J’étais en train de passer au crible les derniers évènements qui préoccupent le pays (situation économique, nouveau gouvernement et sa durée probable, les convulsions de la relation franco-algérienne tellement annonciatrices de soucis à venir, la place du pays dans une Europe qui glisse vers une droite certes raisonnée mais droite quand même) quand on nous a annoncé qu’enfin, une partie des 98 otages (de nationalités multiples) détenus (non pas « retenus ») à Gaza allaient être libérés dans le cadre d’un accord qui révulse certains, rend heureux une partie des parents desdits otages et donne l’occasion à certains grands de ce monde de pavoiser. Que le cœur de l’homme est creux …(Pascal)
Négocier avec des terroristes, depuis novembre 2023 ? Élevés au rang d’interlocuteurs pour que deux présidents de la première puissance mondiale puissent revendiquer les avoir obligés à céder... en faisant obligation à Israël de payer un prix exorbitant ?
Certes, négocier avec les terroristes est toujours une mauvaise idée, mais laisser mourir des otages l’est aussi. Libérer des meurtriers, condamnés pour des crimes de sang ou attentats barbares, crée un précédent dangereux, vérifié depuis des lustres, tout comme laisser la société israélienne s’effondrer et perdre confiance en son système de sécurité si on ne ramène pas les otages. Car, depuis la nuit des temps, la Thora dit « sauver un homme c’est sauver l’humanité ». Certes, le prix est toujours à mesurer et Maimonide (Rambam, 12/13ème siècle) le discute dans (Mishné Thora, Le Guide des Égarés) car ses inconvénients sont multiples.
Le jour même où un accord est conclu, un représentant des terroristes, Khalil al-Hayya, a salué le massacre du 7 octobre comme une grande réussite qui serait enseignée aux générations futures de Palestiniens avec fierté, tout en vantant l’accord de cessez-le-feu et d’otages annoncé peu avant qu’il ait parlé mercredi comme un « moment historique « de réalisations militaires » et « une source de fierté pour notre peuple... à transmettre de génération en génération (TOI, 15.01.25). « La joie du peuple à Gaza ternie pas des bombardements israéliens » (Le Monde, 15.01.25 – titre disparu actuellement).
Bon. Que le cœur de l’homme est creux… (Pascal, Les Pensées) – il suffit de voir comment on a inversé ce qui s’est passé le 7 octobre 2023 en faisant de l’agressé, de la victime, l’agresseur condamnable à tout jamais pour ses tentatives de faire en sorte que ce qui s’est passé ne puisse plus lui arriver. Cela a commencé le lendemain du 7 octobre et avant qu’Israël ne fasse quoi que ce soit. 15 mois après notre président salue l’accord, via tweeter « Après quinze mois de calvaire injustifiable, soulagement immense pour les Gazaouis » Pas un mot de réconfort pour Israël.
En 2011, Israël a libéré 1027 détenus de sécurité, y compris des terroristes avec du sang sur les mains comme Yahya Sinwar, l’architecte 12 ans après de l’attaque du 7 octobre, pour Gilad Shalit, dont la famille avait lancé une énorme campagne émotionnelle pour sa libération. Combien de vies israéliennes, demandent les critiques, aujourd’hui, ont été perdues à la suite de cet accord ? Selon les fuites concernant l’accord actuel, Israël devrait libérer, en tout, 3.000 détenus dont 500 avec du sang sur leurs mains et 50 condamnés à vie. Les partisans de l’accord soulignent que, contrairement à l’accord Shalit, les terroristes libérés dans cet échange ne seront pas libérés en Judée et en Samarie mais plutôt soit à Gaza ou déportés au Qatar, en Turquie ou en Égypte. Egypte, dont la frontière avec Gaza a été celle par laquelle (et sous laquelle) on a importé les armes de grand calibre et les équipements pour les fabriquer dans ce qu’était « la plus grande prison du monde à l’air libre » mais dont les geôliers étaient des incapables ? Le Qatar, pourvoyeur de fonds (30 millions $/mois) du Hamas qui les a utilisés pour construire 500 km de tunnels à 30/60 mètres de profondeur non pas pour avoir des abris pour la population mais pour ses troupes ? La Turquie, qui considère le Hamas comme des résistants qui défendent leurs terres, qui accueillait ses dirigeants en grand pompe et qui, maintenant, essaye de faire revivre l’empire ottoman en s’installant en Syrie, à la porte d’Israël ? Mais qui dit qu’ils ne peuvent pas aussi orchestrer des nouvelles attaques à partir de là ?
