut être gouvernée autrement que par un système politique autoritaire. Et peu importe que la renationalisation des moyens de production (90 % de l’exploitation du pétrole et du gaz se faisait à dominante privée en 2004, ce pourcentage est descendu à 60% en 2008 selon la BERD) se fait en détruisant des actifs immenses comme ceux de Youkos (valeur boursière de 100 Milliards de $, partis en fumée par l’emprisonnement de son actionnaire qui a fait montre de velléités politiques dérangeant Poutine). Ou que la Bourse de Moscou (pas seulement à cause de la crise) a vu 80 % de sa capitalisation partie en fumée (2.700 Milliards de $ début 2008, 500 Milliards de $ actuellement).
Pourquoi notre président fait-il le lit des nouveaux dictateurs de la Russie ? Toujours la vieille antienne ayant dominé la politique étrangère de la France : faire bloc avec la Russie pour pouvoir s’opposer aux Etats Unis. Quelle dérision … s’allier avec un pays en voie de sous-développement pour s’opposer à une super-puissance dont toutes les valeurs devraient nous approcher. Et que va obtenir la France de tout cela ? Rien. Sauf d’être pris pour des « pas sérieux » et « dangereux » par ceux dont la mémoire est moins courte (l’Europe de l’Est, les Pays Baltes, le Pays Bas, l’Angleterre, etc.,). L’illusionniste ne peut que faire illusion …
La Syrie. De la même manière qu’il a « vendu » la Géorgie aux Russes notre président a vendu la Liban à la Syrie. Pourquoi ?
Le grand dessein, dévoilé par ceux qui lui sont proches, a été (est ?) de détacher la Syrie de l’Iran. En premier lieu, pour rendre services aux monarchies absolues sunnites des pays du Golfe dont la peur de l’Iran chiite dépasse tout ce que l’on peut imaginer. Pour la France, qui se veut le meilleur ami des pays arabes, voilà un projet exceptionnel. Ses plus proches collaborateurs font le chemin de Damas (Claude Guéant et Jean-Paul Levitte), Bernard Kouchner aussi et puis le président lui-même. Selon des sources bien informées (voir le quotidien londonien Al-Hayat) il aurait déclaré au président syrien Bashar Al-Assad que, « même si la commission d'enquête internationale détermine que des personnalités syriennes ont été impliqués dans l'assassinat de l'ancien Premier ministre libanais Rafiq Al-Hariri, cela ne signifie pas que le régime syrien peut être tenu responsable de l'assassinat ». Et fort de cette promesse la Syrie laisse élire un président accommodant au Liban et obtient, avec l’accord tacite de Nicolas Sarkozy, que le Hezbollah (ses supplétifs et ceux de l’Iran) obtiennent un droit de véto sur les décisions du gouvernement de ce pays. Avec deux conséquences, la milice qui (selon une résolution du Conseil de Sécurité dont la France a été un des deux promoteurs) aurait du être démantelé depuis 2006 non seulement garde ses armes mais accroit son arsenal (elle possèderait actuellement 40.000 fusées pointées sur Israël) et, en cas de guerre avec Israël ce dernier pourra détruire non pas une petite partie des infrastructures du Liban mais leur totalité. Car, si le Hezbollah entre en guerre de nouveau, cette fois-ci, il le fera en tant que membre du gouvernement libanais … Deux manières de vendre le Liban : laisser à la Syrie les mains libres pour y faire ce qu’elle veut et, en cas de conflit, laisser les libanais subir le poids des représailles israéliennes.
Mais la Syrie elle aussi, comme la Russie, sait obtenir ce qu’elle veut obtenir de ce président qui donne la préférence à l’immédiat, aux échos d’une action spectaculaire par rapport au moyen ou long terme ou par rapport à des actions réfléchies, au moins, au plan de leurs conséquences.
La Syrie connaît ses intérêts. Le Sud du Liban est sous l’emprise du Hezbollah dont on apprend (par l’ancien président italien Cossiga, Corriere des Sera, août 2008) qu’il dispose d’un blanc seing fourni par l’Italie : « Je peux affirmer avec une certitude absolue que l’Italie a un accord avec le Hezbollah selon laquelle les forces de la FINUL ferment les yeux sur le réarmement du Hezbollah, tant que celui-ci ne mènent pas des attaques contre ses soldats de la force". Mais le Nord, où l’influence du Hezbollah est moindre mérite qu’elle s’en occupe. Et on voit un déploiement de troupes syriennes autour du Liban tel que l’ancienne présence militaire dans ce pays n’a pas connue.