Le vrai drame est que le Hamas reste debout. Ce qui a constitué une préoccupation constante, certes occultée, de tous ceux qui plaidaient pour un cessez-le-feu (souvent oubliant de le lier à un retour des otages, comme la France, mais pas seulement). Certes, en tant qu’organisation militaire, Hamas est gravement épuisée, avec des dizaines de milliers de terroristes tués et ses arsenaux de roquettes et de missiles décimés presque totalement, mais elle conserve toujours le contrôle des infrastructures civiles de Gaza et reste en place en vertu de l’accord. Pas seulement. Bien que depuis plus d’une année Israël a assuré l’entrée à Gaza de plus d’un million de tonnes de produits alimentaires, soit l’équivalent d’environ 3.000 calories/jour/personne, on continue de crier à la famine en accusant Israël d’être responsable d’un crime contre l’humanité. Faisant semblant d’ignorer que le Hamas confisque quelques 40% de ce qui entre gratuitement à Gaza pour le vendre à une population manquant de tout. Et utilise les fonds ainsi obtenus pour payer la solde de nouveaux soldats pour remplacer les morts ou les blessés. « En effet, nous évaluons que le Hamas a recruté presque autant de nouveaux militants qu’il en a perdu. C’est une recette pour une insurrection durable et une guerre perpétuelle. » (A. Blinken, Atlantic Council, 14.01.25). Autant dire que le regroupement et le réarmement de l’organisation terroriste ne sont qu’une question de temps. Sont-ils sensibles à cela, ceux qui ont forcé Israël à accepter un accord - pour beaucoup - inacceptable ?
Que le cœur de l’homme est creux… Oui, la décision d’Israël d’accepter cet accord reflète un dilemme moral et stratégique déchirant, opposant la compassion à la prudence et le gain immédiat au risque à long terme. Et, dès lors, l’effort pathétique de l’Administration sortante de J. Biden (déclaration 15.05.25) pour prétendre que c’est la diligence du président, de la vice-présidente et de son secrétaire d’état qui a amené la guerre à Gaza au point d’un échange complet possible d’otages est ridicule. L’administration sortante n’a pratiquement rien à voir avec cela. Le moteur du progrès du dernier mois en faveur d’un accord est la menace répétée à plusieurs reprises faite par le président nouvellement élu que si les otages américains n’ont pas été libérés avant le moment précis de son entrée à la Maison Blanche, « l’enfer s’abattra sur les responsables »
L’accord. Et ils vous parlent, tous, des 33 otages (98 sont encore détenus, on suppose qu’un tiers sont décédés) qui seront libérés sans mettre l’accent sur la méthode : « pendant 42 jours : la première semaine, trois le premier jour, quatre le dernier … » le supplice chinois de la goutte qui tombe. A commencer de ce dimanche, les deux premiers otages qui seront libérés seront deux des derniers israélo-américains qui restaient. Pas les deux franco-israéliens encore en vie après le meurtre des 42 autres.
M. Trump qui a le triomphe facile a fait savoir avant tout le monde que « nous avons un accord pour les otages » Il n’est pas exclu qu’il ne se révèle pas pernicieux pour la suite des évènements au Proche Orient car le Hamas et les autres proxies de l’Iran, continueront à mener la guerre contre Israël, quelles que soient les actions de cette dernière. L’absence de perspicacité stratégique semble flagrante, ce qui rend perplexe et pousse à se demander pourquoi l’auteur de "The Art of the Deal" a poussé Israël à signer un deal qui revient essentiellement à un pacte avec son ennemi juré. Et qui le qualifie (comme l’Iran, d’ailleurs) de « grande victoire du peuple palestinien contre l’occupation » Comment imaginer que l’accord n’encouragera pas la prise d’otages ? Depuis le 7 octobre, Israël s’est battu sur plusieurs fronts, en détruisant (pour l’essentiel) le Hezbollah et en affaiblissant l’Iran. Seul le Hamas donne l’impression de sortir de la guerre en prétendant avoir forcé la main d’Israël. Oui, car il disposait des otages.
Comment ne pas réaliser que libérer des milliers de terroristes du Hamas, des centaines avec du sang sur les mains et condamnés à des peines perpétuelles, conduira inévitablement, à plus de terrorisme ? Les opposants à l’accord sont soutenus par les données qui s’accumulent depuis des dizaines d’années.
Israël est confrontée à une question de priorités, malheureusement trop familière : l’impératif moral immédiat de sauver des vies justifie-t-il les risques pour la sécurité nationale et la stabilité future ? Et l’acceptation de tels termes indique-t-elle la force de son humanité ou la faiblesse de sa résolution ? Quelle que soit l’issue, les conséquences de cet accord se répercuteront sur les années à venir. Israël n’est pas étranger aux décisions difficiles, mais celle-ci – comme tant d’autres avant elle – force la nation à affronter le cœur même de son identité, de ses valeurs et de sa survie. Et ce respect de l’humanité est considéré par beaucoup d’ennemis d’Israël comme sa kryptonite – une faiblesse qui ne fera que rendre la prise d’otages future plus probable et plus extrême. Seul le temps nous dira si ce pari conduira à une résolution ou à un regret. (The Spectator, 13.01.25)
Pour ? Contre ? Oublions Que le cœur de l’homme est creux et partageons le bonheur des parents des otages qui verront les leurs libérés.
Quant à Israël… elle devient de plus en plus puissante (qui l’eut cru ?) et se place comme huitième pays parmi les plus grands exportateurs d’armes du monde :