Nicloas Sarkozy préside à cette disparition en marche de toute souveraineté libanaise tout en sachant ce que la Syrie veut et prépare. Ni plus, ni moins disposer d’un arsenal nucléaire. Il a fallu plus de douze mois au Prix Nobel dirigeant l’Agence Internationale pour l’Énergie Nucléaire en charge de du contrôle du respect des engagements de non prolifération nucléaire, pour sortir un rapport ce mercredi 19 novembre qui affirme que « le complexe syrien bombardé par Israël il y a 14 mois avait des caractéristiques ressemblant à celles d'un réacteur nucléaire ; les quantités d’uranium trouvés sur place attestent de l’existence sur ce site d’un réacteur nucléaire ; comme les fonctionnalités qui incluent notamment la proximité du site en cause à une capacité de pompage d’eau pour le refroidissement nécessaire à un réacteur » Il s’agit de plus que d’un faisceau d’indices concordants : il s’agit de preuves matérielles selon lesquelles ce qu’Israël a détruit était bien un site nucléaire. Nicolas Sarkozy le savait depuis longtemps, cela ne l’a pas empêché de vendre le Liban à la Syrie ni d’inviter le président syrien à la parade du 14 juillet à Paris. Ni d’affirmer, chaque fois qu’il lui sied bien que l’Iran ne devrait pas être laissé continuer sa marche vers la bombe ou qu’il se considère comme le meilleur ami d’Israël.
Le 17 octobre 2008 la Syrie a fini l’encerclement de la moitié Nord du Liban.
Mais notre président, profitant de la crise financière mondiale, s’est trouvé investi d’une mission encore plus importante : réformer le système financier mondial et transformer le « capitalisme financier ». Ce qui lui a valu l’approbation et le soutient immédiat de Hugo Chavez qui a déclaré « Encore un peu et Sarkozy sera aussi socialiste que moi ». Hugo Chavez qui a offert, comme présent, à Ahmadinejad un Airbus A340-200 en signe d’amitié pendant que la France interdit l’export d’avions modernes à l’Iran …
La France qui est l’avant dernier pays en Europe pour la tenue de ses engagements « Maastricht » (on oublie que c’est François Mitterrand qui a imposé les deux critères majeurs, 3% maximum pour le déficit annuel et 60% du PIB pour l’endettement d’un pays) veut reformer le système financier mondial. La France qui promettait à ses partenaires depuis 2003 qu’elle allait respecter les critères qu’elle-même a proposé, d’abord en 2006 ensuite en 2008 ensuite en 2010 ensuite en 2012 et maintenant … au Calendes Grecques, la France qui vit non seulement au-dessus de ses moyens mais a crédit, la France qui sans le parapluie de l’euro aurait eu depuis la création de ce dernier au moins deux sinon trois dévaluations, la France de Nicolas Sarkozy veut reformer le capitalisme … Système économique qui, pour paraphraser Churchill « est le plus mauvais sauf tous les autres … ».
La crise financière mondiale a bon dos quand on regarde ce que notre président a fait depuis son élection. De 1.150 milliards d’euros de dette nationale, en 18 mois nous sommes arrivés à 1.300 milliards d’euros. Et le déficit annuel continue de grimper : 60 milliards d’euros cette année pour 51 prévus. Mais ce n’est pas cela qui le ferait réaliser des reformes sérieuses ou arrêter de changer la nature de ce qui est commencé dès que les sondages d’opinion montrent que sa popularité est en train de faiblir … Et voilà des renationalisations, des primes accordées en veux-tu, en voilà, qui pour la rentré scolaire, qui pour les familles nombreuses, qui pour Noël, qui pour les lobbies de ceci ou de cela. Quelle importance, c’est la crise et les engagement pris … on verra une autre fois dit son conseiller en chef, Henri Guiano.
Mais personne ne le prend au sérieux. Ceci ne serait pas grave sauf qu’il représente la France. C’est la France qui a essuyé un revers de politique étrangère il y a une semaine quand, à son insistance, un sommet de 20 pays s’est réuni à … Washington. Pour décider quoi ? De se revoir en avril 2009 après avoir laissé le temps aux spécialistes de proposer les modalités d’une reforme du système financier mondial ! Mais ce système ne fait que refléter les us et coutumes du système capitaliste. Est-ce à dire que la France veut « socialiser » l’économie mondiale ? Si c’est cela, nonobstant l’adhésion immédiate de tout ce qui est de gauche en France (et aussi un peu de droite …), vaste programme ! Mais dans un pays où 25% de ceux qui travaillent émargent au budget de la nation (fonctionnaires et/ou assimilés) et, à ce titre, ont le droit de nous faire vivre à crédit, dans un pays où les syndicats représentent toutes tendances confondues moins de 1% de ceux qui travaillent, eh bien, dans un tel pays son président ne peut (ne veut) pas grand’chose. Surtout si ce qui l’intéresse n’est pas le sort de la France dans dix, vingt ou trente ans mais sa popularité immédiate.
Et voilà le tour bouclé : de la Russie dont les ambitions impériales reviennent comme une maladie génétique, qui empêche tout ce qui pourrait se faire contre l’Iran qui veut sa bombe, de ce Moyen Orient qui n’aura la paix (selon les islamistes que la France courtise par Hezbollah et Hamas interposés) qu’au moment de la disparition des chrétiens et des juifs des territoires qu’Allah doit posséder, de ce monde capitaliste dont la contribution au progrès de l’humanité est sans concurrent depuis qu’il existe, de tout cela notre président et avec lui sa France essaye de faire son miel. Ce qui ne l’empêche pas de s’enfoncer dans le déclin économique qui ne promet pas des lendemains qui chanteront …
J’avais oublié : Barak Obama est « son ami » et il est certain qu’avec eux deux, sous leur impulsion, le monde va changer. Des vœux pieux ?